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12/03/2024 | FRANCE | N°22NT02668

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 12 mars 2024, 22NT02668


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 11 juillet 2021 de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur, ainsi que cette décision consulaire.



Par un jugement n° 220031

9 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 11 juillet 2021 de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur, ainsi que cette décision consulaire.

Par un jugement n° 2200319 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août 2022 et 21 septembre 2023, Mme B... C... épouse A..., représentée par Me Chafi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire d'ordonner une mesure d'instruction consistant en la production par le ministre de l'intérieur du dossier complet de demande de visa déposé par la requérante ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est fondée sur un fait matériellement inexact ;

- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de sa volonté de s'établir à terme durablement en France avec sa famille ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 7 a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leur famille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et des membres de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- et les observations de Me Chafi, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 2200319 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 11 juillet 2021 de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur, ainsi que cette décision consulaire. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée :

2. En réponse à la demande de communication des motifs de sa décision implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a informé Mme A... que sa décision est fondée sur ce que l'intéressée ne s'est pas engagée à n'exercer aucune activité professionnelle sur le territoire français, sur ce qu'elle ne semble pas vouloir s'établir durablement en France, n'ayant pas demandé de visas pour ses trois enfants restés dans son pays de résidence et sur ce qu'en conséquence, il existe un risque de détournement de l'objet du visa à fin de faciliter la circulation de Mme A... entre l'Algérie et la France où elle a des intérêts professionnels et financiers.

3. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention "visiteur" (...). ". Aux termes de l'article 9 de cet accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / Ce visa de long séjour accompagné des pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent. ".

4. En l'absence de toute dispositions conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où le visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard, et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, mais sur tout considération d'intérêt général. Il en va notamment ainsi des visas sollicités en vue de bénéficier du certificat de résidence portant la mention "visiteur" prévu par le a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est associée à parts égales avec son époux dans une société civile immobilière dont le siège social est à Marseille et dont l'activité est notamment l'acquisition, la transformation et la location de biens immobiliers. M. A..., son époux, réside en France depuis 2018, après avoir obtenu un visa de long séjour " visiteur " puis des certificats de résidence renouvelés chaque année. En qualité de co-gérante de leur société civile immobilière, Mme A... entend s'installer en France afin de développer leur activité. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... cotise au régime obligatoire de l'URSSAF en qualité d'associée-gérante et dispose à cet égard d'un numéro de sécurité sociale et d'une couverture d'assurance-maladie complète. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressée dispose d'une couverture complémentaire santé complète acquittée depuis 2018. En outre, la fille aînée du couple est installée à Marseille depuis septembre 2021 pour y suivre ses études.

6. D'autre part, le ministre de l'intérieur soutient que Mme A... ne s'est pas engagée à n'exercer aucune activité professionnelle en France. Ce faisant, il se méprend sur la portée des stipulations de l'article 7 a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, lesquelles prévoient que les ressortissants algériens qui demandent un visa de long séjour " visiteur " doivent prendre " l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation ". Dès lors que l'activité d'associée-gérante non salariée de la société civile immobilière des époux A... ne fait pas partie des activités professionnelles soumises à autorisation au sens des stipulations précitées, l'administration ne peut fonder sa décision sur la circonstance que Mme A... a l'intention d'exercer cette activité. En outre, il n'est pas contesté par le ministre de l'intérieur que l'engagement prévu à l'article 7 a) de l'accord franco-algérien est au nombre des pièces justificatives à fournir dans le dossier de demande de visa de long séjour " visiteur ". Il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme A..., laquelle affirme avoir joint l'engagement requis à sa demande de visa, a été instruite et n'a pas été rejetée comme étant incomplète. Il n'est dès lors pas établi que la demande de visa de Mme A... ne comprenait pas ledit engagement. Dans ces conditions, en refusant la délivrance du visa demandé au motif qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa afin de faciliter la circulation de Mme A... entre l'Algérie et la France où elle a des intérêts professionnels et financiers, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni d'ordonner une mesure d'instruction consistant en la production par le ministre de l'intérieur du dossier complet de demande de visa déposé par la requérante, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Eu égard aux motifs qui le fondent, l'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de visa de long séjour présentée par Mme A... soit réexaminée. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200319 du 11 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer la demande de visa de long séjour présentée par Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02668
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CHAFI MILOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;22nt02668 ?
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