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11/02/2025 | FRANCE | N°23NT02214

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 11 février 2025, 23NT02214


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... C..., M. et Mme A... et B... D... et F... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2020 par lequel la maire de Rennes (Ille-et-Vilaine) a délivré à la SARL LH un permis de construire pour la réalisation d'un hôtel aux numéros 3-5-7-9 du boulevard de la Liberté et aux numéros 5-7 de la rue Descartes, ainsi que la décision du 3 février 2021 de la maire de Rennes rejetant leur recours gracieux.



Par un jugem

ent n° 2101751 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C..., M. et Mme A... et B... D... et F... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2020 par lequel la maire de Rennes (Ille-et-Vilaine) a délivré à la SARL LH un permis de construire pour la réalisation d'un hôtel aux numéros 3-5-7-9 du boulevard de la Liberté et aux numéros 5-7 de la rue Descartes, ainsi que la décision du 3 février 2021 de la maire de Rennes rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2101751 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juillet et 15 décembre 2023, M. et Mme A... et B... D... et F..., représentés par Me Collet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2020 par lequel la maire de Rennes a délivré à la SARL LH un permis de construire pour la réalisation d'un hôtel aux numéros 3-5-7-9 du boulevard de la Liberté et aux numéros 5-7 de la rue Descartes, ainsi que la décision du 3 février 2021 de la maire de Rennes rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rennes le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est recevable ; ils ont intérêt à agir ; la requête a été notifiée dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a mis à la charge des ayants droits de M. C... une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- la demande de permis de construire est insuffisante dès lors que le plan de masse ne fait pas apparaître les constructions à édifier ou à modifier côté dans les trois dimensions et qu'il n'est pas possible de visualiser les caractéristiques de la cour réalisée ; les plans et la notice paysagère ne permettent pas de vérifier si les murs existants donnant sur la cour intérieure seront sauvegardés ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme s'agissant de la teinte des enduits ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article 2 du règlement applicable à toutes les zones et les dispositions graphiques du plan local d'urbanisme intercommunal ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article 4 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal applicable à toutes les zones dès lors qu'il ne prend pas en compte les caractéristiques patrimoniales des bâtiments ayant un intérêt patrimonial situés à proximité ; il n'a pas été recherché le raccordement avec les bâtiments voisins ; le traitement des rez-de-chaussée ne permet pas de créer des vues avec les espaces libres du fond de la parcelle ou le cœur d'îlot ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le projet contesté méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; le permis n'a pas tenu compte des réserves et prescriptions émises par la commission de sécurité et par les services santé publique et voirie ; la rue Descartes n'est pas dimensionnée ni adaptée pour recevoir le flux de circulation induit par le projet ; le projet s'inscrit dans un espace urbain dense et porte atteinte à la sécurité du voisinage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2023, la commune de Rennes représentée par Me Donias, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour fasse application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 octobre 2023 et 20 février 2024, la SARL LH, représentée par Me Ramaut, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par courrier du 15 janvier 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. et Mme D... et autre tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il met à la charge des héritiers de M. C... une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'ils n'ont pas intérêt à contester cette partie du dispositif qui ne leur fait pas grief.

Les parties ont été invitées par un courrier du 16 janvier 2025, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, à présenter leurs observations dès lors que la cour est susceptible de surseoir à statuer, pendant un délai de six mois, pour permettre la régularisation des vices tirés d'une part, de la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du règlement applicable à toutes les zones et des dispositions graphiques du PLUi, s'agissant de la hauteur du bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté et, d'autre part, s'agissant de l'ensemble des constructions projetées, de l'article 4 du règlement du PLUi applicable à toutes les zones en ce qui concerne la prise en compte des caractéristiques patrimoniales des bâtiments situés à proximité et du raccordement avec ces constructions ainsi que de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 17 janvier 2025, la société LH, a produit des observations en réponse à la lettre du 16 janvier 2025 de la cour adressée aux parties sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Le Guen, substituant Me Collet, représentant M. et Mme D... et autre, celles de Me Laville Collomb, substituant Me Donias, représentant la commune de Rennes et celles de Me Chenede, substituant Me Ramaut, représentant la SARL LH.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 octobre 2020, la maire de Rennes (Ille-et-Vilaine) a délivré à la SARL LH un permis de construire un hôtel et un restaurant dans l'îlot urbain situé entre le boulevard de la Liberté et la rue Descartes, aux numéros 3-5-7-9 du boulevard de la Liberté et 5-7 de la rue Descartes. Un recours gracieux, présenté le 22 décembre 2020 par M. C..., M. et Mme D... et F..., a été rejeté par une décision du 3 février 2021. M. C..., M. et Mme D... et F... ont alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces décisions. M. et Mme D... ainsi que F... relèvent appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il met à la charge des héritiers de M. C... une somme au titre des frais d'instance :

