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08/10/2024 | FRANCE | N°24NT00322

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 08 octobre 2024, 24NT00322


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022, par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.



Par un jugement n° 2206475 du 6 juillet 2023 le tribunal administratif de Nantes a rejeté s

a demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 5 février 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022, par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2206475 du 6 juillet 2023 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2024, Mme A..., représentée par Me Cabioch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de cette notification et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de cette notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de ce que le refus de séjour n'est pas motivé et de ce que cette absence de motivation révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ; il est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les règles de procédures des articles R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son état de santé nécessite un traitement médical, dont l'interruption, contrairement à ce qu'indique le collège des médecins de l'OFII, peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; elle ne peut en outre bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine ;

- elle est entachée d'erreur de droit, de fait et d'appréciation au regard des articles

L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée à raison des mêmes moyens de légalité externe que ceux précédemment exposés dans le cadre du refus de titre de séjour ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle a des conséquences disproportionnées sur sa situation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée du même vice de procédure que celui soulevé à l'encontre du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2024 le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante albanaise née le 26 janvier 1984 est entrée en France le 11 juin 2018 en compagnie du jeune D... A... né le 20 mai 2008 dont le père est décédé le 5 février 2013. Sa demande d'asile a été rejetée le 26 septembre 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée le 2 mai 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Sa demande de réexamen de sa situation au titre de l'asile a été rejetée le 28 juin suivant. Mme A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 22 octobre 2019 mais s'est maintenue sur le territoire national et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 4 mars 2022, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté cette demande, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 6 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen entachant la décision portant refus de séjour. Par conséquent, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison d'une motivation insuffisante doit être écarté.

3. En second lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, dans l'hypothèse où le tribunal administratif aurait commis, comme le soutient la requérante une erreur de droit et une erreur d'appréciation susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs resteraient, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, le refus de titre de séjour vise l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel la demande de titre de séjour de Mme A... est fondée et expose les éléments relatifs à son état de santé qui ont conduit le préfet de la

Loire-Atlantique à lui refuser un droit au séjour. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

5. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision contestée que le préfet de la Loire-Atlantique à a procédé à un examen particulier de la situation de la requérante notamment au regard de son état de santé ainsi que de la présence sur le territoire national de son fils mineur.

6. En troisième lieu, il convient d'écarter par adoption de motifs retenus par les premiers juges le moyen tiré de la méconnaissance, par cette décision, des règles de procédures inscrites aux articles R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, moyen que Mme A... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ".

8. Dans son avis du 17 septembre 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. La requérante indique souffrir d'un état de stress post-traumatique. Toutefois, les certificats médicaux produits faisant état sans autres précisions que l'intéressée présente des symptômes de souffrance psychologique en rapport avec un stress post-traumatique nécessitant une prise en charge médicale n'établissent que le défaut de prise en charge entraînerait pour elle, à la date de l'arrêté contesté, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Eu égard au motif de la décision de refus de séjour contestée, Mme A... ne peut utilement soutenir qu'un traitement approprié à sa pathologie n'est pas disponible dans son pays d'origine. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A..., le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les dispositions l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

10. Mme A... fait valoir sa présence en France depuis 2018 ainsi que la scolarisation de son fils sur le territoire français. Toutefois, elle a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en octobre 2019, à laquelle elle n'a pas déféré. Mme A... n'apporte pas d'élément permettant d'établir qu'elle aurait noué en France des liens intenses et stables, la seule scolarisation de son enfant ne permettant pas de caractériser de tels liens. L'intéressée ne peut utilement se prévaloir de la naissance d'un nouvel enfant intervenue en juillet 2023 soit postérieurement à la décision contestée et ne justifie pas de circonstances faisant obstacle à ce que sa cellule familiale puisse se reconstituer hors de France avec son fils, ni à ce que ce dernier puisse y poursuivre une scolarité et y bénéficier d'un suivi psychologique au demeurant non établi par les pièces versées au dossier. Il n'est pas établi que Mme A... serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la décision contestée, qui n'est pas entachée d'erreur de fait, n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale. Par conséquent, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle doivent être écartés.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. Alors notamment, ainsi qu'il a été précisé au point 10 du présent arrêt, que

Mme A... n'établit pas que sa cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Albanie, qu'elle ne justifie pas en particulier que son fils ne pourrait y poursuivre sa scolarité et y bénéficier d'un suivi psychologique, et qu'au demeurant les stipulations citées au point précédent ne garantissent pas à un enfant le droit de se maintenir dans l'Etat leur offrant la meilleure qualité de vie, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté.

13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'avait pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort en outre de l'arrêté contesté que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé d'office à un examen de son droit au séjour à ce titre. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions à l'encontre de l'arrêté contesté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. L'appelante se borne à soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement susvisée, et comme elle le faisait en première instance, qu'elle entend " reprendre les vices concernant la légalité externe précédemment exposés dans le cadre du refus de séjour ". Au soutien des moyens ainsi invoqués, Mme A... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter l'ensemble de ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

15. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée a des conséquences disproportionnées sur sa situation, invoqué sans développement complémentaire, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10.

16. En troisième lieu, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

Sur la décision fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, il convient d'écarter par adoption de motifs retenus par les premiers juges le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, moyen que

Mme A... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.

18. En deuxième lieu, si la requérante soutient que la décision contestée est entachée du même vice de procédure que celui soulevé à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, elle n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le

bien-fondé.

19. En troisième lieu, la décision portant refus de titre n'étant pas annulée, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 24NT00322 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00322
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL DESMARS BELONCLE BARZ CABIOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;24nt00322 ?
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