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24/09/2024 | FRANCE | N°23NT02251

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 24 septembre 2024, 23NT02251


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle ils sont été assujettis au titre de l'année 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2008459 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur dem

ande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle ils sont été assujettis au titre de l'année 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2008459 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2023 et 17 juin 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Palos, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification du 7 mai 2019 n'est motivée que par renvoi à celle du 20 décembre 2018 ; elle est donc insuffisamment motivée ;

- le courrier contenant la réponse à leurs observations ne leur a pas été régulièrement notifié, en l'absence d'un avis de passage laissé par les services postaux ;

- la procédure d'imposition méconnaît les dispositions de l'alinéa 5 de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et son caractère contradictoire ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; l'application de ces dispositions relatives à l'abus de droit ne sont pas réunies ; les SCI concernées par le montage, critiqué par l'administration, ont procédé à des investissements immobiliers lourds dans le but de développer une activité locative ; les sociétés Le Cap Hornier, Le Galion, Floquet Saint-Nicaise, Impériale et Silène ont été constituées en vue de réaliser des investissements conséquents, dont elles ont toutes été propriétaires au cours de leur existence ; le montage de SCI n'est pas fictif ; la création des SCI et leurs participations croisées a pour objectif la recherche d'une protection de leur patrimoine personnel ou la réalisation de l'objectif de remboursement des emprunts grâce à la trésorerie dégagée par les autres sociétés que la SCI Silène ; il s'agit d'élargir l'assiette de garantie des créanciers en limitant le risque d'être impacté par les engagements de caution et de permettre l'appréhension des résultats de bonne gestion des sociétés par la perception de revenus de gérance et de réduire le montant du bénéfice imposable du fait des dotations aux amortissements des biens immobiliers.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 octobre 2023 et 19 juin 2024, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Palos, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Après la vérification de comptabilité de la SCI Silène dont M. et Mme A... sont associés, l'administration a assujetti ceux-ci, en droits et pénalités, à une cotisation supplémentaire de contributions sociales au titre de l'année 2015 et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017. Ils relèvent appel du jugement du 26 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article

L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".

3. La proposition de rectification du 7 mai 2019 relative à l'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017 mentionne les années d'imposition et les articles du code général des impôts dont il est fait application, modifie le déficit global reportable et précise que, compte tenu des déclarations d'impôt sur le revenu souscrites au titre des années 2016 et 2017, il ressort qu'un déficit global a été déclaré respectivement à hauteur de 1 669 532 euros et 1 225 522 euros et que ce déficit global, provenant d'un déficit en matière de bénéfices industriels et commerciaux réalisé en 2012 et 2013 a été imputé. Elle indique également que le déficit global reportable mentionné sur l'avis d'imposition de l'année 2015 d'un montant de 1 699 532 euros a été réduit de 1 437 761 euros pour être fixé à la somme de 261 771 euros et que l'impact de la remise en cause de ce déficit global est à reporter sur les années 2016 et 2017. Dans ces conditions, M. et Mme A... ont pu disposer des informations leur permettant de formuler leurs observations en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, comme ils l'ont fait d'ailleurs le 5 juillet 2019. La proposition de rectification est donc suffisamment motivée alors même qu'elle renvoie à celle du 20 décembre 2018. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions des article L. 57 et R. 57-1 de ce code doit être écarté.

4. L'avis de réception postal de la réponse aux observations du contribuable porte la mention " pli avis non réclamé " et mentionne que le destinataire a été avisé le 17 juillet 2019. De plus, le pli lui-même porte la mention " avisé au bureau de Chambellay " le 18 juillet suivant. Ces mentions sont conformes à la réglementation postale, qui imposent l'indication du jour de présentation au domicile du destinataire du pli recommandé sur l'avis de réception et le report du nom du bureau de poste où le pli sera disponible sur l'enveloppe. Ces deux formalités ayant été respectées, la preuve du dépôt d'un avis d'instance doit être regardée comme apportée et la notification est ainsi régulière. Dès lors, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le courrier contenant la réponse à leurs observations ne leur a pas été régulièrement notifié, en l'absence d'avis de passage laissé par les services postaux.

