Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 février 2023 par laquelle la commission de discipline compétente à l'égard des usagers de l'Ecole Centrale de Nantes a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion définitive de l'établissement.
Par un jugement n° 2305170 du 22 février 2024 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 mars, 14 juin, 28 juin et 12 juillet 2024, M. D..., représenté par Me Le Coupanec, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer l'annulation de la décision du 16 février 2023 ;
3°) d'enjoindre à l'Ecole Centrale de Nantes de publier sur son campus l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Ecole Centrale de Nantes la somme de 9 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la commission disciplinaire est incompétente pour prendre la décision attaquée, dès lors que les faits reprochés n'entrent pas dans le champ de la compétence matérielle de la commission de discipline de l'établissement ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'Ecole Centrale de Nantes et sa commission de discipline n'ont pas fait preuve d'impartialité au cours de la procédure disciplinaire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que les faits reprochés n'entrent pas dans la qualification pénale des infractions d'agression sexuelle et de viol et que l'Ecole Centrale de Nantes a créé sa propre définition de ces notions ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il n'a jamais reconnu les faits qui lui sont reprochés ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que la sanction présente un caractère disproportionné.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 mai et 11 juillet 2024, l'Ecole centrale de Nantes, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
- et les observations de Me Le Coupanec, pour M. D... et de Me D... pour l'Ecole centrale de Nantes.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D... était inscrit au titre de l'année universitaire 2022-2023 en troisième année du cycle ingénieur au sein de l'Ecole Centrale de Nantes. Informé du signalement émis le 8 septembre 2022 de Mme A... C..., également élève ingénieur, auprès de la cellule d'écoute et de signalement contre les violences sexistes et sexuelles créée à la rentrée universitaire 2022 au sein cet établissement pour des faits de viols et d'agressions sexuelles qu'aurait commis M. D..., le directeur de l'Ecole centrale de Nantes a après enquête administrative, saisi, le 25 mai 2022, le président de la commission de discipline de cet établissement compétente à l'égard des usagers. Par une décision du 16 février 2023, la commission de discipline compétente à l'égard des usagers de l'Ecole Centrale de Nantes a prononcé à l'encontre de M. D... une sanction d'exclusion définitive de l'établissement. M. D... relève appel du jugement du 22 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 811-1 du code de l'éducation : " Les usagers du service public de l'enseignement supérieur sont les bénéficiaires des services d'enseignement, de recherche et de diffusion des connaissances et, notamment, les étudiants inscrits en vue de la préparation d'un diplôme ou d'un concours, les personnes bénéficiant de la formation continue et les auditeurs. / Ils disposent de la liberté d'information et d'expression à l'égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils exercent cette liberté à titre individuel et collectif, dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d'enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l'ordre public. (...) ". L'article R. 811-11 du même code dispose que : " Relève du régime disciplinaire prévu aux articles R. 811-10 à R. 811-42 tout usager de l'université lorsqu'il est auteur ou complice, notamment : (...) / 2° De tout fait de nature à porter atteinte à l'ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l'université (...) ". Aux termes de l'article R. 811-36 du même code : " I. - Les sanctions disciplinaires applicables aux usagers des établissements publics d'enseignement supérieur sont (...) : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° La mesure de responsabilisation définie au II ; / 4° L'exclusion de l'établissement pour une durée maximum de cinq ans. Cette sanction peut être prononcée avec sursis si l'exclusion n'excède pas deux ans ; / 5° L'exclusion définitive de l'établissement ; / 6° L'exclusion de tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée maximum de cinq ans ; / 7° L'exclusion définitive de tout établissement public d'enseignement supérieur. (...) / Les sanctions prévues au 4° du présent article sans être assorties du sursis ainsi qu'aux 5°, 6° et 7° entraînent en outre l'interdiction de prendre toute inscription dans le ou les établissements publics dispensant des formations post-baccalauréat, de subir des examens sanctionnant ces formations ainsi que de subir tout examen conduisant à un diplôme national. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 32 du règlement intérieur de l'Ecole Centrale de Nantes : " (...) Tout acte portant atteinte à l'intégrité physique et morale des personnes est strictement interdit et peut faire l'objet de sanctions disciplinaires voire de sanctions pénales le cas échéant ".
