Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n°2012472 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 décembre 2023, M. C... et Mme A..., représentés par Me Marty demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 5 octobre 2020 ;
3°) de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des majorations correspondantes ;
4°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de Justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification du 22 novembre 2018 est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales puisque le document qui y est annexé n'est pas la proposition de rectification du 22 novembre 2018 adressée à E... ; la proposition de rectification adressée à la société STIRCA le 22 novembre 2018 ne pouvait pas être précisément identifiée ; la concomitance de l'envoi de deux propositions de rectifications à la même adresse et à la même personne, en des qualités différentes ne peut suffire à pallier à cette erreur ;
- la provision litigieuse de sa filiale " La Gemmoise " était justifiée par la crainte d'une réduction de la valeur vénale des titres de cette filiale, qui a finalement fait l'objet d'une liquidation judiciaire ; il en va de même des provisions comptabilisées s'agissant des autres filiales de la société Stirca à l'égard desquelles des procédures collectives étaient ouvertes en 2015 ;
- les provisions pour dépréciation de titres constituées par la société Stirca afin de prendre acte du préjudice subi en raison de la dissolution de la société NMBH étaient justifiées.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2024, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 octobre 2020 ne sont pas recevables et que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. E..., dont M. C... est l'unique associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er août 2014 et le 31 juillet 2017. Par proposition de rectification du 22 novembre 2018, adressée au représentant légal de E..., le service a rectifié le résultat fiscal de l'exercice clos le 31 juillet 2015 puis, par une seconde proposition de rectification du 13 mai 2019, adressée au représentant légal de E..., le service a rectifié le résultat fiscal de l'exercice clos le 31 juillet 2016. Parallèlement, par une proposition de rectification du 22 novembre 2018 adressée à M. C... et Mme A... concernant l'année 2015 et par une proposition de rectification du 14 mai 2019 concernant l'année 2016, le service a notifié les conséquences, au niveau de l'impôt sur le revenu de la modification du bénéfice industriel et commercial de E.... Après que l'administration ait partiellement fait droit aux observations et après exercice d'un recours hiérarchique, les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ont été mises en recouvrement le 30 juin 2020. M. C... et Mme A... ont présenté une réclamation le 7 août 2020 qui a fait l'objet d'une décision d'admission partielle le 5 octobre 2020. Ils ont saisi le tribunal administratif de Nantes et ont demandé de les décharger du paiement des suppléments d'impôt sur le revenu laissés à leur charge au titre des années 2015 et 2016. Par un jugement du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête. M. C... et Mme A... relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 octobre 2020 :
2. Les décisions par lesquelles l'administration statue sur les réclamations contentieuses des contribuables ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de telles décisions ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux dans le cadre de la procédure fixée par les articles L. 199 et R. 199-1 et suivants du livre des procédures fiscales et se confondent avec les conclusions tendant à la réduction ou à la décharge des impositions contestées. Ainsi, les conclusions de M. C... et de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 5 octobre 2020 par laquelle l'administration fiscale a statué sur leur réclamation préalable sont irrecevables et doivent donc être rejetées.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.
4. Il n'est pas contesté que le document annexé à la proposition de rectification en date du 22 novembre 2018 adressée à M. C... et à Mme A... était une proposition de rectification adressée à la société Stirca en 2014 et n'était donc pas la proposition de rectification adressée à cette société le 22 novembre 2018. Par ailleurs, la proposition de rectification adressée aux appelants le 22 novembre 2018 se réfère à une proposition de rectification adressée à la société Stirca le 20 novembre 2018. Cependant, l'erreur de plume sur la date de la notification de rectification de E... annexée datée en réalité du 22 novembre 2018, n'est pas de nature à permettre de regarder la proposition de rectification adressée aux appelants comme n'étant pas régulièrement motivée par référence à un document précisément identifié alors que la proposition de rectification adressée à M. C... et à Mme A... rappelle expressément et de façon précise que le résultat de E... a été recalculé en conséquence de la réintégration de la provision sur titres de placement qu'elle détenait, indique le montant du nouveau bénéfice industriel et commercial imposable et l'application d'un coefficient de 1,25 sur le bénéfice dégagé en application des dispositions de l'article 158-7 du code général des impôts ainsi que les textes applicables. S'agissant des autres chefs de rehaussements, il résulte de l'instruction que les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils ont été opérés, ainsi que les années d'imposition, sont mentionnés dans ce document. Dans ces conditions, la proposition de rectification du 22 novembre 2018 adressée à M. C... et à Mme A... était suffisamment motivée et permettait aux requérants de présenter utilement des observations. