Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté
n° 2021/240 du 18 août 2021 par lequel le centre hospitalier public du Cotentin a décidé de son admission à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2021, ou, subsidiairement, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin de déterminer s'il est inapte de manière définitive à toutes fonctions.
Par un jugement n° 2102112 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté n° 2021/240 du 18 août 2021 par lequel le centre hospitalier public du Cotentin a décidé l'admission de M. B... à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2023, le centre hospitalier public du Cotentin, représenté par Me Dollon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A... B... ;
3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à une nouvelle instruction du dossier après nouvel avis sollicité auprès du comité médical départemental.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce que, d'une part, M. B... n'a pas intérêt à contester la décision par laquelle a été décidée sa retraite pour invalidité à compter du 14 janvier 2020, et, d'autre part, le tribunal n'a pas statué sur la demande par laquelle l'hôpital lui a demandé, dans l'hypothèse où un moyen de légalité externe conduirait à l'annulation de l'arrêté attaqué, le renvoi de l'examen du dossier de M. B... afin que la demande de celui-ci soit instruite après sollicitation d'un nouvel avis du comité médical départemental ;
- aucun élément ne permet de contredire que M. B... a bien été destinataire du courrier qui lui a été adressé le 14 mai 2020 en temps utile avant la réunion de la commission de réforme du 2 mai 2020, à laquelle l'intéressé a effectivement participé ;
- les autres moyens présentés par M. B... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Désert, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- les moyens invoqués en appel par le centre hospitalier ne sont pas fondés ;
- il s'en rapporte à la procédure de première instance s'agissant des moyens de légalité externe et interne invoqués à l'encontre de l'arrêté du 18 août 2021.
Par une décision du 25 octobre 2023, M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les conclusions de M. Berthon.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., agent d'entretien qualifié titulaire employé par le centre hospitalier public du Cotentin, a été placé en congé de longue durée du 31 janvier 2014 au 11 octobre 2018. Une expertise ayant conclu, le 20 avril 2018, à une inaptitude permanente et définitive de l'intéressé à ses fonctions, mais à la possibilité d'un reclassement sur un poste administratif, un poste d'agent d'accueil téléphonique à la centrale d'appel téléphonique de l'hôpital a été proposé à M. B..., dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, à 50% d'un temps plein, d'abord pour trois mois, conformément à l'avis favorable d'un médecin agréé. M. B... a rejoint ce poste, mais a rapidement fait part de ses difficultés à occuper les fonctions correspondantes, qu'il n'a exercées en fait qu'entre le 8 et le 19 octobre avant de prendre des congés, puis d'être placé en arrêt de travail, à plusieurs reprises. Il a finalement refusé le reclassement qui lui était proposé, correspondant à un poste selon lui " trop stressant et incompatible avec son état de santé ". Il a donc été placé, entre le 12 janvier et le 31 août 2019 en congé maladie ordinaire, puis en congé de longue durée à compter du 2 septembre 2019. Après une nouvelle expertise médicale, le comité médical a émis, le 5 juillet 2019, un avis d'inaptitude de M. B... à ses fonctions et à toutes fonctions, se prononçant en faveur de la mise à la retraite pour invalidité de l'intéressé et retenant un taux d'incapacité de 25%. Conformément à cet avis, M. B... a, par une décision n° 2019-265 du 12 septembre 2019, été reconnu inapte à ses fonctions d'agent d'entretien et à toutes fonctions à compter du 1er avril 2019, de façon permanente et définitive, puis, par un arrêté n° 2020-25 du 23 janvier 2020, placé en disponibilité d'office pour raison de santé en raison de l'épuisement de ses droits à congés, à partir du 14 janvier 2020, dans l'attente de l'instruction d'une demande de placement en retraite pour invalidité. Toutefois, il n'a pas donné son accord aux démarches de l'hôpital tendant à l'instruction d'une demande de retraite pour invalidité, mais a demandé la mise en œuvre d'une contre-expertise. Après avoir rappelé à M. B... le caractère définitif de la décision du 23 janvier 2020 consacrant son inaptitude totale et définitive à ses fonctions et à toutes fonctions, l'hôpital a saisi la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités territoriales qui a émis son avis après s'être réunie le 29 mai 2020 et a consulté, une nouvelle fois, le comité médical départemental qui, le 10 janvier 2020, a réitéré dans les mêmes termes son avis précédent du 5 juillet 2019. Par un arrêté n° 2021/240 du 18 août 2021, le centre hospitalier public du Cotentin a décidé l'admission de M. B... à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2021. Par un jugement du 14 mars 2023 dont l'hôpital relève appel, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait pas retenu l'irrecevabilité de la demande de première instance n'entache pas la régularité du jugement mais seulement le
bien-fondé de celui-ci si elle devait être retenue.