5. M. et Mme A... reprennent en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit leurs moyens invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance, d'une part, des dispositions de l'alinéa 5 de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales selon lesquelles " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " et, d'autre part, du caractère contradictoire de la procédure d'imposition, garanti par les articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ces moyens.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

6. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / (...) ". Lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que celles de l'espèce, où, en l'absence de saisine du comité de l'abus de droit fiscal, la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles.

7. L'administration, qui n'a pas recueilli l'avis du comité de l'abus de droit fiscal, fait valoir que M. et Mme A... ont acquis l'intégralité des parts sociales de la SCI Silène, le 21 décembre 1998, et que le capital est détenu depuis le 27 janvier 1999 par la SCI Impériale et la SCI Cap Hornier, à hauteur de 50 %, chacune. La SCI Impériale, gérée par M. A..., est détenue depuis sa création le 28 février 1996 par la SCI Floquet Saint Nicaise et la SCI Cap Hornier à hauteur de 50 %, chacune. La SCI Cap Hornier, créée initialement par parts égales entre M. et Mme A... et gérée par M. A..., est détenue depuis le 1er avril 1996 par la SCI Impériale et la SCI Le Galion à hauteur de 49,99 %, chacune, et par M. et Mme A... pour le reste. La SCI Le Galion, créée initialement par parts égales entre M. et Mme A... et gérée par M. A..., est détenue depuis le 1er avril 1996 par la SCI Floquet Saint Nicaise et la SCI Impériale à hauteur de 49,99 %, chacune, et par M. et Mme A... pour le reste. La SCI Floquet Saint Nicaise, dont l'intégralité des parts a été acquise par M. et Mme A... le 5 mai 1992 et gérée par M. A..., est détenue depuis le 1er avril 1996 par la SCI Cap Hornier et la SCI Impériale à hauteur de 49,17 %, chacune, et par M. et Mme A... pour le reste. Compte tenu de ces éléments de participation et alors même que les dates de création des SCI et des acquisitions des parts au sein des SCI par les requérants sont largement antérieures à la date de la procédure de rectification, les liens qui viennent d'être rappelés laissent apparaître de nombreuses participations croisées entre les SCI organisant un montage complexe et opaque de sorte qu'il est difficile de connaître avec exactitude et visibilité les contribuables au regard tant de l'impôt sur les sociétés que de l'impôt sur le revenu. En effet, les participations croisées ont eu pour conséquence l'absence d'associés véritables et de taxation effective des revenus de la SCI Silène dans la mesure où ses résultats ne peuvent être imposés ni à l'impôt sur les sociétés, les SCI Floquet Saint-Nicaise, Cap Hornier et Le Galion n'y étant pas assujetties, ni à l'impôt sur le revenu à défaut d'associés en tant que personne physique ou entreprise individuelle. Ainsi, l'administration, en justifiant ces éléments, apporte la preuve qui lui incombe de ce que le montage n'a été inspiré par aucun motif autre que celui pour M. et Mme A... d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qu'ils auraient normalement supportées s'ils s'étaient déclarés associés de la SCI Silène en application de l'article 8 du code général des impôts ou par un motif de défiscalisation.

8. Si les requérants soutiennent que si l'organisation des SCI et les liens entre elles n'avaient pas un but exclusivement fiscal ou de défiscalisation afin de favoriser les demandes auprès des établissements financiers pour leur financement, il n'est pas établi que le seul montage décrit au point 6 permettrait d'obtenir plus facilement des financements.

9. Si M. et Mme A... contestent le fait d'être gérants de fait en se référant de leur donation faite à leurs enfants, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a été le bénéficiaire effectif d'une procuration, de notes de frais inscrits en comptabilité à son nom et d'une caution, a été impliqué dans la gestion de la SCI Silène compte tenu des différents contrats de prêts immobiliers souscrits en 2011 pour l'achat de trois ensembles immobiliers. Ainsi, aux termes de ces contrats, la SCI Silène était représentée par M. A..., agissant en vertu d'une décision des associés. M. A... a donc agi comme un gérant de fait, indépendamment des cessions de parts et de la gérance de droit.

10. Il résulte des points 6 à 8 que l'abus de droit du fait de la fraude à la loi est démontré par l'administration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02251
Date de la décision : 24/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-24;23nt02251 ?
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