Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SASU Centrale Solaire de Kertanguy a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et des droits de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2019 et 2020 dans les rôles de la commune de Lannion où est située la parcelle sur laquelle elle exploite une centrale solaire.
Par un jugement n° 2104010 du 21 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la réduction des cotisations de la taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre des années 2019 et 2020 à concurrence des sommes respectives de 14 646 euros et de 19 703 euros et sur celles relatives à la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2020 à concurrence de la somme de 14 965 euros et décidé que la valeur locative du terrain d'assise de la centrale solaire exploitée par la SASU Centrale solaire de Kertanguy dans la commune de Lannion sera déterminée, au titre des années 2019 et 2020, suivant la méthode fixée au III de l'article 1498 du code général des impôts et que les droits de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises restant à la charge de la SASU Centrale solaire de Kertanguy au titre des années 2019 et 2020 doivent être réduits dans cette mesure.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juin et 4 novembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SASU Centrale solaire de Kertanguy devant le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient que :
- le terrain en litige peut être imposé en application des dispositions du 6° de l'article 1381 du code général des impôts, ce terrain étant recouvert de panneaux photovoltaïques exonérés en application du 11° de l'article 1382 du même code ;
- compte tenu de son caractère industriel, de sa surface et du montant élevé des immobilisations, le terrain présente des caractéristiques exceptionnelles ; il relève de la catégorie 1 " locaux ne relevant d'aucune des catégories précédentes par leurs caractéristiques sortant de l'ordinaire " du sous-groupe X " établissements présentant des caractéristiques exceptionnelles " au sens du III de l'article 1498 du code général des impôts et de l'article 310 Q de l'annexe II au code.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 septembre et 28 novembre 2024, la SASU Centrale solaire de Kertanguy, représentée par Me Toxé, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,
- et les observations de Me Toxé, représentant la SASU Centrale Solaire de Kertanguy.
Considérant ce qui suit :
1. La SASU Centrale Solaire de Kertanguy a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et des droits de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2019 et 2020 dans les rôles de la commune de Lannion où est située la parcelle sur laquelle elle exploite sa centrale solaire. Le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement du 21 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la réduction des cotisations de la taxe foncière sur les propriétés bâties mises à la charge la SASU Centrale solaire de Kertanguy au titre des années 2019 et 2020 à concurrence des sommes respectives de 14 646 euros et de 19 703 euros et sur celles relatives à la cotisation foncière des entreprises mise également à sa charge au titre de l'année 2020 à concurrence de la somme de 14 965 euros, a décidé que la valeur locative du terrain d'assise de la centrale solaire exploitée par la SASU Centrale solaire de Kertanguy sur le territoire de la commune de Lannion sera déterminée, au titre des années 2019 et 2020, suivant la méthode fixée au III de l'article 1498 du code général des impôts et que les droits de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises restant à la charge de la SASU Centrale solaire de Kertanguy au titre des années 2019 et 2020 doivent être réduits dans cette mesure.
Sur la compétence de la cour :
2. Il résulte des dispositions du 5° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et de l'article R. 811-1 du même code que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.
3. En l'espèce, dès lors qu'il n'a pas été statué, par le jugement attaqué, sur les conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises des années 2021 et 2022 dont la période de référence est les années 2019 et 2020, le tribunal administratif a statué en premier et dernier ressort sur les conclusions de la société requérante relatives aux cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre des années 2019 et 2020. La cour n'est donc pas compétente pour statuer sur les conclusions du ministre tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a déchargé la SASU Centrale solaire de Kertanguy des rappels de ces cotisations de taxe foncière restant en litige après le prononcé d'un dégrèvement partiel. Dès lors, il y a lieu de renvoyer ces conclusions au Conseil d'Etat.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises :
4. Le ministre soutient que la parcelle concernée, d'une superficie de 18 046 m², sur laquelle ont été installés des panneaux solaires, ne doit pas être considérée comme présentant des caractéristiques exceptionnelles sortant de l'ordinaire mais doit être imposée selon la méthode tarifaire prévue pour les locaux professionnels de la catégorie 1 " établissements industriels nécessitant un outillage important autres que les carrières et assimilés " du sous-groupe IX " carrières et établissements industriels non évalués selon la méthode comptable " mentionnée à l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts.
