Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er février 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré et, d'autre part, l'arrêté du 3 décembre 2021 par lequel le même préfet a refusé de délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2104970 et 2203605 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2021 en tant qu'il fait obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 novembre 2023, Mme D... représentée par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour et celui du 3 décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet dans l'application des dispositions du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la légalité des décisions contestées :
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions méconnaissent les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante malienne, née en 1949, est entrée en France le 15 mars 2020, sous couvert d'un visa de court séjour. Sa première demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-6 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été rejetée par un arrêté du 1er février 2021 du préfet de la Loire-Atlantique et ce refus a été assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Sa seconde demande de délivrance d'un titre de séjour, en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été rejetée par un arrêté du 3 décembre 2021 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces deux arrêtés. Par un jugement du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 1er février en tant qu'il a obligé Mme D... à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, a rejeté le surplus des demandes de l'intéressée. Celle-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Comme le soutient Mme D..., le tribunal administratif a omis de répondre au moyen, qui n'a pas été visé dans le jugement attaqué et qui n'était pas inopérant, dirigé contre l'arrêté du 1er février 2021 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour et tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement, Mme D... est fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation l'arrêté du 1er février 2021 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour. Il y a lieu de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par Mme D... devant la cour tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2021.
Sur la légalité de l'arrêté du 1er février 2021 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour :
4. En premier lieu, par un arrêté du 8 janvier 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs le même jour, le préfet de la Loire-Atlantique a donné délégation à Mme B..., directrice des migrations et de l'intégration à la préfecture et signataire des arrêtés attaqués, à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des arrêtés attaqués manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, a examiné la demande de Mme D..., fondée sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard de la seule durée du séjour de l'intéressée en France et, d'autre part, se serait cru en situation de compétence liée pour rejeter la demande.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour :2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; (...) ". Il ressort de l'arrêté contesté que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme D... sur le fondement de ces dispositions, le préfet de la Loire-Atlantique a considéré qu'elle est entrée en France en étant munie d'un visa de court séjour et qu'elle est dans l'incapacité de produire un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, comme l'exigent les dispositions précitées du 2° de l'article L. 314-11 du même code de. Par suite, Mme D..., faute d'avoir produit un tel visa tant en première instance qu'en appel, ne peut pas bénéficier des dispositions précitées de l'article L. 314-11 même si elle affirme et justifie être à la charge de son fils, ressortissant français.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-6, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire portant la mention "visiteur" est délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources, dont le montant doit être au moins égal au salaire minimum de croissance net annuel, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées à la troisième phrase du 2° de l'article L. 314-8 (...) ". En l'espèce, Mme D... est entièrement à la charge de son fils, comme il a été dit au point 6. Dans ces conditions, elle ne remplit pas la condition de ressources qui est exigée par ces dispositions. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 313-6 précité.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
9. Mme D..., qui est veuve depuis 1984, résidait sur le territoire français depuis moins d'un an à la date de l'arrêté contesté après avoir vécu jusqu'à l'âge de 71 ans dans son pays d'origine. Alors qu'elle produit des pièces attestant de la présence de deux enfants sur le territoire français dont l'un, de nationalité française, l'héberge et la prend en charge depuis son arrivée sur le territoire français, la durée de son séjour en France n'est pas suffisante pour établir des relations stables, intenses et durables en France sur les plans familial et personnel. Compte tenu de ces conditions d'entrée et de séjour en France, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle a poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
10. Enfin, Mme D..., en se prévalant de la présence de son fils en France, du décès de son mari en 1984, de son isolement dans son pays d'origine, de l'existence de problèmes de santé et de la situation d'insécurité qui existe au Mali, n'établit pas que le préfet de la Loire-Atlantique aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de l'arrêté du 3 décembre 2021 :
11. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
12. Dans son avis du 28 mai 2021, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine où, selon l'arrêté contesté, elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé.
13. Mme D... fait valoir que son état de santé depuis son arrivée sur le territoire français s'est dégradé, qu'elle présente des problèmes de déplacement résultant d'une atteinte dégénérative de la cheville gauche et souffre de complications dues à une opération de la cataracte, qu'une stéatose hépatique diffuse lui a été diagnostiquée, qu'elle souffre de maux de dos et qu'elle doit suivre un traitement quotidien contre l'hypertension. Toutefois, ni les attestations et compte-rendu médicaux qu'elle verse, ni aucune autre pièce du dossier ne sont de nature à établir une absence de traitement des pathologies susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou, en tout état de cause, une impossibilité à bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée, d'une part, à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 1er février 2021 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du même préfet du 3 décembre 2021. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2104970 et 2203605 du 6 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2021 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour.
Article 2 : Les conclusions de Mme D... présentées devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2021 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLE
Le président
J.E. GEFFRAY
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT0319102