Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Lovima 3 a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision par laquelle la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération a implicitement rejeté sa demande tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Quay-Portrieux (Côtes-d'Armor) en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section OD nos 0005, 0007, 0225, 0470 et 0471 en secteur Nl ou, à titre subsidiaire, seulement en tant que cette décision concerne la parcelle cadastrée section OD n°007.
Par un jugement n° 2200591 du 13 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mai et 22 décembre 2023, la SCI Lovima 3, représentée par Me Guillois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 mars 2023 ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération a implicitement rejeté sa demande tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Quay-Portrieux en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section OD nos 0005, 0007, 0225 et 0471 en secteur Nl ou, à titre subsidiaire, seulement en tant que cette décision concerne la parcelle cadastrée section OD n°007 ;
3°) d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération d'inscrire à l'ordre du jour du conseil d'agglomération la question de l'abrogation et de la révision de ce plan local d'urbanisme dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SCI Lovima 3 soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste dans la délimitation de l'espace remarquable ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré de ce que les parcelles ne sont pas intégrées au sein d'un espace remarquable ;
- le classement de la parcelle en zone Nl est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les parcelles ne sont pas situées au sein d'un espace remarquable ; elles sont intégrées dans un espace urbanisé et artificialisé ;
- la parcelle cadastrée section OD n° 007 ne peut être classée en zone Nl compte tenu de sa situation et de ses caractéristiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération représentée par Me Le Derf-Daniel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI Lovima 3 une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI Lovima 3 ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- et les observations de Me Guillois, représentant la SCI Lovima 3 et celles de Me Hipeau, substituant Me Le Derf-Daniel, représentant la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération.
Une note en délibéré présentée pour la SCI Lovima 3 a été enregistrée le 13 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 novembre 2021, la SCI Lovima 3 a demandé à la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération d'abroger le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Quay-Portrieux (Côtes-d'Armor) en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section OD nos 0005, 0007, 0225 et 0471 en secteur Nl, correspondant aux espaces naturels remarquables du littoral, et d'inscrire à l'ordre du jour du conseil d'agglomération la question de son abrogation et de sa révision pour les classer en zone UD. Cette demande a été implicitement rejetée par le président de la communauté d'agglomération. La SCI Lovima 3 a alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement du 13 mars 2023 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. D'une part, il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a expressément répondu au moyen soulevé en première instance par la SCI Lovima 3 tiré de l'erreur manifeste dans le classement des parcelles en zone Nl, correspondant aux espaces naturels remarquables du littoral, du plan local d'urbanisme (PLU). En particulier, le tribunal administratif a estimé que le classement des parcelles cadastrées section OD nos 0005, 0007, 0225 et 0471 en zone Nl n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les parcelles en cause appartiennent à l'espace naturel remarquable de la pointe du Sémaphore. D'autre part, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a écarté ce moyen par des motifs suffisamment précis, en droit et en fait. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal n'aurait pas répondu à un moyen qui n'était pas inopérant, ni que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé. Ces moyens doivent donc être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, l'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive 79/409 CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. ". Aux termes de l'article R. 121-4 du code de l'urbanisme : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : 1° Les dunes, les landes côtières, les plages et les lidos, les estrans, les falaises et les abords de celles-ci ; (...) ".
7. Pour apprécier si les parcelles en cause présentent le caractère de site ou paysage remarquable à protéger au sens des dispositions précitées, l'autorité compétente ne peut se fonder sur leur seule continuité avec un espace présentant un tel caractère, sans rechercher si elles constituent avec cet espace une unité paysagère justifiant dans son ensemble cette qualification de site ou paysage remarquable à préserver.
8. Le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays de Saint Brieuc indique qu'il entend préserver la qualité écologique des sites protégés et que les documents d'urbanisme locaux assureront la protection des espaces remarquables et caractéristiques de leurs territoires. Par ailleurs le document d'orientation et d'objectif (DOO) du SCOT prévoit qu'il appartient aux documents d'urbanisme locaux de délimiter les espaces remarquables et de les protéger.
9. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation, que les auteurs du plan local d'urbanisme (PLU) de Saint-Quay-Portrieux ont relevé, s'agissant de la zone littorale naturelle que : " Vallonné, alternant falaises, éboulis, grèves de galets (ou de sable), le paysage de la bande côtière de Saint-Quay-Portrieux participe à l'identité de la commune. (...) Les zones littorales proprement naturelles sont résiduelles dans la commune du fait de l'urbanisation forte, mais présentent une qualité paysagère préservée. La bande littorale de la grève de Fonteny jusqu'à la pointe de l'Isnain, puis de la piscine jusqu'aux ports en passant par la pointe du Sémaphore, présente un certain caractère naturel, malgré les enrochements qui tendent à artificialiser la côte. Le paysage contrasté est ici dominé par le bâtiment très lisible du sémaphore et l'îlot de la Comtesse mêlant végétation marine et ruines. ". Dans ce contexte, ils ont souhaité que soient classés en zone Nl, définie par le PLU comme une zone correspondant aux espaces remarquables du littoral définis par les dispositions de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, les " espaces remarquables au titre de la loi Littoral, bordure côtière non bâtie à l'exception de la place du Casino, jusqu'au port, pointe du Romeur et Vallon des Fontaines, île de la Comtesse et estran (...) ". Les parcelles de la SCI Lovima 3 cadastrées section OD nos 0005, 0007, 0225 et 0471 ont été classées en zone Nl du PLU.
10. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section OD nos 0005, 0007, 0225 et 0471, appartenant à la société requérante, sont situées sur la pointe du Sémaphore, à proximité immédiate de ce dernier, aux abords des falaises bordant le littoral maritime, et s'ouvrent directement sur la mer. Par ailleurs, ces parcelles arborées, bien qu'ayant fait l'objet de plantations et d'un entretien, ne supportent que des aménagements de très faible importance tels que des escaliers et un abri de jardin, et présentent ainsi principalement un caractère naturel. Ces parcelles se rattachent au paysage de la pointe du Sémaphore, qui présente selon le rapport de présentation " de plus grandes parcelles et des talus végétalisés qui masquent les maisons et lui confèrent un aspect naturel et moins urbain ". Elles doivent donc être regardées comme constituant avec l'ensemble de la pointe du Sémaphore une unité paysagère justifiant dans son ensemble cette qualification de site ou paysage remarquable du patrimoine naturel et culturel du littoral. Par ailleurs, la circonstance que des permis de construire aient été accordés à proximité des parcelles en cause est sans incidence sur la légalité du classement contesté. Enfin, si l'extrémité est de la parcelle cadastrée section OD n° 007 est située entre deux parcelles bâties, toutefois, comme il a été dit, cette parcelle non bâtie, s'ouvre directement sur la mer, et s'inscrit dans le prolongement de falaises maritimes. Dans ces conditions, compte tenu des partis d'aménagement retenus et de la localisation des parcelles de la société Lovima 3, en classant en zone Nl du PLU ces parcelles, alors même qu'elles jouxtent un espace urbanisé classé en zone UD du règlement du PLU, les auteurs du PLU n'ont pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 6.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Lovima 3 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la SCI Lovima 3, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SCI Lovima 3 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI Lovima 3 une somme de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Lovima 3 est rejetée.
Article 2 : La SCI Lovima 3 versera à la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Lovima 3 et à la communauté d'agglomération Saint-Brieuc-Armor-Agglomération.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01431