Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2022 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2217109 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2023, M. C..., représenté par Me Murillo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de fait au regard des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est insuffisamment motivée en fait et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2024, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité malienne, né le 29 décembre 2004 et entré en France le 8 octobre 2019 selon ses déclarations, relève appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour sollicité sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis dans le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
4. A l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour, M. C... a produit un acte de naissance. Le service de la police aux frontières, qui a analysé ce document, sur lequel le préfet de la Sarthe s'est fondé, a estimé dans son rapport du 26 septembre 2022, qu'il a été établi sur un papier recyclé et qu'il est falsifié dans son aspect matériel dans la mesure où la lettre " a " composant le prénom apparaît avec des différences par rapport au reste du document, soit un trait de crayon plus fin ainsi qu'une couleur et un formalisme différents. Il a soumis l'acte de naissance à une exposition de rayons infra-rouges permettant de constater que la lettre n'y apparaît plus et de confirmer les constatations visuelles. Toutefois, ces éléments, et alors que la consultation du fichier Visabio a pu indiquer une autre identité du requérant, soit M. B... A..., ressortissant sénégalais, né le 30 mars 2004, ne suffisent pas, par eux-mêmes, à remettre en cause le caractère probant de l'acte d'état-civil produit par l'intéressé. Il s'ensuit que le préfet de la Loire-Atlantique a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en considérant que M. C... ne justifiait pas de son état civil dans les conditions prévues par ces dispositions. Par suite, il y a lieu d'annuler pour ce motif le refus de délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français, celle fixant le pays de destination et celle prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 27 décembre 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu seulement d'enjoindre au préfet de la Sarthe de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours suivant cette notification. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
7. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Murillo dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2217109 du tribunal administratif de Nantes du 21 juillet 2023 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 27 décembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Murillo une somme de 1 200 euros hors taxe en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que
Me Murillo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT0248902