Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... et A... B..., agissant en leur nom personnel et au nom de l'enfant E... G... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 5 janvier 2022 de l'autorité consulaire française à Casablanca (Maroc) refusant de délivrer à l'enfant E... G... C... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de visiteur.
Par un jugement n° 2208748 du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2023, M. et Mme D... et A... B..., représentés par Me Matrand, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 mars 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne contient pas l'analyse des moyens et des conclusions de la requête et du mémoire en réplique présentés au soutien de la demande d'annulation de la décision contestée ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas répondu aux moyens tirés d'erreur de droit et la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la minute du jugement attaqué n'est pas signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il fait application de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qui ne trouve pas à s'appliquer ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les motifs de la décision implicite ne sont pas connus ;
- la décision contestée est entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation dès lors qu'ils disposent des ressources suffisantes pour accueillir l'enfant ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnait les articles 3-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant français né le 11 janvier 1974 a épousé Mme F..., ressortissante marocaine née le 1er juin 1990. Mme F... épouse B... ainsi que sa fille E... G... C..., née le 9 juillet 2010 d'une première union, ont déposé une demande de visa de long séjour auprès de l'autorité consulaire française à Casablanca (Maroc). Cette dernière a fait droit à la demande présentée pour Mme B... mais a, le 5 janvier 2022, rejeté cette demande en tant qu'elle concerne l'enfant E... G... C.... Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois.
M. et Mme B... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Ils relèvent appel du jugement de ce tribunal du 3 mars 2023 rejetant leur demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Alger, sur la circonstance que les conditions de ressources et d'hébergement de l'enfant ne sont pas suffisantes.
3. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement rendu le 4 novembre 2013, par le tribunal de première instance d'Ouarzazate, Mme B... s'est vu confier la tutelle sur sa fille, E... G... C..., née de son union avec M. C.... Par ailleurs, par un jugement rendu le 22 octobre 2019, ce tribunal a autorisé, après avoir constaté l'autorisation du père de l'enfant E... G... C..., à ce que celle-ci se rende en France pour y résider. M. et Mme B..., qui ont un enfant à charge, justifient vivre dans un appartement de type 4 comportant deux chambres, ainsi que de revenus annuels en 2020 de 32 749 euros au titre de l'activité professionnelle de M. B... en contrat à durée indéterminée en tant que " chef de chantier désamiantage ". Par ailleurs, il est constant que la grand-mère de l'enfant qui l'accueille depuis le départ de sa mère en France est désormais malade et rencontre ainsi des difficultés pour assurer son éducation. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pu légalement estimer que l'intérêt de l'enfant était de demeurer dans son pays d'origine, eu égard aux ressources et aux conditions d'hébergement de M. et Mme B....
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à l'enfant E... G... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2208748 du 3 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour l'enfant E... G... C... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à l'enfant E... G... C... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
S. PIERODÉ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01332