Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 11 octobre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiante.
Par un jugement n° 2210998 du 16 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 janvier 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... C... B....
Il soutient qu'il ne pouvait être fait droit à la demande de l'intéressée en l'absence de caractère sérieux des études envisagées ; l'établissement dans lequel la demandeuse est inscrite ne délivre aucun diplôme ou titre professionnel reconnu par l'Etat ; la formation dispensée n'est pas destinée à lui permettre de postuler utilement au concours d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat ; la formation constitue un doublon de celle qui lui a permis d'obtenir au Cameroun un master 2 en droit des affaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2023, Mme A... C... B..., représentée par Me Zoleko, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre au ministre d'exécuter le jugement du tribunal administratif de Nantes en lui délivrant le visa sollicité, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'étudiante auprès de l'autorité consulaire française à Douala, laquelle a rejeté sa demande par une décision notifiée le 7 juillet 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née le 11 octobre 2022, laquelle, en application des dispositions de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est substituée à la décision consulaire. Par un jugement du 16 janvier 2023, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision née le 11 octobre 2022 et a enjoint au ministre de faire délivrer à Mme B... le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous réserve que l'intéressée bénéficie d'une nouvelle date de rentrée ou d'une inscription pour la prochaine année universitaire.
2. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il résulte des écritures en appel présentées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, que pour rejeter implicitement le recours formé par Mme B... contre la décision de refus de visa étudiant sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le défaut de caractère sérieux de son parcours étudiant et, par suite, sur le risque de détournement de l'objet du visa demandé.
3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission. ".
4. En l'absence de dispositions spécifiques figurant au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande présentée pour l'octroi d'un visa de long séjour sollicité pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 de ce même code, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
5. Par ailleurs, s'il est possible, pour le ressortissant d'un pays tiers, d'être admis en France et d'y séjourner pour y effectuer des études sur le fondement d'un visa de long séjour dans les mêmes conditions que le titulaire d'une carte de séjour, ainsi que le prévoient les articles L. 312-2 et L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mai 2021, les dispositions relatives aux conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an, telles que précisées par les articles L. 422-1 et suivants du même code et les dispositions règlementaires prises pour leur application, ne sont pas pour autant applicables aux demandes présentées pour l'octroi d'un tel visa.
6. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., née en 1999, est titulaire d'un master 1 en droit des affaires délivré en 2020. Au titre de l'année universitaire 2020/21, elle établit avoir été inscrite en master 2 en recherche droit des affaires de l'université de Douala. Elle s'est inscrite en février 2022 à l'Institut supérieur du droit, établissement privé parisien d'enseignement supérieur afin d'intégrer, en septembre 2022, un mastère 1, spécialité droit de l'entreprise et du numérique. Elle explique qu'elle entend à terme intégrer un institut d'études judiciaires puis un centre régional de formation professionnelle d'avocats afin de devenir avocate. Cependant, il n'est pas même établi, par la seule production d'un certificat de scolarité délivré en février 2022 au titre de l'année 2020/2021, qu'elle aurait achevé ses études entamées en master 2 recherche droit des affaires au Cameroun. Le conseiller Campus France et le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade, qui ont reçu Mme B..., ont émis des avis défavorables à sa demande, en relevant l'inadéquation entre son projet d'étude et son inscription à l'institut supérieur du droit, établissement qui n'est pas reconnu par l'Etat français. Si Mme B... soutient que sa scolarité lui permettra à terme de devenir avocate, elle ne l'établit pas, eu égard à l'objet de sa formation prévue en France et aux pièces produites, limitées sur ce point à la communication d'une page du site internet de l'établissement intitulée " Devenir avocat au barreau de New-York puis exercer le métier d'avocat en France. Avec l'IDS c'est possible ! ". Au surplus, l'intéressée a également produit en cours d'instance, devant le tribunal, une attestation d'inscription du 17 novembre 2022 en master 1 droit des affaires - chargée de gestion et management dans un autre établissement privé parisien dénommé EMSP Paris (Executive management school of Paris) qui est une école de commerce et de management, pour une rentrée prévue le 1er février 2023. Outre qu'il s'agit d'un nouveau master 1, ce projet apparaît également sans lien avec son projet affiché de devenir avocate. Ainsi la cohérence du projet de Mme B... avec l'enseignement qu'elle entend poursuivre en France n'est pas établi. Il ressort également des pièces du dossier que le frère de l'intéressée réside régulièrement en région parisienne et se proposait de l'héberger. Dans ces conditions, la commission pouvait lui opposer le risque de détournement de l'objet du visa sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. C'est par suite à tort que le tribunal s'est fondé, pour annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, sur ce que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B....
9. En application des dispositions de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à la décision consulaire. Aussi les moyens soulevés par Mme B... tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision consulaire du 7 juillet 2022 rejetant sa demande de visa et de l'insuffisance de motivation en droit de cette décision sont inopérants et doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B..., la décision née le 11 octobre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a fait injonction de délivrer le visa sollicité. Par voie de conséquence, les demandes présentées par Mme B... au titre de l'injonction et des frais d'instance ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2210998 du tribunal administratif de Nantes du 16 janvier 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi que ses demandes présentées en appel au titre de l'injonction et des frais d'instance, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... C... B....
Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00395