Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Eiffage Génie civil a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels la SEP Viaduc de Rennes a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 pour des montants respectifs de 27 613 euros et 27 889 euros à raison du chantier du viaduc de Rennes.
Par un jugement n° 2103923 du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2024, la SAS Eiffage Génie civil, représentée par Me David demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 novembre 2023 ;
2°) la décharge des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels la SEP Viaduc de Rennes a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 un montant total de 55 502 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- en application de la doctrine administrative (BOI-IF-CFE-20-20-10-10 § 30 et s), le terrain d'une superficie de 4,5 hectares mis à la disposition par la société SEMTCAR ne peut être considéré comme étant affecté à la réalisation de l'activité professionnelle de la société en participation (SEP) Viaduc de Rennes et soumis à la taxe foncière sur propriétés bâties ; ce terrain, est en continuité avec le chantier et doit être considéré comme mis à la disposition de la société en raison des contraintes techniques spécifiques liées à la construction du lot 4 afin de permettre à la SEP la réalisation de la prestation de services au profit de la SEMTCAR ;
- le terrain présente la caractéristique d'être une annexe à l'emprise du chantier dont il constitue une subdivision ; certaines piles réalisées par la SEP (piles PC66 à PC70) font d'ailleurs partie intégrante de la superficie des 4,5 hectares ;
- le critère du contrôle du bien n'est pas rempli dans la mesure où le maître d'œuvre devait donner son accord pour la mise en place des installations sur le terrain lui appartenant et qu'il disposait de locaux obligatoirement mis à sa disposition sur le chantier et ce, pendant toute la durée du chantier ;
- elle n'est pas redevable de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) au titre de la base vie et des installations sur la base des dispositions de la doctrine administrative (CVAE-LIEU-10) ; les installations sont utilisées exclusivement dans le cadre d'une activité de chantier de travaux publics qui est, par essence, une activité temporaire ;
- la base de vie est composée de bungalows, d'une zone de stationnement, de zones de stockage uniquement constituées de parpaings posés au sol, d'un hangar d'occasion démontable ainsi que d'une centrale à béton mobile louée pour la durée du chantier et n'est donc pas assimilable à des constructions fixées au sol à perpétuelle demeure ;
- le site ne peut être considéré comme un établissement industriel : la proportion des installations, matériels et outillage dans le cycle de fabrication s'élève au pourcentage maximum de 11 % et le chiffrage de l'administration ne porte ce pourcentage qu'à 15 % ce qui est insuffisant pour considérer que les moyens techniques présentent un caractère prépondérant ; la main d'œuvre est plus importante que les moyens techniques (respectivement 40 % et 20 % de la production des exercices).
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2024, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société en participation (SEP) Viaduc de Rennes a été créée en 2014 par les sociétés RAZEL-BEC et Eiffage TP, devenue la société par actions simplifiée (SAS) Eiffage Génie civil dans le cadre du marché public de réalisation de la ligne B du métro de Rennes Métropole. Le lot n° 4 du marché public de la ligne B du métro de Rennes-Métropole a été attribuée à la SEP qui a été chargée, à ce titre, de la réalisation d'un viaduc sur le territoire de la commune de Cesson-Sévigné. A l'issue d'une vérification de comptabilité au titre des années 2017 et 2018 en matière de contribution foncière des entreprises (CFE) et des taxes additionnelles à la contribution foncière des entreprises, l'administration a informé la société Eiffage TP- viaduc de Rennes de son intention de la soumettre à la cotisation foncière des entreprises, au titre des années 2017 et 2018, à raison des terrains d'une surface de 45 040 m² mis à sa disposition par la société d'économie mixte SEMTCAR, agissant au nom et pour le compte de Rennes Métropole. Les rappels ont été mis en recouvrement le 17 novembre 2020. La SAS Eiffage Génie civil a formé une réclamation contentieuse le 4 février 2021, qui a été rejetée par l'administration le 26 avril 2021. Par un jugement du 8 novembre 2023 dont la société Eiffage Génie civil relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions à fins de décharge de la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2017 et 2018.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 1476 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est établie au nom des personnes qui exercent l'activité imposable, dans les conditions prévues en matière de contributions directes, sous les mêmes sanctions ou recours. (...) ". Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12°, 13° et 15° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période.(...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe.(...) ". Aux termes de l'article 1381 du même code : " sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 5° A l'exception de ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 1393, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ; (...) ". Sont employés à un usage industriel, au sens de l'article 1381-5° du code général des impôts, les terrains non cultivés sur lesquels est réalisée une activité nécessitant d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
3. Il résulte de l'instruction que des terrains d'une surface totale de 4.5 hectares ont été mis à disposition de la SEP Viaduc de Rennes à titre gratuit par la société d'économie mixte SEMTCAR durant les années 2017 et 2018, sur lesquels la SEP Viaduc de Rennes a implanté une base de vie du chantier comprenant des bâtiments à usage de bureaux et de cantonnement occupant une surface au sol de 1 400 m2, un atelier de fabrication des voussoirs comprenant les équipements nécessaires à la fabrication et l'acheminement de ces éléments à savoir une aire de ferraillage d'une surface de 4 280 m² permettant l'assemblage des armatures métalliques des voussoirs et des têtes de piles, une aire de préfabrication des voussoirs d'une surface de 1 690 m², comprenant six cellules, une centrale béton d'une surface de 1 580 m², une zone de stockage d'une surface de 6 050 m², où les voussoirs acheminés par un pont roulant étaient stockés durant 28 jours avant d'être acheminés vers la poutre auto-lanceuse, et des aires d'assemblage et de stockage divers d'une surface au sol estimée de 18 740 m². Par suite et alors même que le terrain mis à disposition se trouverait dans la continuité du chantier de construction et que deux piles de pont seraient même implantées sur ce terrain, les éléments matériels et techniques implantés sur le terrain par la SEP étaient bien affectés à la réalisation de l'activité professionnelle de la SEP.
