Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions du Pôle national des transferts transfrontaliers de déchets (PNTTD) du 27 février 2019 et du 8 avril 2019 relatives à un " transfert transfrontalier illicite de déchets " ainsi que la décision du 15 janvier 2019, remise en vigueur du fait de l'annulation des deux autres décisions et, subsidiairement, d'annuler les décisions du 27 février 2019 et du 8 avril 2019 du PNTTD en ce qu'elles regardent ses pneumatiques comme des déchets et qu'elles lui prescrivent de les rapatrier vers une installation de collecte ou de traitement.
Par un jugement n° 1902089 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable la demande tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2019 et a annulé les décisions des 27 février 2019 et 8 avril 2019 du Pôle national des transferts transfrontaliers de déchets.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il annule les décisions des 27 février et 8 avril 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Rennes, en tant qu'elle concerne ces mêmes décisions.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 63 ter du code des douanes était inopérant ; ces dispositions ne trouvaient pas à s'appliquer à une sanction fondée sur le règlement CE 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 et non sur le code des douanes ; en l'espèce, les services des douanes ont accédé aux entrepôts sur le seul fondement de l'article 60 du code des douanes ;
- subsidiairement, la juridiction administrative est incompétente pour connaitre de la régularité d'opérations douanières.
La requête a été transmise à M. A..., qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination ;
- le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets ;
- le règlement (CE) n° 1418/2007 de la commission du 29 novembre 2007 concernant l'exportation de certains déchets destinés à être valorisés, énumérés à l'annexe III ou III A du règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil vers certains pays auxquels la décision de l'OCDE sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets ne s'applique pas ;
- le code des douanes ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- et les conclusions de M. Frank, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... exerce une activité d'achat et de revente de pneumatiques, sous le nom commercial de " Jemany Pneus ", en Ille-et-Vilaine. Le 20 décembre 2018, à la suite d'un contrôle douanier au port du Havre, des pneumatiques lui appartenant, cédés à un acquéreur résidant en Côte d'Ivoire, ont été considérés comme des déchets par les agents de la douane et la cargaison a alors été immobilisée et placée sous scellé. Un procès-verbal d'infraction d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées, s'agissant de déchets, a été dressé le 11 janvier 2019 par un agent verbalisateur des douanes françaises. Par un courrier du 15 janvier 2019, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a informé M. A... que l'opération menée constituait un transfert illicite de déchets sur le fondement de différent règlements communautaires et qu'en application de l'article 24 du règlement (CE) n° 1013/1006 du 14 juin 2006 du Parlement européen et du Conseil, il lui était imparti de rapatrier ces déchets vers une installation autorisée à les collecter ou les traiter dans un délai maximum de 30 jours. M. A... a formé un recours gracieux, auprès du Pôle National des Transferts Transfrontaliers de Déchets (PNTTD), le 11 février 2019.
2. Un nouveau procès-verbal a été dressé par un agent verbalisateur des douanes le 20 février 2019 pour le même motif que celui du 11 janvier 2019. Par une décision du 27 février 2019, il a été à nouveau opposé à M. A... que sa cargaison était constituée de déchets et qu'en application de l'article 24 du règlement CE 1013/2006, il était tenu " de rapatrier les pneus vers une installation autorisée à les collecter ou les traiter " dans un délai maximum de 30 jours. Ce courrier l'a informé du fait que cette décision annulait et remplaçait celle du 15 janvier 2019. Un nouveau recours gracieux a été effectué le 21 mars 2019. Ce dernier a été rejeté par une décision ministérielle explicite du 8 avril 2019.
3. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler totalement les décisions du 15 janvier 2019, du 27 février 2019 ainsi que les décisions portant rejet de ses recours gracieux et, subsidiairement, de les annuler en tant qu'elles lui imposent de rapatrier ses pneumatiques vers une installation autorisée à les collecter ou les traiter. Par un jugement du 22 septembre 2022, ce tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision ministérielle du 15 janvier 2019 et a annulé les décisions ministérielles du 27 février 2019 et du 8 avril 2019. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il prononce l'annulation de ces décisions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 541-40 du code de l'environnement : " I. L'importation, l'exportation et le transit de déchets sont soumis aux dispositions du règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets. (...) ". Et aux termes de l'article L. 541-41 du même code : " (...) II. - Dans le cas de transfert illicite, prévu à l'article 24 du règlement mentionné ci-dessus, l'autorité compétente prescrit la reprise ou le traitement des déchets, dans un délai compatible avec celui prévu par ce règlement : / 1° En cas d'exportation et dans l'hypothèse où le transfert illicite est le fait du notifiant, au notifiant de fait, c'est-à-dire à la personne qui a procédé à la notification, ou, à défaut d'une telle notification, au notifiant de droit, désigné conformément à l'article 2. 15 de ce règlement (...). IV. - Lorsqu'est découverte la présence de déchets provenant soit d'un transfert qui n'a pu être mené à son terme, soit d'un transfert illicite, l'autorité compétente sur le territoire où les déchets sont immobilisés prescrit, selon le cas, au notifiant, au destinataire ou à l'organisateur désignés au 2 de l'article 22, au 2 de l'article 24, ou au 1 de l'article 18, de procéder dans un délai déterminé au stockage temporaire des déchets dans les conditions prévues aux titres Ier et IV du livre V. ". Aux termes de l'article 24 " Reprise en cas de transfert illicite " de ce règlement : " I. lorsqu'une autorité compétente découvre un transfert qu'elle considère comme étant un transfert illicite, elle en informe immédiatement les autres autorités compétentes. /2. Si le transfert illicite est le fait du notifiant, l'autorité compétente d'expédition veille à ce que les déchets en question soient : / a) reprise par le notifiant de fait ; ou si aucune notification n'a été effectuée, / b) repris par le notifiant de droit ; ou si cela est impossible, / c) repris par l'autorité compétente d'expédition elle-même ou par une autre personne physique ou morale agissant en son nom ; ou si cela est impossible, d) valorisés ou éliminés d'une autre manière dans le pays de destination ou d'expédition par l'autorité compétente d'expédition elle-même ou par une personne physique ou moral agissant en son nom (...). ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 541-44 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date du procès-verbal du 20 février 2019 : " Outre les officiers et agents de police judiciaire et les inspecteurs de l'environnement mentionnés à l'article L. 172-1, sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent chapitre et des textes pris pour son application : / (...) 2° Les agents des douanes ; (...). ". Et aux termes de l'article L. 170-1 du même code : " Le présent titre définit les conditions dans lesquelles s'exercent les contrôles des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par le présent code ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement ou d'infraction aux prescriptions prévues par le présent code./ Les dispositions particulières relatives aux contrôles et aux sanctions figurant dans les autres titres du présent livre et dans les autres livres du présent code dérogent à ces dispositions communes ou les complètent. ". L'article L. 172-4 de code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Les fonctionnaires et agents de l'Etat (...) habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application exercent leurs compétences dans les conditions prévues à la présente section. (...) ". Et l'article L. 172-16 de ce code dispose que : " Les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire. (...) ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article 63 ter du code des douanes : " Afin de procéder aux investigations nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions prévues au présent code, les agents des douanes de catégorie A ou B et les agents de catégorie C pour autant qu'ils soient accompagnés de l'un des agents précités ont accès aux locaux et lieux à usage professionnel, ainsi qu'aux terrains et aux entrepôts où les marchandises et documents se rapportant à ces infractions sont susceptibles d'être détenus quel qu'en soit le support. Aux mêmes fins, ils ont accès aux moyens de transport à usage professionnel et à leur chargement. / Cet accès a lieu entre 8 heures et 20 heures ou, en dehors de ces heures, lorsque l'accès au public est autorisé, ou lorsque sont en cours des activités de production, de fabrication, de conditionnement, de transport, de manutention, d'entreposage ou de commercialisation. / Le procureur de la République est préalablement informé des opérations visées au premier alinéa et peut s'y opposer. Un procès-verbal de constat relatant le déroulement des opérations de contrôle lui est transmis dans les cinq jours suivant son établissement. Une copie en est transmise à l'intéressé dans le même délai. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la procédure conduite par la direction générale de la prévention des risques du ministère de la transition écologique et solidaire sur le fondement des dispositions citées au point 4 au motif d'un transfert illicite de déchets, en l'occurrence des pneumatiques usagés à destination de la Côte d'Ivoire par la société Jémany Pneus Export, a été initiée par un contrôle du service des douanes du port du Havre effectué le 20 décembre 2018 dans les locaux de la société AACS Logistics à Epouville, où le contenu d'un conteneur a été examiné. Ce contrôle a donné lieu à l'établissement de deux procès-verbaux, les 11 janvier et 20 février 2019, dont seul ce dernier sert de fondement aux décisions contestées par M. A... des 27 février et 8 avril 2019. Ces décisions qualifient sa cargaison de pneumatiques de déchets, qui ne peuvent être exportés en l'état, et lui enjoignent de les rapatrier vers une installation autorisée à les collecter ou à les traiter sur le fondement de l'article 24 du règlement CE 1013- 2006.
8. Il ressort des pièces du dossier que les décisions contestées sont des mesures de police spéciale intervenues en application des articles L. 541-40 et suivants du code de l'environnement régissant les mouvements transfrontaliers de déchets, et plus particulièrement de l'article L. 541- 41 de ce code. Les contrôles effectués à ce titre sont réalisés dans le respect des articles L. 170-1 et suivants du même code, dont les articles L. 172-4 et suivants régissant les modalités de recherche et de constatation des infractions aux polices spéciales de ce code. Il est prévu par l'article L. 541-44 du code de l'environnement que la recherche et le constat des infractions relatifs à la prévention et à la gestion des déchets sont notamment confiés aux agents des douanes. Les dispositions de l'article 63 ter du code des douanes, qui imposent que le Procureur de la République doit être préalablement informé des opérations diligentées sur le fondement de cet article, sont relatives à la recherche et à la constatation des infractions prévues au code des douanes et, par suite, ne sont pas celles qui ont été mises en œuvre préalablement aux décisions contestées des 27 février et 8 avril 2019. Ainsi, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a annulé ces décisions faute d'avoir respecté la procédure prévue par les dispositions de l'article 63 ter du code des douanes, lesquelles n'étaient pas applicables.
9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les fins de non-recevoir et les autres moyens soulevés en première instance.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la transition écologique à la demande de première instance :
10. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier enregistré le 4 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif de Rennes M. A... a confirmé le maintien de sa requête après le rejet par une ordonnance du 25 juin 2019 de la juge des référés de ce tribunal de sa demande de suspension des décisions contestées des 27 février et 8 avril 2019. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre en première instance à la demande de M. A... sur le fondement de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative doit être écartée.
Sur les autres moyens soulevés en première instance :
12. En premier lieu, aux termes de l'article 334 du code des douanes : " 1. Les résultats des contrôles opérés dans les conditions prévues à l'article 65 ci-dessus et, d'une manière générale, ceux des enquêtes et interrogatoires effectués par les agents des douanes sont consignés dans les procès-verbaux de constat./ 2. Ces procès-verbaux énoncent la date et le lieu des contrôles et des enquêtes effectués, la nature des constatations faites et des renseignements recueillis, la saisie des documents, s'il y a lieu, ainsi que les noms, qualité et résidence administrative des agents verbalisateurs. / Ils indiquent, en outre, que ceux chez qui l'enquête ou le contrôle a été effectué ont été informés de la date et du lieu de la rédaction de ce rapport et que sommation leur a été faite d'assister à cette rédaction ; si ces personnes sont présentes à la rédaction, ils précisent que lecture leur en a été faite et qu'elles ont été interpellées de le signer. ".
13. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 27 février 2019 a été précédée de l'établissement d'un procès-verbal, établi le 20 février 2019, retraçant l'enquête conduite par l'agent des douanes au titre de l'article L. 541-44 du code de l'environnement. Ainsi qu'il a été exposé au point 8, la procédure a été conduite sur le fondement des dispositions de la police administrative régissant les mouvements transfrontaliers de déchets prévues par les articles L. 541-40 et suivants du code de l'environnement et les articles L. 170-1 et suivants du même code régissant notamment les contrôles régis par ce code. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 334 du code des douanes est inopérant et ne peut qu'être écarté.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé.(...) ".
15. Les dispositions générales précitées de l'article L. 541-3 du code de l'environnement prévoient notamment une information du producteur ou du détenteur de déchets, notamment déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du chapitre 1er " Prévention et gestion des déchets ", portant sur la possibilité de présenter des observations, le cas échéant assisté par un conseil, concomitamment à l'information qui leur est alors donnée des faits reprochés et des sanctions encourues et ce, préalablement à une mise en demeure d'effectuer diverses opérations.
16. Toutefois ce chapitre du titre IV du livre V du code de l'environnement est divisé en sections au titre desquelles figurent la " section 1 : dispositions générales ", comprenant l'article L. 541-3 précité, mais également la " section 4 : dispositions particulières aux mouvements transfrontaliers de déchets " qui comprend notamment les articles L. 541-40 à L. 541-42-2. Or, l'article L. 541-42-1 dispose dans sa rédaction alors applicable que " Les dispositions des articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ne s'appliquent pas aux décisions prises en application des articles L. 541-41 et L. 541-42. ".
17. En l'espèce, ainsi qu'il a été exposé au point 8, la décision contestée du 27 février 2019 est intervenue sur le fondement du II de l'article L. 541-41 du code de l'environnement au titre des " dispositions particulières aux mouvements transfrontaliers de déchets ". Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir des " dispositions générales " applicables à la prévention et à la gestion des déchets des articles L. 541-1 à L. 541-8 de ce code. Aussi, le moyen tiré de la méconnaissance des règles de procédure prévues à l'article L. 541-3 du code de l'environnement est inopérant et ne peut qu'être écarté.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par : / Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ; (...)/ Réemploi : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ; (...) Collecte : toute opération de ramassage des déchets en vue de leur transport vers une installation de traitement des déchets ; (...). ". Aux termes de l'article R. 543- 138 du code de l'environnement relatif aux déchets de pneumatiques dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'application de la présente section, on entend par : (...) / 4° Détenteurs : les personnes qui sont en possession de déchets de pneumatiques en raison de leurs activités professionnelles, à l'exception des personnes qui ont procédé à la valorisation de ces déchets (...) / 5° Collecteurs : les personnes qui assurent les opérations de ramassage des déchets de pneumatiques auprès des distributeurs et détenteurs et le regroupement de ces déchets en vue de leur transport vers une installation de traitement, pour le compte de producteurs (...). ".
19. Un déchet au sens de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement cité au point précédent est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l'intention de se défaire, sans qu'il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu. Aux fins d'apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d'une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable. Sont sans incidence à cet égard les circonstances que les biens en cause aient une valeur commerciale et soient susceptibles de donner lieu à une réutilisation économique.
20. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de constat rédigé le 20 février 2019, établi après un contrôle physique par un contrôleur assermenté des douanes, que la cargaison litigieuse de 1 600 pneumatiques, d'un poids total déclaré de 9,97 tonnes, entreposée par M. A... dans un conteneur, est caractérisée par " des niveaux de dégradation divers : gomme craquelée au niveau de la bande de roulement et/ou ne répondant pas aux exigences du code de la route français en termes d'usure ". Ce document est complété par des photographies de ces pneumatiques attestant, pour certaines clairement, de leur dégradation. En outre, afin d'établir la provenance de ces pneumatiques, M. A... a produit trois factures d'acquisition, mais pour seulement 1,705 tonnes de pneumatiques. Par ailleurs, ces factures émanent d'une société ayant la qualité de collecteur agréé de déchets de pneumatiques au sens de l'article R. 543-138 du code de l'environnement. M. A... a également exposé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, ainsi qu'il résulte de l'ordonnance n° 1902762 de ce juge du 25 juin 2019, que le reste des pneumatiques lui auraient été donnés, sans qu'il ait apporté davantage de précision sur leur origine. Il a évoqué ensuite des " pneus non collectés ".
