Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 avril 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 27 janvier 2021 de l'autorité consulaire française à Annaba (Algérie) refusant de lui délivrer un visa dit " de retour " en France.
Par un jugement n° 2109307 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juin 2023, Mme C... A... épouse B..., représentée par Me Danet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 29 avril 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Danet, son avocate, de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision du préfet de la Seine-Maritime portant classement sans suite de sa demande de carte de séjour ;
- elle a été prise en violation de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B..., ressortissante algérienne, tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de lui délivrer un visa dit " de retour " en France. Mme B... relève appel de ce jugement.
2. La décision de la commission de recours contestée est fondée sur un double motif tiré de ce que Mme B..., dont le récépissé de carte de séjour a expiré le 27 mai 2019, ne disposait pas d'un droit au séjour et de ce que l'intéressée est séparée de son conjoint et a entamé une procédure de divorce.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; (...) ". Aux termes de l'article L. 212-1 du même code, alors en vigueur : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 211-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour ou du document de circulation délivré aux mineurs en application de l'article L. 321-4 sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage". Aux termes de l'article L. 213-1 de ce code, alors en vigueur : " L'accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l'ordre public (...). ". En vertu de l'article L. 213-2 de ce code, alors en vigueur : " Tout refus d'entrée en France fait l'objet d'une décision écrite motivée prise, sauf en cas de demande d'asile, par un agent relevant d'une catégorie fixée par voie réglementaire. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que la détention d'un titre de séjour par un étranger permet son retour pendant toute la période de validité de ce titre sans qu'il ait à solliciter un visa d'entrée sur le territoire français. En ce cas, les autorités consulaires ne disposent pas du pouvoir de refuser, quel que soit le motif invoqué pour justifier leur décision, l'octroi d'un visa d'entrée en France à l'étranger. Il appartient seulement à l'autorité compétente visée par les dispositions de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et selon la procédure décrite à l'article L. 332-2 du même code, de s'opposer à son entrée en France si l'étranger présente une menace pour l'ordre public.
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 211-2-2 du même code, alors en vigueur : " Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu des articles L. 313-11 ou L. 431-2 dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour. ". Ce visa de retour présente le caractère d'une information destinée à faciliter les formalités à la frontière.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., ressortissante algérienne née en 1985, a épousé le 4 décembre 2007 M. B..., de nationalité française. L'acte de mariage a été transcrit dans les registres de l'état civil français le 14 mai 2018 et Mme B... a obtenu un visa de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français, puis est arrivée en France le
8 août 2018. Le 28 février 2019, Mme B... a obtenu un récépissé de première demande de carte de séjour dont la validité a expiré le 27 mai 2019. L'intéressée est toutefois retournée en Algérie le 10 avril 2019 et, le 25 juin 2019, elle a demandé un visa dit " de retour " en France qui lui a été refusé. Le 20 janvier 2021, l'intéressée demande à nouveau un visa dit " de retour " en France que les autorités consulaires françaises à Annaba refusent de lui délivrer. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision de la commission de recours du 29 avril 2021, la validité du récépissé de demande de carte de séjour était expirée, de sorte que Mme B... n'était titulaire d'aucun droit au séjour et ne pouvait, par suite, obtenir de plein droit un visa dit " de retour " en France.
7. En deuxième lieu, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas pour objet de refuser la délivrance d'une carte de séjour en application des anciennes dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoyait qu'en cas de violences commises par le conjoint après l'arrivée en France de l'autre conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, ce dernier se voyait délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sauf si sa présence constituait une menace pour l'ordre public. Le moyen ne peut dès lors qu'être écarté comme inopérant.
8. En troisième lieu, la requérante ne peut utilement invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de la décision du préfet de la Seine-Maritime portant classement sans suite de sa demande de carte de séjour, dès lors que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée ne constitue pas une mesure d'application de la décision préfectorale, qui ne constitue pas sa base légale. Le moyen doit dès lors être écarté.
9. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, Mme B... est séparée de son époux et en instance de divorce. De plus, si Mme B... souffre de troubles psychiatriques qu'elle attribue aux violences commises à son égard par son ancien époux, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ne pourrait pas recevoir de soins en Algérie. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01710