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14/01/2025 | FRANCE | N°23NT00751

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 14 janvier 2025, 23NT00751


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 mars 2023 et 14 juin 2024, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), l'association Vent de Panique 56, la commune de Moreac, M. J... C..., M. B... L..., M. E... D..., Mme M... A..., M. H... F..., M. et Mme G..., M. K... I..., représentés par Me Collet, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 17 novembre 2022 modifiant l'arrêté préfectoral du 28 août 2020 accordant une autorisation enviro

nnementale pour l'installation et l'exploitation de deux éoliennes et d'un poste de livra...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 mars 2023 et 14 juin 2024, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), l'association Vent de Panique 56, la commune de Moreac, M. J... C..., M. B... L..., M. E... D..., Mme M... A..., M. H... F..., M. et Mme G..., M. K... I..., représentés par Me Collet, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 17 novembre 2022 modifiant l'arrêté préfectoral du 28 août 2020 accordant une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation de deux éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Moréac ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est recevable ; le recours a été notifié, ils ont intérêt à agir ;

- le signataire de la décision attaquée est incompétent ; l'arrêté attaqué ne vise aucun acte permettant de démontrer que le signataire disposait d'une délégation de signature ;

- le dossier est insuffisant s'agissant des études acoustiques ; il ne mentionne pas la profondeur de l'enfouissement du câble de raccordement des éoliennes au poste de livraison ;

- les capacités financières de l'exploitant sont insuffisantes ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, dès lors qu'il approuve une modification substantielle ; le projet contesté est de nature à entrainer des dangers ou impacts pour l'environnement, la sécurité publique et la commodité du voisinage compte tenu de la puissance majorée des éoliennes ainsi que de leurs impacts sonore, visuel, environnemental, de l'enfouissement du câble raccordant les éoliennes au poste de livraison et sur la santé des troupeaux ; un risque de pollution est généré par les fondations dont les modalités ne sont pas connues ;

- le préfet devait prescrire des mesures supplémentaires s'agissant des impacts acoustiques.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 août 2023 et 17 septembre 2024, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête méconnait l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt nos 20NT04011 et 21NT02627 du 22 mars 2022 de la cour, devenu définitif ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 22 juin 2023 et 17 septembre 2024, la société d'exploitation du parc éolien Kervellin, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas recevable ; les requérants n'ont pas intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Guen, substituant Me Collet, représentant les requérants et celles de Me Kabra, substituant Me Elfassi, représentant la société d'exploitation du parc éolien Kervellin.

Une note en délibéré présentée pour les requérants a été enregistrée le 13 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 août 2020, le préfet du Morbihan a délivré à la société d'exploitation du parc éolien (SEPE) Kervellin une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation de deux éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Moréac. Par un arrêté du 21 mai 2021, le préfet du Morbihan a modifié l'autorisation délivrée le 28 août 2020. Par un arrêt du 22 mars 2022 rendu sous les n°s 20NT04011 et 21NT02627, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté le recours formé par l'association Vents de panique 56, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), la commune de Moréac, M. C..., M. L..., M. D..., Mme A..., M. F..., M. G... et M. I... à l'encontre de ces décisions. Par un arrêté du 17 novembre 2022, le préfet du Morbihan a modifié, au titre de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, l'autorisation environnementale du 28 août 2020, en ce qui concerne les modèles des deux éoliennes. M. L... et d'autres requérants demandent à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 17 novembre 2022 :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée :

2. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 10 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n°56-2022-075 du même jour, le préfet du Morbihan a donné à M. Guillaume Quenet, secrétaire général de la préfecture et signataire de la décision contestée, délégation à l'effet de signer en toutes matières, en cas d'absence ou d'empêchement, tous les actes relevant des attributions du préfet, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas ceux pris en matière de police de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance des capacités techniques et financières de la société pétitionnaire :

3. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement : " (...) I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'elles posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code. Lorsque le juge se prononce après la mise en service de l'installation, il lui appartient de vérifier la réalité et le caractère suffisant des capacités financières et techniques du pétitionnaire ou, le cas échéant, de l'exploitant auquel il a transféré l'autorisation.

