La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2024 | FRANCE | N°23NT00920

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 17 septembre 2024, 23NT00920


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 1910656 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 18 juillet 2019 du ministre de l'intérieur et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de M. B....



Procédure devant la c

our :



Par une requête, enregistrée le 30 mars 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1910656 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 18 juillet 2019 du ministre de l'intérieur et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que la décision contestée est légalement fondée sur les renseignements défavorables recueillis sur le comportement de l'intéressé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, M. A... B... conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le ministre n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1910656 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 18 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajournée à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. B.... Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, les renseignements défavorables recueillis sur le comportement général du postulant.

3. Il ressort des termes de la décision contestée que, pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de M. B..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que ce dernier a fait l'objet d'une procédure pour achat ou vente sans facture le 7 septembre 2011 et, d'autre part, de ce que son comportement à l'égard de ses obligations locatives est sujet à critiques dès lors qu'il était redevable d'une somme de 1131,28 euros envers son bailleur à la date du 16 janvier 2019.

4. D'une part, aux termes de l'article 41-1° du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République : / 1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ; (... ). ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une procédure pénale pour une infraction d'achat ou vente sans facture commise le 7 septembre 2011, laquelle a été classée sans suite après un rappel à la loi. M. B... conteste la réalité des faits qui lui sont reprochés en faisant valoir qu'il a été interpellé sur la voie publique, à la sortie d'un métro, en même temps qu'un autre individu qu'il ne connaissait pas et qui vendait des fruits. Il ressort toutefois de la réponse apportée le 18 février 2019 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris que ces faits ont donné lieu à un rappel à la loi avant classement de la procédure le 23 septembre 2011. Dans ces conditions, les faits étant établis et compte tenu de leur caractère non dépourvu de gravité et relativement récent à la date de la décision contestée, le ministre pouvait, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose, ajourner à deux ans la demande de naturalisation de M. B..., sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 16 janvier 2019, M. B... était redevable auprès de son bailleur d'une somme impayée de 1 131,28 euros. Il ressort en outre d'un avis d'échéance locative du 16 octobre 2018, produit pour la première fois en appel, que l'intéressé était alors soumis à un plan d'apurement de sa dette locative et qu'il lui restait à payer la somme de 792,03 euros. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur pouvait, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose, prendre en compte la dette locative de M. B... et son comportement à l'égard de son bailleur pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de l'intéressé, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler la décision contestée, sur ce que le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation d'ensemble de l'intéressé.

8. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

9. En premier lieu, la décision contestée mentionne que M. B... a fait l'objet d'une procédure pour achat ou vente sans facture le 7 septembre 2011 et qu'il était redevable de la somme de 1 131,28 euros envers son bailleur à la date du 16 janvier 2019. Dans ces conditions et alors même qu'elle ne précise pas que la procédure pénale a donné lieu à un classement sans suite après rappel à la loi, la décision contestée est suffisamment motivée en fait. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation en fait doit être écarté.

10. En second lieu, M. B... ne peut utilement soutenir qu'il satisfait aux conditions de stage et de résidence, d'assimilation et d'intégration, ou encore de moralité ni se prévaloir des articles 21-23 et 21-24 du code civil, dès lors que la décision contestée n'est pas fondée sur ces dispositions ni sur le non-respect de ces conditions.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 18 juillet 2019 par laquelle il a ajourné à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. B.... Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter la demande présentée par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1910656 du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la cour administrative d'appel de Nantes sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président de la formation de jugement,

C. RIVAS Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00920
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : ANDRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;23nt00920 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award