3. En second lieu, dans les écritures de première instance du centre hospitalier public du Cotentin, dans un point " III - Les demandes du centre hospitalier ", figure la demande rédigée comme suit : " Dans l'hypothèse où un moyen de légalité externe conduirait à l'annulation de l'arrêté attaqué, il est demandé au tribunal de prévoir le renvoi de l'examen du dossier de
M. B... afin que la demande de celui-ci soit instruite suite à un nouvel avis sollicité de la part du comité médical départemental ". Cette demande est reprise dans les conclusions de ses écritures, dans lesquelles l'hôpital demande au tribunal " A titre subsidiaire, [de] dire et juger que l'instruction du dossier sera reprise après nouvel avis sollicité auprès du comité médical départemental ".
4. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a omis d'examiner, bien qu'il les ait visées, les conclusions présentées à titre subsidiaire par le centre hospitalier public du Cotentin, tendant à ce qu'il lui soit enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de
M. B.... Dès lors le jugement est irrégulier dans cette mesure. Par suite, il doit être annulé en tant seulement qu'il n'a pas examiné ces conclusions.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande en tant qu'elle concerne les conclusions à fin d'injonction et de statuer, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la requête.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté n° 2021/240 du 18 août 2021 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à ces conclusions :
6. La circonstance que M. B... n'a pas contesté, dans le délai de recours contentieux, la décision n° 2020-25 du 23 janvier 2020 par laquelle la direction de l'hôpital public du Cotentin l'a reconnu inapte à ses fonctions d'agent d'entretien et à toutes autres fonctions de façon permanente et définitive et a décidé son placement en disponibilité d'office pour raison de santé en raison de l'épuisement de ses droits à congés, à partir du 14 janvier 2020, dans l'attente de l'instruction d'une demande de placement en retraite pour invalidité, est sans incidence sur l'intérêt dont dispose ce fonctionnaire hospitalier à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté n° 2021/240 du 18 août 2021 par lequel le centre hospitalier public du Cotentin a décidé son admission à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2021. La fin de
non-recevoir opposée pour ce motif à la demande de M. B... ne peut donc qu'être écartée.
En ce qui concerne la légalité de la décision contestée :
7. Aux termes de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) ". Aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé, pris en application de ces dispositions : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. (...) ". Aux termes de l'article 16 de ce même arrêté : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ".
8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
9. En l'espèce, M. B... soutient qu'il n'a reçu la convocation pour la réunion de la commission de réforme du 29 mai 2020 que deux jours avant la séance de la commission. Si le centre hospitalier public du Cotentin soutient que la lettre de convocation par courrier simple est datée du 14 mai 2020 et que " d'une manière générale, les courriers sont envoyés le jour ou le lendemain de l'édition ", il n'établit pas, alors que la charge de la preuve lui incombe, la date certaine de réception de cet envoi, ni que le courrier correspondant serait parvenu à son destinataire avant la date dont fait état le requérant, ou en temps utile. Alors que, en l'absence de preuve contraire, la convocation doit être considérée comme étant parvenue à M. B... deux jours seulement avant la réunion de la commission de réforme, l'hôpital ne peut non plus faire valoir que le requérant a pu assister à cette réunion par audioconférence, le délai de deux jours dont il a disposé n'était pas suffisant pour lui permettre de prendre connaissance de son dossier, préparer ses observations écrites et fournir ses éventuels certificats médicaux. La méconnaissance de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 précité l'ayant privé, en l'espèce, d'une garantie, ce vice de procédure est de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée prononçant sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni d'ordonner une expertise médicale, que le centre hospitalier public du Cotentin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 18 août 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par le centre hospitalier public du Cotentin :
11. Si le centre hospitalier public du Cotentin demande à la juridiction " de prévoir le renvoi de l'examen du dossier de M. B... afin que la demande de celui-ci soit instruite suite à un nouvel avis sollicité de la part du comité médical départemental ", une telle initiative, consistant à reprendre, pour la régulariser, la procédure de mise à la retraite d'office pour invalidité engagée à l'encontre du requérant, relève de la seule compétence du centre hospitalier et de son choix, s'il s'y croit fondé. Il n'appartient pas au juge administratif de se substituer à l'administration, de prendre à la place de celle-ci des mesures qu'elle a le pouvoir de prendre elle-même, et, en règle générale, de faire droit à d'autres demandes que celles tendant à l'annulation d'une décision pour excès de pouvoir ou à l'octroi à un justiciable d'une somme d'argent dont l'administration est débitrice à son égard. La demande analysée ci-dessus ne peut, par suite, qu'être rejetée en raison de son irrecevabilité.
Sur les frais liés au litige :
12. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier public du Cotentin le versement à Me Désert de la somme de 1 200 euros HT dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 janvier 2023 est annulé en tant qu'il ne statue pas sur les conclusions à fin d'injonction présentées à titre subsidiaire par le centre hospitalier public du Cotentin.
Article 2 : La demande d'injonction du centre hospitalier public du Cotentin et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le centre hospitalier public du Cotentin versera Me Désert, avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros HT au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié centre hospitalier public du Cotentin, à M. A... B..., et à Me Désert.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Brisson, présidente,
M Vergne, président-assesseur,
Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et de la solidarité, en ce qui la concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01377