5. En l'espèce, le dossier de porter à connaissance indique que la société d'exploitation du parc éolien Kervellin est une société dédiée au développement de projets d'énergie renouvelable, appartenant à la société Alterric Internationale Beiteiligungs, dont le capital propre en 2021 est de 102 millions d'euros, elle-même détenue par le groupe Alterric Gmbh, disposant d'un capital de 200 millions d'euros et d'actifs à hauteur de 1,8 milliard d'euros. D'une part, il résulte du dossier de porter à connaissance que la modification de l'actionnariat de la SEPE Kervellin ne modifie pas les modalités de financement du projet. D'autre part, il ressort de la lettre d'engagement de la société Alterric Gmbh que " la structure de financement du parc éolien consistera en un apport de fonds propres (environ 6 millions d'euros) par la société Alterric Internationale Beiteiligungs Gmbh à la société SEPE Kervellin, complété par la souscription d'un prêt auprès de l'un des établissements de crédit agréé, avec lesquels le groupe Alterric est déjà entré en relation (...). La société Internationale Beiteiligungs Gmbh (...) s'engage auprès de la SEPE Kervellin, à défaut d'obtention d'un accord de crédit bancaire, à financer en fonds propres l'intégralité des investissements nécessaires à la construction et à la mise en service industrielle du parc éolien (...) ". Par ailleurs, la lettre d'engagement mentionne que cet accord est conditionné par l'obtention de toutes autorisations administratives purgées de tout recours et à l'obtention de tous autres droits et accords nécessaires pour la construction et l'exploitation du projet ainsi que par la décision stratégique du groupe Alterric de construire le projet, compte tenu notamment de l'atteinte du taux de rendement moyen fixé par la direction. Les conditions ainsi énoncées ne permettent pas d'établir que les modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes, pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ne seraient pas pertinentes. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 181-27 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de porter à connaissance :

6. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / (...) 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ". L'article L. 181-14 dudit code dispose que : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. ".

7. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

8. En premier lieu, il résulte du dossier de porter à connaissance qu'une mise à jour de l'étude acoustique réalisée par un bureau d'études spécialisé (Echopsy) a été réalisée selon la même méthodologie que l'étude initiale et fait figurer, pour chaque modèle d'éolienne envisagé, les émergences sonores calculées en fonction de la vitesse du vent. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que cette étude méconnaitrait, s'agissant de la réalisation des mesures, les dispositions de l'arrêté du 26 août 2011 visé ci-dessus. En outre, les requérants font valoir que, comme pour l'étude initiale, les bruits résiduels mesurés en période diurne comme nocturne pour les villages de Kergolay, le Guevernin et Kerponer sont différents de ceux pris en considération ou estimés par le porteur de projet, que l'ensemble des hameaux n'a pas fait l'objet d'une étude acoustique, et que les résultats obtenus par extrapolation ne sont pas justifiés. Il résulte toutefois de l'instruction que la mise à jour de l'étude acoustique a pris en compte neuf points de mesure sur le territoire des communes d'Evellys, Réguiny et Moréac, choisis en fonction de leur exposition sonore vis-à-vis des éoliennes, des orientations de vent dominant et de la topographie de la végétation, ainsi que sept points de mesure complémentaires ayant donné lieu à des résultats obtenus par extrapolation, du fait notamment du refus d'habitants de certains hameaux d'accueillir les instruments d'étude et de mesure. Il ne résulte pas de l'instruction que les points de mesure seraient insuffisants et auraient été placés par le bureau d'études à des endroits de nature à surévaluer le bruit ambiant et donc à atténuer l'émergence sonore, les points de relevés ayant été répartis de manière à prendre en compte les habitations situées autour du projet, dans un environnement caractérisé par une urbanisation diffuse. Si les requérants soutiennent que les mesures réalisées par extrapolation ne sont pas représentatives, ils n'établissent pas la pertinence de leurs allégations. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude acoustique n'aurait pas été réalisée dans des conditions homogènes, les mesures ayant été traitées dans un laps de temps continu, par période de la journée, puis par directions et vitesses du vent.

9. En deuxième lieu, la circonstance que les modèles d'éoliennes autorisés par la décision contestée soient d'une puissance supérieure à celle de ceux autorisés initialement n'est pas, par elle-même, de nature à établir que les nuisances sonores induites par leur fonctionnement seraient nécessairement supérieures à celles induites par les modèles précédemment retenus et donc à démontrer l'incohérence de l'étude acoustique complémentaire.

10. En troisième lieu, la circonstance alléguée selon laquelle la valeur de la puissance acoustique ne serait pas justifiée par une note technique du fabricant est sans incidence alors qu'une mise à jour de l'étude acoustique a été réalisée et que son insuffisance n'est pas démontrée.

11. En quatrième lieu, si le dossier de porter à connaissance ne mentionne pas les heures auxquelles le bridage interviendra en période nocturne, toutefois, il résulte de l'instruction que le bridage sera mis en œuvre en fonction de la vitesse du vent afin de respecter les émergences sonores admissibles prévues par l'arrêté du 26 août 2011 visé ci-dessus, fixées en période nocturne à 3 dB.

12. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que le changement de modèle d'éolienne n'emporte pas de modification de l'emplacement ni des conditions d'enfouissement du câble raccordant l'éolienne E1 au poste de livraison. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le dossier de porter à connaissance ne mentionnerait pas la profondeur d'enfouissement de ce câble.

