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19/11/2024 | FRANCE | N°23NT02003

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 19 novembre 2024, 23NT02003


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 mai 2022 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant à charge de ressortissant français.



Par un jugement n° 2208956 d

u 14 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 mai 2022 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant à charge de ressortissant français.

Par un jugement n° 2208956 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 juillet 2023, 7 septembre 2023, 4 juillet 2024 et 5 juillet 2024, Mme B... C... A..., représentée par Me Daniel Lamazière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 avril 2023 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée en droit ;

- la décision contestée méconnait les dispositions des articles 2.2 et 3 de la directive du parlement et du conseil du 29 avril 2004 ; elle est membre de famille d'un ressortissant de l'Union européenne ;

- elle est à la charge de sa mère, ressortissante française ;

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle compte tenu de ses liens avec sa famille ; elle ne dispose pas au Cameroun de membres proches de sa famille ; la situation au Cameroun est dangereuse ;

- le paiement des frais de visa est contraire au droit ;

- elle peut se voir délivrer un visa au titre du travail ;

- la décision contestée méconnait méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.

Les parties ont été informées, le 10 octobre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée dès lors d'une part, que celui-ci se rattache à une cause juridique distincte de celle dont procédaient les moyens soulevés en première instance et, d'autre part, que présenté après l'expiration du délai d'appel, il ne se rattache pas non plus aux causes juridiques dont procédaient les moyens soulevés avant l'expiration de ce délai.

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2024, Mme A... a produit des observations en réponse au courrier du 10 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- et les observations de Me Daniel Lamazière, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 5 juin 1994, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité d'enfant à charge d'une ressortissante française, auprès de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun), laquelle a rejeté cette demande par une décision du 13 mai 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. Mme A... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement du 14 avril 2023 de ce tribunal rejetant sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Douala, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est appropriée les motifs retenus par la décision consulaire, qui s'est fondée sur les circonstances, d'une part, que Mme A..., qui est âgée de plus de 21 ans, n'établit pas être à la charge de ses parents français et, d'autre part, que les informations communiquées pour justifier des conditions de séjour sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables.

3. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée, qui a été soulevé par Mme A... pour la première fois dans le mémoire enregistré le 4 juillet 2024, d'une part, se rattache à une cause juridique distincte de celle dont procédaient les moyens soulevés en première instance et, d'autre part, a été présenté après l'expiration du délai d'appel, et ne se rattache pas non plus aux causes juridiques dont procédaient les moyens soulevés avant l'expiration de ce délai. La circonstance que la décision explicite des autorités consulaires du 13 mai 2022 ait été communiqué à la requérante au cours de la présente instance est à cet égard sans incidence, dès lors que celle-ci pouvait soulever, tant en première instance qu'en appel, des moyens de légalité externe à l'égard de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté comme irrecevable.

4. En deuxième lieu, lorsqu'elle est saisie d'un recours dirigé contre une décision diplomatique ou consulaire refusant la délivrance d'un visa de long séjour à un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité d'enfant à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de rejet sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.

5. Mme A..., née en 1994, fait valoir qu'elle est à la charge de sa mère, ressortissante française. Si la requérante produit, pour en justifier, des preuves de versements réguliers de montants variables depuis 2019, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne disposerait pas d'autres ressources propres et que ces virements lui seraient nécessaires pour subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes. A cet égard, la seule production d'une attestation de clôture de compte bancaire à la date du 6 juillet 2020 et d'une attestation de non redevance d'impôts du 19 juin 2023 ne permettent pas d'en justifier. Dans ces conditions, Mme A... ne peut être regardée comme étant à la charge d'une ressortissante française. Par suite, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant, pour ce motif, de lui délivrer le visa sollicité.

6. En troisième lieu, si tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires, Mme A... ne saurait se prévaloir de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, dès lors que les dispositions de cette directive ont fait l'objet d'une transposition dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 et par le décret n° 2007-371 du 21 mars 2007. Par suite, et alors même qu'elle se prévaut de sa qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, le moyen tiré de la méconnaissance de la directive précitée ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, eu égard aux motifs de la décision contestée rappelés au point 2, au nombre desquels ne figure pas l'absence d'établissement du lien de filiation entre Mme A... et sa mère, le moyen tiré de ce que le lien de filiation serait établi par les actes d'état-civil produits ne peut qu'être écarté comme inopérant.

8. En cinquième lieu, les circonstances selon lesquelles le paiement des frais de visa serait contraire au droit et de ce que Mme A... pourrait se voir délivrer un visa au titre du travail sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

9. En sixième lieu, Mme A... était âgée de 28 ans à la date de la décision contestée. Par ailleurs, si la mère, la sœur et le beau-père de Mme A... résident en France depuis plusieurs années, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir qu'elle serait isolée au Cameroun, pays dans lequel elle a toujours vécu. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait personnellement exposée au Cameroun à des risques sérieux de persécutions ou de traitements inhumains et dégradants. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.

10. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En huitième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

13. Alors comme il a été dit au point 9 du présent arrêt que Mme A... ne justifie pas qu'elle serait personnellement exposée au Cameroun à des risques sérieux de persécutions ou de traitements inhumains et dégradants, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02003
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : DANIEL LAMAZIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;23nt02003 ?
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