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16/07/2024 | FRANCE | N°23NT01076

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 16 juillet 2024, 23NT01076


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





M. A... C..., agissant en sa qualité de représentant légal des enfants mineurs B... C... et D... C..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 25 juillet 2022 des autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer aux enfants B... et D... C... des visas

de court séjour en qualité de membres de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., agissant en sa qualité de représentant légal des enfants mineurs B... C... et D... C..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 25 juillet 2022 des autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer aux enfants B... et D... C... des visas de court séjour en qualité de membres de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne.

Par un jugement n° 2214551 du 27 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision implicite et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer aux jeunes B... et D... C... des visas de court séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 février 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- un refus de visa s'imposait dès lors qu'il n'a pas été justifié des conditions de séjour des demandeurs de visa, ni du caractère suffisant des ressources de M. C... ;

- il existe un risque de détournement de l'objet du visa ;

- il n'est pas établi que la mère des enfants aurait consenti à leur départ à l'étranger.

Un mémoire, enregistré le 15 mai 2023, a été produit par M. A... C..., et n'a pas été communiqué.

Par un courrier du 4 avril 2024, M. C... a été informé de la carence de son conseil désigné au titre de l'aide juridictionnelle et de son droit de saisir le bureau d'aide juridictionnelle en vue de la désignation d'un autre avocat.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

21 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant italien né le 2 janvier 1961, a déposé des demandes de visa de court séjour en qualité de membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne auprès des autorités consulaires françaises à Dakar pour les jeunes B... et D... C..., ressortissants sénégalais nés en 2006 et 2009, présentés comme ses enfants. Par des décisions du 25 juillet 2022, ces autorités ont refusé de délivrer les visas sollicités. Par une décision implicite née le 8 octobre 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires. Par un jugement du 27 février 2023, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision de la commission et a enjoint à l'administration de délivrer les visas sollicités.

Sur la recevabilité du mémoire de M. C... :

2. Aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 (...) ". Le mémoire en défense de M. A... C... n'a pas été produit par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative et n'a pas été régularisé, malgré l'invitation qui lui a été adressée et dont il a accusé réception le 24 mai 2023. Il ne peut dès lors qu'être écarté des débats.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Il résulte de l'accusé de réception du recours formé par M. C... devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France qu'il a été informé de ce qu'en l'absence de réponse expresse sur celui-ci, son recours serait réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux des décisions contestées. Les deux décisions consulaires sont motivées par le fait que les documents d'état-civil présentés à l'appui des demandes de visa ne sont pas authentiques et/ou ne constituent pas une preuve suffisante de l'existence d'un lien familial.

4. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 200-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est citoyen de l'Union européenne toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre. / Les citoyens de l'Union européenne exercent le droit de circuler et de séjourner librement en France qui leur est reconnu par les articles 20 et 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans les conditions et limites définies par ce traité et les dispositions prises pour son application. ". et aux termes de l'article L. 200-4 du même code : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : / (...) 2° Descendant direct âgé de moins de vingt-et-un ans du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ; (...). ". Aux termes de l'article L. 200-6 du même code : " Les restrictions au droit de circuler et de séjourner librement en France prononcées à l'encontre de l'étranger dont la situation est régie par le présent livre ne peuvent être motivées que par un comportement qui constitue, du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. (...) ". Par ailleurs aux termes de l'article R. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les documents permettant aux ressortissants de pays tiers mentionnés à l'article L. 200-4 d'être admis sur le territoire français sont leur passeport en cours de validité et un visa ou, s'ils en sont dispensés, un document établissant leur lien familial. (...) / L'autorité consulaire leur délivre gratuitement, dans les meilleurs délais et dans le cadre d'une procédure accélérée, le visa requis sur justification de leur lien familial. Toutes facilités leur sont accordées pour obtenir ce visa. (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, transposant la directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, que les ressortissants d'un pays tiers membres de la famille d'un citoyen non français de l'Union européenne séjournant en France ont droit, lorsqu'ils ne disposent pas d'un titre de séjour délivré par un État membre de l'Union européenne portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ", et sous réserve que leur présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, à la délivrance d'un visa d'entrée en France, aux seules conditions de disposer d'un passeport et de justifier de leur lien familial avec le citoyen de l'Union européenne qu'ils entendent accompagner ou rejoindre en France. Figure au nombre des motifs tenant à l'existence d'une menace pour l'ordre public, l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.

6. D'autre part, l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... a présenté à l'appui des demandes de visa des jeunes B... et D... C... des copies intégrales d'acte de naissance établies le 13 avril 2022 par le centre principal d'état-civil de Bala (Sénégal) permettant d'identifier leurs parents et d'établir le lien de filiation les unissant à M. A... C.... Ces documents ont été établis par un officier d'état-civil sénégalais et leur authenticité n'est pas contestée devant la cour. Par suite, les motifs tirés de ce que les documents produits ne seraient pas authentiques et n'établiraient pas le lien de filiation unissant les demandeurs de visa à M. A... C... ne sont pas établis.

8. Toutefois, pour établir que la décision contestée était légale, le ministre fait à nouveau valoir devant la cour de nouveaux motifs fondés sur le fait qu'il n'a pas été justifié des conditions d'hébergement des demandeurs de visa, sur le caractère insuffisant des ressources de M. C..., sur le risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoire et sur l'absence d'accord de la mère des enfants donné pour leur départ.

9. Cependant, pour les motifs exposés au point 5, alors que ces motifs ne caractérisent pas un comportement constituant, du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, ceux-ci ne sont pas de nature à fonder légalement la décision de refus de visa contestée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. C..., mère des deux enfants demandeurs de visa, réside régulièrement en France au bénéfice d'une carte de séjour qui lui a été délivrée en sa qualité de membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne à tout le moins depuis le 21 juillet 2022. Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de substitution de motif.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer aux enfants B... et D... C... des visas de court séjour.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01076
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : RIVOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;23nt01076 ?
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