Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 septembre 2022 par laquelle l'autorité consulaire française aux Comores a retiré le visa d'entrée et de long séjour délivré le 19 septembre 2022 ainsi que les décisions des 10 octobre et 9 novembre 2022 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant.
Par un jugement n° 2213237 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 22 septembre 2022 de l'autorité consulaire française aux Comores et les décisions des 10 octobre et 9 novembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- la décision de l'autorité consulaire du 22 septembre 2022 contestée porte refus de délivrance du visa de long séjour demandé et ne constitue pas une décision de retrait d'un visa de long séjour délivré le 19 septembre 2022 ;
- la décision du 9 novembre 2022 de la commission de recours, qui s'est substituée à la décision du 10 octobre 2022, est fondée sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées par M. A..., de nature à révéler que l'intéressé demande le visa à d'autres fins que son projet d'études.
La requête a été communiquée à M. B... A..., représenté par Me Roilette, le 14 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 2213237 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision du 22 septembre 2022 de l'autorité consulaire française aux Comores portant retrait d'un visa de long séjour délivré le 19 septembre 2022 ainsi que les décisions des 10 octobre et 9 novembre 2022 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif tendait à l'annulation de la décision du 22 septembre 2022 de l'autorité consulaire française aux Comores, que l'intéressé a regardée comme un retrait du visa précédemment accordé. Il ressort des pièces du dossier que, le 15 septembre 2022, M. A..., ressortissant comorien né le 5 avril 2000, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité d'étudiant et qu'il s'est vu notifier le 22 septembre suivant une décision par laquelle l'autorité consulaire française aux Comores a refusé de délivrer le visa sollicité. Dans le même temps, M. A... s'est vu remettre son passeport sur lequel avait été apposé un visa daté du 19 septembre 2022, avant que celui-ci ne soit rayé. La décision du 22 septembre 2022 s'analyse comme une décision de refus de visa prise par l'autorité consulaire française après retrait de la décision de délivrance du visa et réexamen de la demande de visa présentée par M. A..., dont elle se trouvait de nouveau saisie du fait du retrait. En jugeant que la décision du 22 septembre 2022 devait être regardée comme portant retrait de visa et en annulant cette décision au motif qu'elle aurait été prise en méconnaissance de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, puis en annulant par voie de conséquence les décisions du 10 octobre 2022 et du 9 novembre 2022 de la commission de recours, les premiers juges ont inexactement interprété les conclusions de la demande et se sont mépris sur la portée des décisions contestées. Par suite, le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que le jugement attaqué doit être annulé pour irrégularité.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision consulaire du 22 septembre 2022 :
4. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ".
5. En vertu des dispositions citées au point précédent de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision du 9 novembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours présenté par M. A... contre la décision consulaire du 22 septembre 2022 portant refus de visa s'est substituée à cette décision consulaire Par suite, les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision du 9 novembre 2022 de la commission de recours et les moyens dirigés contre la décision de l'autorité consulaire du 22 septembre 2022 doivent être écartés comme inopérants.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 10 octobre 2022 :
6. Il résulte des dispositions précitées de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'une personne dont le visa d'entrée en France est abrogé ou retiré, que ce soit par le préfet ou par une autorité diplomatique ou consulaire, peut exercer un recours contentieux dans les conditions du droit commun, sans saisir la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France mentionnée à cet article, lequel n'institue de recours préalable obligatoire à un recours contentieux qu'à l'égard des décisions refusant un visa et non de celles qui l'abrogent ou le retirent.
7. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de M. A... a adressé à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France un recours dirigé contre la décision de retrait d'un visa étudiant délivré le 19 septembre 2022. Par la décision du 10 octobre 2022 contestée, le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours administratif au motif que sa demande n'avait pas pour objet de contester une décision de refus de visa prise par une autorité consulaire française et qu'ainsi, elle ne relevait pas de la compétence de la commission de recours. Au regard de ce qui est énoncé au point précédent, le président de la commission de recours a fait une exacte application des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant le recours de M. A... contre une décision portant retrait du visa délivré le 19 septembre 2022. Les conclusions dirigées contre cette décision ne peuvent par suite qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 novembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
8. La décision du 9 novembre 2022 par laquelle la commission de recours a refusé de délivrer à M. A... un visa de long séjour en qualité d'étudiant est fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, compte tenu du maintien de l'intéressé sur le territoire français en situation irrégulière depuis le 10 octobre 2019 et de son cursus universitaire, lequel ne reflète ni la motivation ni le sérieux attendus.
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne satisfait pas aux conditions d'entrée sur le territoire français lorsqu'il se trouve dans les situations suivantes : / 1° Sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ; / 2° Il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission sur le territoire français introduit dans le système d'information Schengen, conformément au règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006 ; / 3° Il fait l'objet d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire, d'une décision d'expulsion, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une interdiction de circulation sur le territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire. "
10. Si les dispositions précitées font obstacle à ce qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré au demandeur dans les situations décrites, elles n'imposent toutefois pas au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un visa au demandeur qui ne se trouverait pas dans une de ces situations. En outre, ainsi qu'il est exposé au point 14, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études. Par suite et quand bien même M. A... ne serait pas concerné par l'une des situations prévues à l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté.
11. En deuxième lieu, selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".
12. S'il est possible, pour le ressortissant d'un pays tiers, d'être admis en France et d'y séjourner pour y effectuer des études sur le fondement d'un visa de long séjour dans les mêmes conditions que le titulaire d'une carte de séjour, ainsi que le prévoient les articles L. 312-2 et L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mai 2021, les dispositions relatives aux conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an, telles que précisées par les articles L. 422-1 et suivants du même code et les dispositions règlementaires prises pour leur application, ne sont pas pour autant applicables aux demandes présentées pour l'octroi d'un tel visa.
13. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle demande est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
14. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
15. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., titulaire d'un baccalauréat technologique obtenu en juin 2018 à Saint-Denis (Réunion), a poursuivi ses études à Auch (Gers) en BTS Management, gestion, finances et commerce de 2019 à 2021, sans avoir demandé le renouvellement de son titre de séjour valable jusqu'au 10 octobre 2019, et a échoué à obtenir son diplôme en raison de l'insuffisance de ses résultats et de ses nombreuses absences non justifiées. M. A... demande un visa de long séjour en qualité d'étudiant aux fins de poursuivre ses études dans le même domaine du management commercial dans une école privée à Paris, avant de pouvoir travailler dans l'entreprise de son père aux Comores. Il ressort des pièces du dossier que l'inscription dans l'établissement privé pour l'année scolaire 2022/2023 a été confirmé en juin 2022 mais que M. A... n'a demandé la délivrance de son visa que le 15 septembre 2022, soit 10 jours après la date de la rentrée prévue le 5 septembre 2022. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la commission de recours a pu refuser la délivrance du visa demandé en retenant que le caractère insuffisamment sérieux du projet d'études et du projet professionnel de M. A... était de nature à révéler l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
16. En troisième lieu, la décision contestée par laquelle la commission de recours a refusé de délivrer à M. A... un visa de long séjour en qualité d'étudiant n'a pas pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de l'autorité consulaire française du 22 septembre 2022, ni de celle du 10 octobre 2022 du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, ni de celle du 9 novembre 2022 de la commission de recours. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2213237 du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions de la requête d'appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00289