5. D'une part, aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. ". Aux termes de l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 5° A l'exception de ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 1393, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ; ". Ces dernières dispositions ont pour objet d'assujettir à la taxe foncière sur les propriétés bâties les terrains non cultivés productifs de revenus spécifiques à raison de leur usage commercial ou industriel. Sont regardés comme non cultivés au sens et pour l'application de ces dispositions les terrains dont la culture constitue une activité accessoire. Sont employés à un usage industriel, au sens et pour l'application de ces mêmes dispositions, les terrains sur lesquels est réalisée une activité nécessitant d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
6. D'autre part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) ". Aux termes de l'article 1500 du code général des impôts : " (...) / II.- Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / 2° Selon les règles prévues à l'article 1499, lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan d'une entreprise qui a pour principale activité la location de ces biens industriels ; / 3° Selon les règles fixées à l'article 1498, lorsque les conditions prévues aux 1° et 2° du présent article ne sont pas satisfaites ou lorsque les dispositions de l'article 1499-00 A sont applicables. ". Aux termes de l'article 1498 du même code : " I. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article. / Les propriétés mentionnées au premier alinéa sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, elles sont classées par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance. Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. / II. - A. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie mentionnée au I est déterminée en fonction de l'état du marché locatif à la date de référence du 1er janvier 2013, sous réserve de la mise à jour prévue au III de l'article 1518 ter. / Elle est obtenue par application d'un tarif par mètre carré déterminé conformément au 2 du B du présent II à la surface pondérée du local définie au C du présent II. / B. - 1. Il est constitué, dans chaque département, un ou plusieurs secteurs d'évaluation qui regroupent les communes ou sections cadastrales de communes qui, dans le département, présentent un marché locatif homogène. (...) / A défaut, lorsque les loyers sont en nombre insuffisant ou ne peuvent être retenus, ces tarifs sont déterminés par comparaison avec les tarifs fixés pour les autres catégories de locaux du même sous-groupe du même secteur d'évaluation. / A défaut d'éléments suffisants ou pouvant être retenus au sein du même secteur d'évaluation, ces tarifs sont déterminés par comparaison avec ceux qui sont appliqués pour des propriétés de la même catégorie ou, à défaut, du même sous-groupe dans des secteurs d'évaluation présentant des niveaux de loyers similaires, dans le département ou dans un autre département. (...) / (...) / III. - A. - La valeur locative des propriétés ou des fractions de propriété qui présentent des caractéristiques exceptionnelles est déterminée en appliquant un taux de 8 % à la valeur vénale de la propriété ou fraction de propriété, telle qu'elle serait constatée si elle était libre de toute location ou occupation à la date de référence définie au B du présent III. (...) ". Aux termes de l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts : " Pour l'application du second alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts, les propriétés bâties mentionnées au premier alinéa de ce même I sont classées selon les sous-groupes et catégories suivants : / (...) / Sous-groupe III : lieux de dépôt ou de stockage et parcs de stationnement : / Catégorie 1 : lieux de dépôt à ciel ouvert et terrains à usage commercial ou industriel. / (...) / Sous-groupe IX : carrières et établissements industriels non évalués selon la méthode comptable : / Catégorie 1 : établissements industriels nécessitant un outillage important autres que les carrières et assimilés. (...) / Sous-groupe X : établissements présentant des caractéristiques exceptionnelles : / Catégorie 1 : locaux ne relevant d'aucune des catégories précédentes par leurs caractéristiques sortant de l'ordinaire. ".