4. Pour prononcer son exclusion, la commission de discipline de l'Ecole Centrale de Nantes a considéré que les faits commis par M. D... constituaient un trouble à l'ordre et au bon fonctionnement de l'établissement. La commission a relevé qu'il ressort des déclarations de Mme C..., non sérieusement contestées, qu'au cours de la période du 10 septembre 2020 au 1er avril 2021, M. D... lui a, à de multiples reprises, imposé des actes sexuels non consentis ayant eu des répercussions psychologiques, Mme C... ayant fait part de son anxiété causée par le comportement de l'étudiant et le risque de le côtoyer de nouveau dans le cadre de sa scolarité au sein de l'Ecole. La commission a qualifié ces faits répétés commis sans le consentement clair et explicite de l'étudiante comme constitutifs d'agressions sexuelles et de viols et a considéré au surplus que le comportement de M. D... a gravement méconnu les exigences de la charte individuelle de l'étudiant de l'Ecole centrale de Nantes et son règlement intérieur notamment son article 32.
5. M. D... soutient que la sanction prise à son encontre repose sur des faits qui ne sont pas établis et qu'il n'a pas reconnus. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... avec laquelle M. D... a entretenu une relation amoureuse du 10 septembre 2020 au 1er avril 2021 a, d'une part, signalé auprès de la cellule d'écoute et de signalement de l'Ecole centrale de Nantes des faits d'agressions et de viols le 9 novembre 2022, et a également informé cette cellule de la plainte pour viol déposée à l'encontre de M. D... pour les faits survenus pendant leur relation. Cette plainte a donné lieu, le 26 juin 2024, à un classement sans suite du procureur de la République, l'infraction ne paraissant pas suffisamment caractérisée.
6. Il ressort des pièces du dossier que ni les dires de Mme C... devant la cellule d'écoute et de signalement de l'Ecole centrale de Nantes le 8 septembre 2022 relatifs à des violences sexistes et sexuelles qu'elle aurait subies, contestés par M. D... et entachés de contradictions avec les échanges par sms produits au dossier avec une amie ni les sms échangés avec M. D... lui-même, assez confus et décousus et qui traduisent essentiellement des difficultés de communication entre les intéressés dans leur relation de couple et leurs relations intimes, ne permettent d'établir les faits d'agressions sexuelles et de viols allégués ni a fortiori une reconnaissance de ces faits par M. D... ni davantage la réalité de comportements portant atteinte à l'intégrité physique et morale de Mme C..., laquelle au demeurant n'a produit devant la commission aucun document notamment médical faisant état d'une telle atteinte. Ainsi, la matérialité des faits à l'origine du trouble au bon fonctionnement et à l'ordre de l'établissement allégué et retenus par la commission de discipline n'est pas établie. Il suit de là que la commission de discipline de l'Ecole Centrale de Nantes a entaché d'erreur de fait la décision contestée du 16 février 2023.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2023 par laquelle la commission de discipline compétente à l'égard des usagers de l'Ecole Centrale de Nantes a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion définitive de l'établissement.
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à de publier l'arrêt rendu par la Cour :
8. Il n'appartient pas au juge administratif d'enjoindre à une partie de publier la décision rendue sur le litige. Par suite, les conclusions présentées à cet effet par M. D... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D... qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par l'Ecole centrale de Nantes et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Ecole centrale de Nantes la somme de 3 000 euros demandée par l'appelant au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2305170 du 22 février 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du 16 février 2023 par laquelle la commission de discipline compétente à l'égard des usagers de l'Ecole Centrale de Nantes a prononcé à l'encontre de
M. D... une sanction d'exclusion définitive de l'établissement est annulée.
Article 3 : L'Ecole centrale de Nantes versera à M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : Les conclusions de l'Ecole Centrale de Nantes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à l'Ecole Centrale de Nantes.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00877