2. Le jugement attaqué a mis à la charge des héritiers de M. C..., décédé en cours d'instance, une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Toutefois, M. et Mme D... et F... n'ont pas intérêt à faire appel de cette partie du jugement attaqué qui ne leur fait pas grief. Par suite, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'intérêt à agir des requérants :

3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...). ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. M. et Mme D... ainsi que F... justifient être propriétaires de biens immobiliers au sein d'un bâtiment, situé au 11 boulevard de la Liberté à Rennes, qui jouxte l'opération projetée. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que les requérants disposeront d'une vue directe sur l'opération projetée, qui consiste en la création d'un complexe hôtelier de soixante-dix-huit chambres ainsi que d'un restaurant. En outre, les requérants indiquent que ce projet est de nature à générer un accroissement du flux de circulation. Dans ces conditions, les requérants, qui sont les voisins immédiats du projet, font valoir des éléments susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens et justifient ainsi d'un intérêt leur donnant qualité pour contester le permis de construire litigieux.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'insuffisance de la demande de permis de construire :

6. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 (...). Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ".

7. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé (...) ".

9. D'une part, il ressort du formulaire Cerfa et de la notice architecturale, joints à la demande de permis de construire, que l'opération projetée conduit à la démolition totale des bâtiments situés aux 3, 5, 9 boulevard de la Liberté et 5 et 7 de la rue Descartes tandis que, s'agissant de l'immeuble situé au 7 boulevard de la Liberté, seule sa façade sera conservée, les pignons et la façade arrière étant ensuite reconstruits à l'identique. D'autre part, ces travaux ont fait l'objet d'une demande de permis de démolir déposée le même jour que le permis de construire contesté et il ressort de l'arrêté de la maire de Rennes du 21 octobre 2020 en litige que le permis de démolir a été accordé le 12 août 2020. Dans ces conditions, l'appréciation de l'autorité administrative n'a pas été faussée s'agissant des constructions supprimées, notamment des murs donnant sur la cour intérieure, et le moyen doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, le plan de masse de l'opération projetée est côté en trois dimensions et permet ainsi d'apprécier les dimensions de la cour intérieure. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme :

12. D'une part, aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. (...) II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (...) ". Aux termes de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, l'autorité compétente recueille l'accord ou, pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine, l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. ". Aux termes de l'article L. 632-2 du code du patrimoine : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que si, lorsqu'un avis négatif a été émis sur une demande de permis de construire par l'architecte des Bâtiments de France, cet avis s'impose au maire, sauf à saisir le préfet de région, le maire conserve, en cas d'avis favorable, la possibilité d'apprécier plus généralement si les travaux envisagés sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales et, le cas échéant, de refuser le permis sollicité ou de l'assortir de prescriptions spéciales.

14. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " (...) Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites. "

15. Il est constant que le terrain de l'opération projetée est situé aux abords de plusieurs monuments historiques et fait ainsi l'objet d'une protection au titre des abords. Il ressort des pièces du dossier que l'architecte des bâtiments de France (ABF) a donné son accord au projet en cause assorti de la prescription selon laquelle " les enduits seront de finition talochée ou lissée. Des échantillons de teinte d'enduit réalisés in situ, seront soumis à l'avis de l'ABF pour validation ou ajustement éventuel avant réalisation des travaux. " ; cette prescription a été reprise par l'arrêté contesté. En vertu des dispositions précitées de l'article L. 632-2 du code du patrimoine, et comme le mentionne l'arrêté en litige, la maire de Rennes était en situation de compétence liée par rapport aux prescriptions émises par l'ABF, de sorte que le moyen tiré de ce que la maire se serait abstenue de prendre parti en toute connaissance de cause sur un projet défini ne peut qu'être écarté comme inopérant. Enfin, si la prescription litigieuse mentionne que des échantillons de teinte d'enduit seront soumis à l'ABF pour validation ou ajustement éventuel avant réalisation des travaux, une telle prescription qui porte sur des points précis et limités, n'est pas entachée d'illégalité.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) applicable à toutes les zones et du règlement graphique :

16. Aux termes de l'article 2 du règlement du PLUi applicable à toutes les zones : " (...) Pour les zones U et AU, la hauteur maximale des constructions est portée au règlement graphique (...) Lorsque la hauteur est fixée en nombre de niveaux, les niveaux s'expriment comme suit : (...) R = le rez-de-chaussée, (...) S = le sommet composé selon les cas d'attique, combles ou étages partiels (...) ". Il résulte du règlement graphique des hauteurs, annexé au plan local d'urbanisme intercommunal que le projet est implanté dans une zone où la hauteur maximale est de R+ 5 + A/C/P. Par ailleurs, aux termes des définitions du règlement du PLUi : " (...) l'étage partiel s'implante sur une surface maximum de 70% de l'emprise de l'étage directement inférieur. / Un alignement avec l'étage directement inférieur est autorisé sur 50% maximum (continu ou discontinu) d'un linéaire cumulé de toutes les façades de la construction. " et " les façades d'un bâtiment ou d'une construction correspondent à l'ensemble de ses parois extérieures hors toiture. Elles intègrent tous les volumes structurels, tels que les baies, les bardages, les ouvertures, l'isolations extérieure et les éléments de modénature ".

17. Il résulte des dispositions précitées que la qualité d'étage partiel s'apprécie par rapport à l'étage directement inférieur situé au sein du même bâtiment et non à l'échelle de l'ensemble de l'opération projetée, qui comporte en l'espèce plusieurs bâtiments de hauteurs différentes. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans PC 5.2 " Elévation " ainsi que PC 39.1 " Plan de R+ 5 " et " Plan de R+ 6 " que le bâtiment projeté situé au 9 boulevard de la Liberté comporte six étages au-dessus du rez-de-chaussée et que l'emprise du dernier étage est d'une surface supérieure à 70% de l'emprise de l'étage directement inférieur. La circonstance que la surface de plancher créée soit inférieure à celle de l'étage directement inférieur est à cet égard sans incidence. En outre, il ressort également de ces plans, que les façades de ce bâtiment donnant sur la voie publique, qui intègrent les volumes structurels et les éléments de modénature, comportent des piliers supportant la dalle et la toiture de cet étage et s'inscrivent à l'alignement des trois étages inférieurs. Enfin, s'agissant des autres façades de cet étage, celles-ci ne présentent pas un retrait par rapport à l'étage directement inférieur. Par suite, il ressort des pièces du dossier que les façades de ce dernier étage sont alignées avec l'étage directement inférieur sur plus de 50 % du linéaire cumulé des façades de ce bâtiment. Le sixième et dernier étage du bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté ne peut donc être regardé comme un étage partiel, de sorte que l'arrêté contesté méconnait les dispositions citées au point 16 régissant la hauteur de ce bâtiment.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article 4 du règlement du PLUi applicable à toutes les zones :

18. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " et aux termes de l'article 4 du règlement applicable à toutes les zones : " Qualités architecturales des constructions : (...) / Construction contigüe à un bâtiment identifié au patrimoine bâti d'intérêt local ou à un monument historique / Dans les zones U, les constructions contigües aux bâtiments identifiés au titre du patrimoine bâti d'intérêt local ou au titre des monuments historiques prennent en compte dans leur conception les caractéristiques patrimoniales des bâtiments patrimoniaux ". Aux termes de l'article 4.1 du règlement du PLUi : " Les constructions font l'objet d'une recherche notamment dans la composition des ouvertures, de l'organisation des entrées et du raccordement aux constructions limitrophes (...) Les vues entre la rue et les espaces libres des fonds de parcelle ou des cœurs d'ilots doivent être recherchées. (...) ". Ces dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du PLUi de Rennes que doit être appréciée la légalité du permis de construire contesté.

19. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune.

20. L'environnement dans lequel est situé l'opération en litige présente un caractère hétérogène, les constructions y étant d'époque, de style, de forme et de gabarit différents. Toutefois, le terrain de l'opération projetée est situé aux abords de plusieurs monuments historiques et fait ainsi l'objet d'une protection au titre des abords. Il est en outre situé au sein d'un îlot comprenant sept immeubles présentant un intérêt patrimonial, classés par le plan local d'urbanisme intercommunal en tant que patrimoine bâti d'intérêt local 1, 2 ou 3 étoiles, correspondants respectivement aux édifices intéressants, témoins de l'histoire locale, aux édifices significatifs de qualité patrimoniale et aux édifices remarquables ou exceptionnels de grande qualité patrimoniale. D'une part, s'agissant du bâtiment situé au 7 boulevard de la Liberté, le projet inclut la conservation de la façade et la reconstruction à l'identique des pignons, de la façade arrière des souches maçonnées et de la toiture de cette construction. Par ailleurs, s'agissant des bâtiments situés 3 et 5 boulevard de la Liberté et 5 et 7 rue Descartes, les bâtiments projetés sont d'une hauteur de R+ 5, qui n'est pas en rupture avec les bâtiments situés à proximité. En outre, le rythme des ouvertures ainsi que les pierres et les enduits employés, qui seront de couleur beige et ocre, rappellent ceux des bâtiments voisins. Le projet contesté, s'agissant de ces bâtiments, a ainsi tenu compte dans les volumes, les teintes et les ouvertures des caractéristiques patrimoniales des bâtiments contigus. A cet égard, la circonstance que les matériaux utilisés ne soient pas identiques à ceux de ces bâtiments existants, qui ont été construits au XIXème siècle, ne permet pas d'établir que le projet n'aurait pas tenu compte des caractéristiques patrimoniales des bâtiments. D'autre part, s'agissant du bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté, celui-ci est situé entre deux bâtiments classés 1 et 2 étoiles au sein du PLUi et ce bâtiment présente une toiture plate et une hauteur en R+ 6, nettement supérieure à celle des immeubles patrimoniaux voisins. Par ailleurs, si les façades des deux premiers étages sont alignées sur celles des bâtiments contigus, elles présentent un important recul au niveau R+ 3. En outre, les façades des deux derniers étages de ce bâtiment donnant sur la voie publique, qui intègrent les volumes structurels et les éléments de modénature, comportent des piliers supportant la dalle et la toiture de cet étage permettant la réalisation de vastes terrasses, en nette rupture avec les deux bâtiments protégés, construits au XIXème siècle, entre lesquels il est situé. Par suite, il n'apparaît pas que la construction projetée située au 9 boulevard de la Liberté ait tenu compte des caractéristiques patrimoniales des bâtiments patrimoniaux qu'elle jouxte et le bâtiment en cause porte ainsi atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants.

21. En deuxième lieu, le lexique du PLUi définit le raccordement comme " une transition volumétrique entre des constructions de premier rang hors annexes qui assure une bonne intégration des nouvelles constructions et la mise en valeur des constructions existantes. Ce raccordement a pour objectif de raccorder des bâtiments de générations et d'architecture ou de volumétrie différentes et de permettre leurs coexistences ".