7. Il résulte de l'instruction que le terrain litigieux ne figure ni à l'actif du bilan du propriétaire, ni à l'actif de l'exploitant, et doit par suite, en application des dispositions de l'article 1500 du code général des impôts rappelé ci-dessus, être évalué selon les règles fixées à l'article 1498 du code général des impôts.
8. Présentent des caractéristiques exceptionnelles, au sens du III de l'article 1498 du code général des impôts et du " sous-groupe X " de l'article 310 Q de l'annexe II à ce code, les bâtiments et terrains sortant de l'ordinaire, lesquels n'ont, ainsi, pas vocation à être classés dans les sous-groupes I à IX mentionnés à ce dernier article. Doivent être regardés comme sortant de l'ordinaire les bâtiments et terrains qui, compte tenu de leur nature et de leur destination spécifiques, soit ne peuvent être rattachés à aucune des catégories comprises dans les sous-groupes numérotés de I à IX mentionnés à l'article 310 Q, soit répondent aux critères justifiant leur classement dans l'une de ces catégories tout en différant singulièrement de la généralité des autres propriétés bâties ou fractions de propriétés bâties susceptibles de relever de celle-ci.
9. Il résulte de l'instruction qu'eu égard au fait que l'intégralité de sa surface étendue, soit 18 046 m2, est recouverte par des panneaux photovoltaïques, comme le démontre la photographie versée par le ministre, et à la présence des moyens techniques particuliers comme les transformateurs, les câbles de raccordement et un poste de construction, la parcelle cadastrée N 1151 ne peut être rattachée à aucune des catégories comprises dans les sous-groupes numérotés de I à IX mentionnés à l'article 310 Q compte tenu de sa nature et de sa destination spécifique mais relève, contrairement à ce que l'administration a considéré, de la catégorie 1 " locaux ne relevant d'aucune des catégories précédentes par leurs caractéristiques sortant de l'ordinaire " du sous-groupe X " établissements présentant des caractéristiques exceptionnelles " au sens des dispositions du III de l'article 1498 du code général des impôts et de l'article 310 Q de l'annexe II au code. Il s'ensuit que la valeur locative de ce terrain devait être déterminée, au titre des années 2019 et 2020, suivant la méthode fixée au III de l'article 1498 du code général des impôts, à savoir en appliquant un taux de 8 % à la valeur vénale de ce terrain, et non, comme l'a fait le service, par application du tarif propre à la catégorie 1 du sous-groupe IX, dans le secteur d'évaluation de Lannion.
10. Par ailleurs, le ministre soutient que le terrain en litige peut être imposé selon l'article 1381 du code général des impôts qui prévoit que " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) 6° les terrains sur lesquels sont édifiées des installations exonérées en application du 11° de l'article 1382 ", le terrain en litige étant recouvert de panneaux photovoltaïques exonérés en application du 11° de l'article 1382 du même code. Toutefois, le moyen est inopérant dès lors que le litige a pour objet la détermination de la catégorie de la parcelle sur laquelle sont installés les panneaux photovoltaïques et non le principe même de l'assujettissement de cette parcelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises, qui au demeurant n'est pas contesté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a décidé que les droits de cotisation foncière des entreprises restant à la charge de la SASU Centrale solaire de Kertanguy au titre des années 2019 et 2020 devaient être réduits à concurrence de la différence entre la valeur locative du terrain d'assise de la centrale solaire exploitée par cette société telle qu'elle a été déterminée par l'administration et cette valeur locative telle qu'elle aurait dû être déterminée suivant la méthode fixée au III de l'article 1498 du code général des impôts.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SASU Centrale solaire de Kertanguy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les conclusions du ministre de l'économie et des finances tendant à l'annulation du jugement n° 2104010 du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2024 en tant qu'il a déchargé la SASU Centrale solaire de Kertanguy des rappels de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2019 et 2020, sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'économie et des finances est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à la SASU Centrale solaire de Kertanguy une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Centrale solaire de Kertanguy et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président
G. QUILLÉVÉRÉLa greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01775