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18/02/2025 | FRANCE | N°24NT01803

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 18 février 2025, 24NT01803


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2316017 du 22 mai 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.





Procédure devant la cour :


> Par une requête enregistrée le 13 juin 2024, M. B... D..., représenté par

Me Philippon, demande à la cour :



1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2316017 du 22 mai 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2024, M. B... D..., représenté par

Me Philippon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 22 mai 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 25 euros par jour de retard ou subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme globale de

3 500 euros au titre de l'instance introduite devant le tribunal administratif de Nantes et de l'instance introduite devant la cour, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve pour ce conseil de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- l'expédition du jugement n'est pas revêtue de toutes les signatures ;

- il n'est pas établi que le président du tribunal administratif de Nantes aurait autorisé

M. C... à statuer à sa place sur les litiges visés à l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le magistrat désigné a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet de la Loire Atlantique ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier ;

- il peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement des dispositions des articles

L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; subsidiairement, la décision méconnait les dispositions du 9° de l'article de l'article L. 611-3 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 août 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. D... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du

30 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les observations de Me Philippon représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B... D..., ressortissant bangladais né en 1986, est entré irrégulièrement en France le 15 octobre 2019 accompagné de son épouse, Mme A... et de leur fille E... née en 2014. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du 15 janvier 2021 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par des décisions du 19 août 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. Par les deux arrêtés attaqués du

11 octobre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique a fait obligation à M. D... et à Mme A... de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays de destination.

Ils ont contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Nantes. Le magistrat désigné de ce tribunal a rejeté leurs requêtes par un jugement du 22 mai 2024. M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa requête.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-8 du code de justice administrative : " (...) Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ". Il ressort de la minute du jugement que celle-ci comporte la signature du magistrat désigné du tribunal administratif et celle de la greffière de l'audience. Ce moyen doit en conséquence être écarté.

3. En deuxième lieu, le jugement attaqué fait état de la désignation, par le président du tribunal, de M. C... pour statuer sur les recours dont le jugement relève des dispositions litiges de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette mention est suffisante pour établir la compétence du magistrat désigné.

4. En troisième lieu, l'appelant soutient que le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet de la Loire Atlantique. Cependant, alors que M. D... a fait valoir devant le tribunal que certaines circonstances factuelles communiquées à l'autorité préfectorale n'ont pas été rappelées dans l'arrêté contesté, caractérisant ainsi un défaut d'examen particulier et une erreur de fait, le magistrat désigné du tribunal administratif a précisé au point 7 de son jugement qu'il " ne ressort pas des pièces des dossiers soumis au juge que le préfet aurait entaché ses décisions d'un défaut d'examen des cas de M. D... et Mme A..., étant précisé qu'il ne ressort pas des éléments fournis que le préfet aurait eu connaissance des problèmes de santé présentés par les requérants (trouble dépressif et syndrome anxieux) faisant l'objet des attestations produites devant le tribunal et n'ayant aucunement fait l'objet de demandes de titre de séjour au titre de l'état de santé. Par ailleurs, la naissance de leur second enfant sur le territoire français le 11 juillet 2023 ne fait pas obstacle à la mise en œuvre des décisions d'éloignement et le défaut de mention de cette circonstance n'a pu avoir d'incidence sur le sens des décisions attaquées. Le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté ". Il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison d'une omission de répondre à ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire du 11 octobre 2023 :

5. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée te du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.(...) ".

6. L'appelant se prévaut d'une attestation médicale du 4 mars 2024 aux termes de laquelle il " présente une dépression sévère depuis plus d'un an, suivi par médecin psychiatre. Son état général nécessite la prise de médicaments réguliers ainsi que des consultations de suivi avec des professionnels qualifiés. Ainsi un retour au Bengladesh mettrait en jeu son pronostic vital ainsi que pour sa famille. Le risque principe est de décompenser sa maladie avec possible passage à l'acte auto et hétéro agressif. Le maintien des traitements médicamenteux ne peut aucunement être garanti dans un pays du tiers monde, de même que le suivi par du personnel soignant qualifié ". Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. D... bénéficie d'un accompagnement psychiatrique au centre hospitalier de Saint-Nazaire et est astreint à un traitement médicamenteux conséquent comprenant des psychotropes, antidépresseur, anxiolytique et benzodiazepine. Dans ces conditions, si le requérant établit qu'à la date de la décision attaquée son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'établit pas qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, la seule appréciation portée par son médecin traitant dans l'attestation du 4 mars 2024 ne pouvant suffire à l'établir. Le moyen doit être écarté ainsi que celui relatif à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

8. M. D... séjourne en France avec son épouse et sa fille ainée depuis quatre ans à la date de la décision attaquée. Il ne justifie pas posséder d'attaches familiales ou personnelles particulièrement intenses sur le territoire français alors même qu'il allègue bénéficier d'un soutien de la part des enseignants de sa fille et de parents d'élèves. En outre, il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans le pays dont il a la nationalité et où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Enfin, les bons résultats scolaires de sa fille E... et la naissance de son second enfant le

11 juillet 2023 ne sauraient suffire à établir que l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou méconnait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième lieu, si M. D... soutient que le préfet de la Loire-Atlantique n'a ni invoqué ses très importants problèmes de santé, ni la naissance de leur second enfant de sorte que la décision est entachée d'une erreur de fait, il ne ressort pas des pièces du dossier que les considérations factuelles omises par le préfet ont pu nfluer sur le sens de la décision litigieuse. Le moyen est écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. " aux termes de l'article 3 de la même convention et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et selon l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

12. M. D... fait valoir qu'il serait exposé en cas de retour au Bangladesh à des persécutions ou à une atteinte grave de la part de membres de la Ligue Awami en raison de ses opinions politiques en faveur du Parti Nationaliste Bangladais et d'un conflit foncier, sans pouvoir bénéficier de la protection effective des autorités de son pays. Il indique avoir été agressé et injustement incarcéré après s'être opposé à des membres influents de la ligue Awami qui avaient illégalement construit des bâtiments sur un terrain appartenant à une école dont il était membre du comité. Il ajoute encore que des membres de la ligue Awami ont saccagé les deux commerces dont il était propriétaire en toute impunité et qu'il n'est pas parvenu à bénéficier du soutien des autorités de police et judiciaire de son pays en raison de leur corruption et de ses options politiques. Cependant, le requérant qui ne se réfère qu'à des publications générales sur la situation politique du Bengladesh, ne justifie pas par les pièces qu'il produit de l'existence de craintes actuelles et personnelles en cas de retour dans son pays d'origine alors en outre que sa demande d'asile a été rejetée en dernier par la cour nationale du droit d'asile.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation les arrêtés de l'arrêté du 11 octobre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0180302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01803
Date de la décision : 18/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-18;24nt01803 ?
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