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18/06/2024 | FRANCE | N°22NT04063

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 18 juin 2024, 22NT04063


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... A..., Mme B... C..., M. D... A... et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer à Mme B... C..., à M. D... A..., à M. G... A..., et à M. E... A... des visas de long séjour au titre du regro

upement familial.



Par un jugement n° 2114666 du 4 juillet 2022, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A..., Mme B... C..., M. D... A... et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer à Mme B... C..., à M. D... A..., à M. G... A..., et à M. E... A... des visas de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2114666 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision en tant qu'elle concerne Mme B... C..., M. D... A... et M. E... A... et a rejeté la demande en tant qu'elle concerne M. G... A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2022, MM. F... et G... A..., représentés par Me Poulard, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il concerne M. G... A... ;

2°) d'annuler la décision du 2 février 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne M. G... A... ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard aux documents d'état-civil et aux éléments de possession d'état présentés ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par MM. A... ne sont pas fondés.

M. F... A... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 23 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... A..., ressortissant sénégalais né le 5 mars 1972, a obtenu par une décision préfectorale du 27 août 2018, une autorisation de regroupement familial au profit de Mme B... C..., présentée comme son épouse, et de MM. D..., G... et E... A..., présentés comme leurs enfants nés respectivement le 27 août 2001, le 20 octobre 2003 et le 26 novembre 2009. Par des décisions du 16 mars 2021, les autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) ont rejeté les demandes de visa de long séjour présentées par Mme C... et MM. D..., G... et E... A... au titre du regroupement familial. Par une décision du 2 février 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires. Par un jugement du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision en tant qu'elle concerne Mme C..., M. D... A... et M. E... A... et a rejeté celle présentée par M. G... A.... MM. F... et G... A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il concerne M. G... A....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, lorsque le silence gardé par l'administration sur une demande dont elle a été saisie a fait naître une décision implicite de rejet, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Dans ce cas, des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.

3. Si MM. A... soutiennent que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'un défaut de motivation et qu'il n'a pas été répondu à leur demande, faite le 21 décembre 2021, de communication des motifs de cette décision, il ressort des pièces du dossier qu'une décision explicite de rejet est intervenue le 2 février 2022, laquelle s'est entièrement substituée à la décision implicite née du silence gardé par la commission sur leur recours enregistré le 2 juillet 2021. Par suite, et alors que la décision du 2 février 2022 mentionne les éléments de fait et de droit qui la fondent, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite née précédemment doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision du 2 février 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est motivée par le fait que l'identité des demandeurs de visa et, partant, leur lien familial, n'est pas établie.

5. D'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour ; (...). ". Et aux termes de l'article L. 434-2 du même code : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / (...) par les enfants du couple mineur de dix-huit ans. ".

6. Si la venue en France de ressortissants étrangers a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire use du pouvoir qui lui appartient de refuser leur entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ", ce dernier article disposant que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ".

8. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

9. Il ressort des pièces du dossier que pour établir l'identité de M. G... A..., lequel serait né le 20 octobre 2003, MM. A... ont présenté deux jugements d'autorisation d'inscription tardive de naissance du tribunal départemental de Fatick (Sénégal), siégeant en matière civile, portant le même numéro et la même date d'audience, mais rendus par des magistrats différents, assistés de greffiers distincts, à la demande de requérants qui ne sont pas identiques et après audition de témoins précisément identifiés pour un seul des jugements, alors même qu'il s'agirait dans les deux cas d'établir la naissance de M. G... A.... Pour expliquer cette situation, MM. A... produisent en appel un document du 25 juillet 2022 présenté comme émanant du greffier en chef du tribunal d'instance de Fatick expliquant que l'un des deux jugements produit est un jugement reconstitué d'un jugement perdu, comportant de ce fait des erreurs, qui n'a été rédigé que parce que le jugement de même date avait été perdu suite à des déménagements, avant d'être retrouvé et communiqué. Ces explications, qui ne présentent aucune des garanties attachées à une décision juridictionnelle, ne permettent ni de justifier la production d'un jugement frauduleux du fait de sa " reconstitution ", ni d'établir que l'un des deux jugements désignés par cette personne serait le véritable jugement d'autorisation d'inscription tardive de naissance de M. A.... L'" attestation de jugement rendu " signée par le même greffier en chef du tribunal d'instance de Fatick le 14 juillet 2022 désignant l'un des deux jugements du 11 juin 2019 comme faisant foi n'est pas davantage, pour les mêmes motifs, de nature à établir les dires des appelants. Enfin aucune copie d'acte de naissance de M. G... A... n'a été communiquée à la suite de celle établie le 5 décembre 2018, alors qu'il ne peut être identifié quel jugement du 11 juin 2009 a servi à son établissement. Dans ces conditions, les éléments d'état-civil sénégalais produits n'établissent pas l'identité de M. G... A....

10. Par ailleurs, les autres éléments versés aux débats relatifs au lien allégué unissant MM. F... et G... A... avant la date, à laquelle s'apprécie sa légalité, de la décision contestée, et tenant en un certificat de scolarité, une photographie de 2021, deux factures d'électricité et d'eau pour une maison au Sénégal, des mandats de transferts financiers au bénéfice de l'épouse de M. F... A... sont insuffisants pour établir un lien de filiation par possession d'état.

11. En troisième lieu, dès lors que l'identité du demandeur de visa, et partant son lien de filiation avec M. F... A... ne peuvent être établis, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que MM. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande en tant qu'elle concerne M. G... A.... Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de MM. F... et G... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à M. G... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT04063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT04063
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : POULARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22nt04063 ?
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