4. La circonstance que le cahier des clauses techniques particulières mentionne que l'organisation des bâtiments et installations sur le terrain mis à dispositions de la SEP, ainsi que la gestion des surfaces utilisées, seront soumises à l'accord du coordonnateur sécurité et protection de la santé (CSPS) et du Maître d'œuvre et que doit être mis à disposition sur ce même terrain une salle de réunion, un local de 60 m² servant de laboratoire pour le contrôle extérieur, six bureaux de 12 m² par la SEP au profit du maître d'œuvre, du contrôle extérieur et du coordinateur sécurité n'est pas de nature à établir que le terrain en cause n'a pas été mis à dispositions de la SEP pour les besoins de son activité professionnelle et la réalisation de la mise en place des voussoirs.
5. Par ailleurs, si la SEP fait valoir que les entreprises de travaux publics se contentent de rendre une prestation de services, il résulte des dispositions de l'article 1476 du code général des impôts rappelées au point 2 que la contribution foncière des entreprises est due par les gérants de la SEP, qui exerce l'activité imposable.
6. Enfin, la circonstance que la SEP n'était pas propriétaire des terrains sur lesquels ont été installées les baraques de chantier en cause est sans incidence sur la propriété des constructions édifiées pour les besoins de son activité professionnelle, qui n'ont pas vocation à demeurer sur les terrains en cause à l'expiration du contrat.
7. En deuxième lieu, la SAS Eiffage Génie civil fait valoir que les éléments modulaires et les autres installations affectés exclusivement à un chantier temporaire ne sont pas passibles de la taxe foncière. Il résulte de l'instruction que les éléments modulaires sont composés de bungalows comprenant des espaces bureaux, des salles de réunion, des vestiaires, des sanitaires et des douches et que certains éléments ont été construits afin de constituer ces infrastructures (installation sanitaire, réfectoire, installation électrique, réseau d'eau, réseau informatique). Par ailleurs, des voies d'accès et des parkings pour véhicules légers ont été réalisés afin de créer un accès à ces infrastructures. Enfin, quand bien même ces ensembles modulaires doivent être retirés au terme du chantier et présentent ainsi un caractère provisoire, ils ne peuvent être regardés, compte tenu de leurs caractéristiques, comme ayant vocation à être déplacés. Il suit de là que l'installation en cause constitue une installation destinée à abriter des personnes et présente le caractère d'une construction constitutive de propriété bâtie imposable à la taxe foncière sur les propriétés bâties au sens de l'article 1381 du code général des impôts.
8. En troisième lieu, la SAS Eiffage Génie civil fait valoir que la proportion des installations, matériels et outillages dans le cycle de fabrication, s'élevant au pourcentage maximum de 11 %, ne peut être considérée comme importante alors que le facteur humain est prépondérant puisqu'il représente 40 % et 20 % de la production desdits exercices. Cependant, il résulte de l'instruction que le montant moyen de l'outillage utilisé sur le site était supérieur à 6 millions d'euros et que les moyens techniques comptabilisés au compte 215 " matériel et outillage " représentaient plus de 80 % du total des immobilisations. En outre, eu égard à la technique de construction retenu pour ce viaduc, à savoir la réalisation de 93 piles destinées à soutenir le tablier composé de voussoirs mis en place à l'aide d'une poutre (rampe) de lancement, ces voussoirs, étant fabriqués et stockés sur l'aire, à l'aide de la rampe de lancement et ce, afin de répondre aux contraintes du marché qui imposent la réalisation du tablier sans utilisation des voies terrestres, les moyens techniques mis en place doivent être regardés comme prépondérants. Ainsi, alors même que le coût de la main d'œuvre représenterait une part plus importante du chiffre d'affaire réalisé sur les années en cause, eu égard à l'importance des installations et équipements existants sur le terrain mis à dispositions de la SEP et à leur caractère prépondérant, les terrains en cause, qui avaient le caractère de terrains de chantier, étaient employés à un usage industriel, au sens du 5° de l'article 1381 du code général des impôts, et constituaient ainsi des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
9. Le point 210 de l'extrait du bulletin officiel des finances publiques-impôts publié le 1er juillet 2014, sous l'identifiant juridique BOI-CVAE-LIEU-10 et les points 30 et suivants du bulletin officiel des finances publiques-impôts publié le 12 septembre 2012 (BOI-IF-CFE-20-20-10-10), ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale dérogeant à l'application qui en est faite aux points précédents. Par suite, la SAS Eiffage Génie civil ne peut utilement les invoquer sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Eiffage Génie civil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de décharge de la taxe sur les salaires les rémunérations versées au titre des années 2016 et 2017.
Sur les frais de justice :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser à la SEP la somme qu'il réclame au titre des frais de justice.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Eiffage Génie civil est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Eiffage Génie civil et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0003402