13. Par suite, le moyen tiré de ce que les informations portées à la connaissance de l'administration par la société d'exploitation du parc éolien Kervellin auraient présenté des insuffisances l'ayant empêchée d'évaluer les conséquences, inconvénients et dangers susceptibles de résulter des modifications envisagées doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 181-14 du code de l'environnement :

14. En vertu de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, cité au point 6, toute modification substantielle d'un projet qui relève de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, tandis qu'en dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente, qui peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire. Aux termes de l'article R. 181-46 du code de l'environnement : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. / II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. / S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18, R. 181-19, R. 181-21 à R. 181-32 et R. 181-33-1 que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires et, le cas échéant, à une consultation du public dans les conditions de l'article L. 123-19-2 ou, lorsqu'il est fait application du III de l'article L. 122-1-1, de l'article L. 123-19, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45.(...) ".

15. Il résulte de l'instruction que l'arrêté contesté autorise la modification du modèle d'éolienne projeté.

16. En premier lieu, la circonstance que les modèles d'éoliennes soient d'une puissance supérieure à ceux initialement autorisés n'est pas par elle-même de nature à établir que ces éoliennes présenteraient des dangers et inconvénients significatifs pour l'environnement notamment s'agissant des nuisances sonores.

17. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que le changement d'éoliennes conduirait à des nuisances sonores majorées, comme il a été dit au point 8, l'étude acoustique a permis d'identifier les risques, notamment s'agissant des émergences nocturnes, et en conséquence de proposer un plan de bridage afin de satisfaire aux dispositions de l'arrêté du 26 août 2011 précité. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'arrêté du 20 août 2020, autorisant l'exploitation du parc éolien Kervellin, a prescrit des mesures de réduction et de suivi acoustique qui ont été reprises dans l'arrêté contesté et dont il n'est pas établi qu'elles seraient insuffisantes compte tenu des modèles d'éoliennes désormais envisagés.

18. En troisième lieu, si les requérants invoquent les nuisances visuelles induites par le changement de modèles d'éoliennes, il résulte de l'instruction que ceux-ci sont d'un gabarit équivalent, voire moindre, tant en ce qui concerne leur hauteur en bout de pâle que le diamètre de leur rotor. Ainsi, alors que le modèle d'éolienne initialement envisagé dispose d'une hauteur en bout de pâle de 179,25 mètres et d'un diamètre du rotor de 138,25 mètres, les modèles autorisés par la décision contestée sont d'une hauteur comprise entre 179,37 et 180 mètres et d'un diamètre du rotor compris entre 131 et 138,25 mètres. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des notices techniques des éoliennes figurant en annexe III du dossier de porter à connaissance, que la hauteur en bout de pâle, de 180 mètres, ne serait pas mesurée à compter du terrain naturel.

19. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que la modification du poste de livraison conduira à une augmentation de son emprise au sol de 15 m² et que le choix du modèle d'éolienne Vestas V 136 génèrera une occupation de surface permanente supérieure de 109 m². Toutefois, le changement de modèle d'éolienne permet également de réduire la superficie du chemin à créer de 460 m² ainsi que celle du chemin temporaire de 464 m². Par ailleurs, il résulte du dossier de porter à connaissance que les incidences de ces modifications sur le sol et l'environnement naturel sont faibles dès lors que le projet reste localisé sur la même parcelle de culture, dans une zone d'habitats de faibles enjeux.

20. En cinquième lieu, comme il a été dit au point 12, il ne résulte pas de l'instruction que l'arrêté attaqué conduirait à la modification de l'emplacement et des conditions d'enfouissement du câble reliant les éoliennes au poste de livraison. Par ailleurs, les requérants n'établissent pas que le changement de modèles d'éoliennes conduirait à un risque nouveau s'agissant des troupeaux.

21. En sixième et dernier lieu, s'il résulte du dossier de porter à connaissance que le choix du type de fondation ne sera réalisé qu'après résultat des études géotechniques préparatoires au chantier, cette circonstance ne permet pas d'établir le risque de pollution de l'eau allégué par les requérants notamment à l'égard des utilisateurs de puits situés à 300 et 500 mètres de l'éolienne E1.

22. Par suite, les modifications apportées ne sont pas de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs au sens des dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement précité, de sorte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'illégalité en ce que les modifications devaient faire l'objet de la délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de prescriptions complémentaires :

23. Alors comme il a été dit au point 17 qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'autorisation contestée induirait des nuisances sonores dont il n'aurait pas été tenu compte lors de la délivrance de l'autorisation d'exploiter le 20 août 2020, qui a été assortie de prescriptions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû définir des prescriptions complémentaires à cet égard doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir ni l'exception de chose jugée opposées en défense, que M. L... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. L... et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants une somme globale de 1 500 euros à verser à la société d'exploitation du parc éolien Kervellin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. L... et autres est rejetée.

Article 2 : M. L... et autres verseront ensemble à la société d'exploitation du parc éolien Kervellin une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. L... désigné représentant unique des requérants en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société d'exploitation du parc éolien Kervellin.

Copie en sera adressée au préfet du Morbihan

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23NT00751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00751
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : ELFASSI PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;23nt00751 ?
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