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28/01/2025 | FRANCE | N°24NT02052

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 28 janvier 2025, 24NT02052


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 octobre 2023 de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 230839

7 du 13 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au min...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 octobre 2023 de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 2308397 du 13 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 mai 2024 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- le motif tiré de ce que Mme B... a formé une précédente demande de visa sous une autre identité constitue un motif d'ordre public de nature à fonder légalement la décision contestée ;

- le motif tiré du défaut d'intention matrimoniale et de caractère suivi de la relation est également de nature à fonder légalement la décision contestée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2024, Mme A... B..., représentée par Me Kombe, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- et les observations de Me Kombe, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise née le 4 novembre 1990, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français auprès de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo, qui a rejeté cette demande par une décision du 28 octobre 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par cette commission pendant plus deux mois. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 13 mai 2024 de ce tribunal annulant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui enjoignant de délivrer le visa de long séjour sollicité. Par un arrêt n° 24NT02053 du 11 septembre 2024, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises en République démocratique du Congo, sur la circonstance que les documents d'état civil produits pour justifier de l'identité de Mme B... lors des formalités relatives au mariage comportent des éléments permettant de conclure qu'ils ne sont pas authentiques.

3. Le tribunal administratif de Nantes, pour annuler la décision contestée, a censuré le motif énoncé au point précédent. Toutefois, pour établir que la décision contestée était légale, le ministre, qui ne conteste pas la censure de ce motif, fait valoir que deux nouveaux motifs, fondés sur la circonstance que Mme B... a formé une précédente demande de visa sous une autre identité et sur le défaut d'intention matrimoniale et de caractère suivi de la relation, sont de nature à fonder légalement la décision contestée.

4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ".

6. En premier lieu, le ministre fait valoir que Mme B... a déposé une précédente demande de visa en 2018 sous une autre identité, ce que ne conteste pas l'intéressée. Elle indique à cet égard qu'elle nourrissait alors des craintes pour sa sécurité dans un contexte de fuite en Angola à raison de sa participation à des manifestations de contestation du régime politique congolais. Le ministre ne fait par ailleurs valoir aucun élément quant à l'absence d'authenticité ou à la valeur probante des actes d'état civil produits par Mme B... au soutien de la demande de visa ayant fait l'objet du refus contesté. Cette seule circonstance n'est ainsi de nature ni à caractériser une fraude entachant la demande de visa formée en qualité de conjointe d'un ressortissant français ni une menace à l'ordre public, propre à justifier que lui soit refusée la délivrance d'un visa de long séjour. Par suite, la substitution de motifs demandée par le ministre ne peut être accueillie.

7. En second lieu, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, de l'établir, la seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée n'y faisant pas obstacle.

8. Si le ministre fait valoir l'absence d'intention matrimoniale de Mme B... ainsi que l'absence de suivi dans la relation avec son époux, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir ses allégations. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère frauduleux du mariage de Mme B..., et la substitution de motifs demandée par le ministre ne peut être accueillie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France sur le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires de France République démocratique du Congo du 28 octobre 2022 et lui a enjoint de délivrer le visa de long séjour sollicité.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président de

la formation de jugement,

C. RIVASLa présidente,

C. BUFFETLe greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02052
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : KOMBE DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;24nt02052 ?
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