21. Ainsi, ces pneumatiques, pour ceux dont l'origine est identifiable, ont été acquis auprès d'une société habilitée à la collecte de déchets de pneumatiques au sens de l'article R. 543- 138 du code de l'environnent, laquelle est habilitée à recevoir des biens dont leurs détenteurs se sont défaits. Si M. A... soutient qu'il n'est pas établi qu'il s'agirait de biens dont les intéressés se sont ainsi défaits, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de cette affirmation. Les pneumatiques ainsi acquis par M. A..., dont il n'est pas même allégué qu'ils auraient été réparés suite à leur achat, constituaient des déchets dès leur acquisition par M. A.... Par ailleurs, il résulte de ce qui précède, au regard des constats effectués par un agent public assermenté, que les pneumatiques en litige sont vétustes. Ainsi leur réutilisation sans opération de transformation préalable, comme en l'espèce, ne présente pas de caractère suffisamment certain. Enfin s'agissant des pneumatiques qui auraient été donnés à M. A..., ils doivent être regardés en l'état des pièces du dossier comme provenant de personnes qui ont entendu s'en défaire. Par suite, alors même que ces pneumatiques auraient conservé une valeur commerciale, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne s'agissait pas de déchets. Dans ces conditions, et alors que M. A... a entendu également se défaire de ces pneumatiques, c'est sans erreur de droit que l'administration a engagé une procédure pour transfert transfrontalier illicite de déchets, l'intéressé ne contestant pas que, dans cette hypothèse, l'exportation de ces pneumatiques vers la Côte-d'Ivoire était soumise au respect d'une procédure qu'il n'a pas respectée.
22. En quatrième lieu, il résulte des dispositions du II de l'article L. 541-41 du code de l'environnement citées au point 4 que dans le cas d'un transfert illicite prévu à l'article 24 du règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 l'administration peut prescrire la reprise ou le traitement des déchets.
23. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir qualifié de déchets les pneumatiques en litige, la décision du 27 février 2019 a enjoint à M. A..., par référence à l'article 24 du règlement précité, et dans un délai maximum de 30 jours, de transférer ces déchets vers une installation autorisée à les collecter ou à les traiter. Il résulte du II de l'article L. 541-41 du code de l'environnement que dans le cas de transfert illicite identifiée par l'article 24 du règlement précité, l'administration peut prescrire la reprise ou le traitement de ces déchets. Or, et ainsi qu'il a été exposé, d'une part les pneumatiques en litige constituent des déchets et leur origine n'est que très partiellement identifiée. De plus, il n'est pas établi que ceux acquis auprès d'une société ayant la qualité de collecteur agréé de déchets de pneumatiques auraient été traités. En tout état de cause la décision contestée n'impose pas systématiquement un nouveau traitement de ces pneumatiques dès lors qu'elle évoque également leur transfert vers une installation autorisée à les collecter. Par suite, M. A... n'est pas davantage fondé à soutenir qu'en tant qu'elle lui enjoint de transférer ses pneumatiques dans une installation agréée pour les collecter ou les traiter, cette décision est illégale.
24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen soulevé à titre subsidiaire par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, que celui-ci est fondé à demander l'annulation du jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé les décisions ministérielles des 27 février et 8 avril 2019.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1902089 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il annule les décisions des 27 février et 8 avril 2019 du Pôle national des transferts transfrontaliers de déchets.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation des décisions des 27 février et 8 avril 2019 du Pôle national des transferts transfrontaliers de déchets est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à M. B... A....
Copie en sera adressée, pour information, au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03631