22. S'agissant des bâtiments situés au 3 et 5 boulevard de la Liberté et 5 et 7 rue Descartes, leur hauteur est sensiblement équivalente aux constructions auxquelles ils sont accolés. Par ailleurs, s'agissant du bâtiment situé au 3 et 5 boulevard de la Liberté, s'il dispose d'une toiture plate celle-ci sera raccordée au bâtiment contigu au niveau du faitage de ce dernier. En outre, s'agissant du bâtiment situé au 5 et 7 rue Descartes, situé entre deux bâtiments de hauteur différente, le raccordement s'effectue notamment au niveau de l'égout du toit du bâtiment voisin. Il ressort ainsi des pièces du dossier que les constructions ont fait l'objet d'une recherche de raccordement avec les bâtiments contigus. En revanche, s'agissant du bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté, il ressort des plans PC 5.2 " Elévation ", qu'il présente une hauteur en R+ 6 nettement plus importante que le bâtiment à côté duquel il est situé, et fait en outre l'objet d'un recul à partir du R+ 3 par rapport à la construction voisine. Dans ces conditions, le bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté ne peut être regardé, s'agissant de son raccordement aux bâtiments voisins, comme respectant les dispositions citées au point 18.

23. En troisième lieu, il ressort de la notice architecturale que le rez-de-chaussée sera traversant sur la profondeur de l'îlot, ce qui est de nature à permettre des vues entre la rue et les espaces libres des fonds de parcelle. Dans ces conditions, le traitement des rez-de-chaussée ne méconnait pas les dispositions citées au point 18 et le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

24. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

25. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les prescriptions émises par la sous-commission départementale de sécurité ERP-IGH, par la direction de la voirie de Rennes et par la direction de la santé publique ont été reprises par l'arrêté contesté. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'autorité administrative n'aurait pas tenu compte des réserves et prescriptions émises par ces services.

26. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'accès des véhicules au parking souterrain comprenant vingt-neuf places, sera réalisé par la rue Descartes, voie à sens unique, qui présente une largeur ainsi qu'une visibilité suffisante et dont la vitesse est limitée à 30 km/h. Dans ces conditions, et alors que la direction de la voirie a émis un avis favorable au projet, assorti de prescriptions qui ont été reprises par l'arrêté contesté, il n'est pas établi que la voie permettant l'accès aux stationnements présenterait un caractère dangereux.

27. En troisième lieu, la circonstance que le projet contesté s'implante dans un espace urbain dense n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'il porterait atteinte à la sécurité du voisinage.

28. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

29. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

30. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Enfin lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une nouvelle autorisation dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une nouvelle autorisation si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce.

31. Les vices mentionnés aux points 17, 20 et 22 tirés de la méconnaissance, par la construction projetée située au 9 boulevard de la Liberté, des dispositions de l'article 2 du règlement applicable à toutes les zones et des dispositions graphiques du PLUi, s'agissant de sa hauteur ainsi que de l'article 4 du règlement du PLUi applicable à toutes les zones s'agissant de la prise en compte des caractéristiques patrimoniales des bâtiments situés à proximité et du raccordement avec ces constructions sont susceptibles, eu égard à ce qui précède, de faire l'objet d'une mesure de régularisation. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à la SARL LH et à la commune de Rennes un délai de huit mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins de produire la mesure de régularisation nécessaire.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions présentées par M. et Mme D... et autre tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il met à la charge des héritiers de M. C... une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête, jusqu'à l'expiration d'un délai de huit mois, à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la SARL LH et à la commune de Rennes, pour notifier à la cour un permis de construire régularisant les vices affectant le bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté et tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du règlement applicable à toutes les zones et des dispositions graphiques du PLUi, s'agissant de sa hauteur ainsi que de l'article 4 du règlement du PLUi applicable à toutes les zones s'agissant de la prise en compte des caractéristiques patrimoniales des bâtiments situés à proximité et du raccordement avec ces constructions.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme B... D..., désignés représentants uniques des requérants en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative, à la commune de Rennes et à la société LH.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02214
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : MARTIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;23nt02214 ?
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