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit en conséquence être écarté.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dans sa version en vigueur : " 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) Par dérogation aux dispositions des premier et quinzième alinéas, la provision pour dépréciation qui résulte éventuellement de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l'article 39 quindecies ; si elle devient ultérieurement sans objet, elle est comprise dans les plus-values à long terme de l'exercice, visées au 1 du I de l'article 39 quindecies. (...) Toutefois, pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 1974, les titres de participation ne peuvent faire l'objet d'une provision que s'il est justifié d'une dépréciation réelle par rapport au prix de revient. Pour l'application de la phrase précédente, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même des actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice ainsi que des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable. (...) Toutefois, les dotations aux provisions pour dépréciation comptabilisées au titre de l'exercice sur l'ensemble des titres de participation définis au dix-septième alinéa ne sont pas déductibles à hauteur du montant des plus-values latentes existant à la clôture du même exercice sur les titres appartenant à cet ensemble. Pour l'application des dispositions de la phrase précédente, les plus-values latentes, qui s'entendent de la différence existant entre la valeur réelle de ces titres à la clôture de l'exercice et leur prix de revient corrigé des plus ou moins-values en sursis d'imposition sur ces mêmes titres, sont minorées du montant des provisions non admises en déduction au titre des exercices précédents en application de la même phrase et non encore rapportées au résultat à la clôture de l'exercice. Le montant des dotations ainsi non admis en déduction est affecté à chaque titre de participation provisionné à proportion des dotations de l'exercice comptabilisées sur ce titre. Le présent alinéa s'applique aux seuls titres de sociétés à prépondérance immobilière définies au a sexies-0 bis du I de l'article 219 pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. ".
6. Tout d'abord, E... a comptabilisé une provision pour dépréciation de titres détenus dans 23 SCI de gestion de biens immobiliers, à hauteur de 25 % de la valeur d'inscription à l'actif de dits-titres, soit une somme totale de 115 371 euros au motif que els capitaux propres de ces SCI étaient négatifs. Les requérants contestent la reprise de cette provision en faisant référence à la provision comptabilisée sur les titres de la SCI La Gemmoise et relève la possibilité d'une réduction de la valeur vénale des titres en deçà de leur valeur d'inscription à l'actif du bilan en raison de la mise en redressement judiciaire de la SCI La Gemmoise le 29 juillet 2015, cette société ayant été liquidée le 1er février 2017.
7. Cependant, il est constant que la provision pour dépréciation de titres a été déterminée par E... pour l'application du 5° de l'article 39-1 du code général des impôts par la simple application d'un pourcentage forfaitaire de 25 % de la valeur d'inscription à l'actif des titres. Ainsi, les requérants qui n'ont produit devant les premiers juges et pas davantage en appel, aucun élément de nature à justifier avec une précision suffisante, le montant de la dépréciation des titres et qui ne démontrent pas que les actifs auraient été surévalués à la clôture de l'exercice 2015 ne sont pas fondés à contester la reprise de la provision pour dépréciation de titres.
8. Ensuite, E... a investi entre 2003 et 2005 dans des produits financiers par l'intermédiaire d'une société de gestion de placement anglaise, la société Nat Merchant Bank House (NMBH). L'EURL a comptabilisé une provision pour dépréciation d'un montant de 126 520 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2013 et une provision pour dépréciation complémentaire d'un montant de 295 212 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2014. Les requérants contestent la reprise de ces provisions dans les écritures de l'EURL en relevant que la société NMBH était dissoute. Toutefois, ainsi que le service vérificateur, puis le ministre en défense, le font valoir sans être contesté les deux provisions en litige relèvent en application du 5° de l'article 39 du code général des impôt rappelé au point 6 du régime des moins-values à long-terme et n'étaient, par suite, pas déductibles du résultat fiscal de E....
9. Il suit de là, que c'est à bon droit que l'administration a regardé les provisions pour dépréciations de titres de SCI et pour dépréciation de titres de placement comme n'étant pas déductibles du résultat de E... et après les avoir reprises dans les écritures de cette entreprise en a tiré les conséquences sur la détermination du revenu imposable à l'impôt sur le revenu de M. C... et Mme A... au titre des années 2015 et 2016.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête.
Sur les frais de justice :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser à M. C... et Mme A... la somme qu'ils réclame au titre des frais de justice.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT03696 20