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04/03/2025 | FRANCE | N°23NT02432

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 04 mars 2025, 23NT02432


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Les Riverains du Port et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2018 de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, autorisant la création d'une hélistation par la commune de l'Ile d'Yeu (Vendée).



Par un jugement n° 2005564 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a, dans son article 1er, annulé cet arrêté du 4 juillet 2018 de la minist

re de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, dans son article 2, mis à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Les Riverains du Port et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2018 de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, autorisant la création d'une hélistation par la commune de l'Ile d'Yeu (Vendée).

Par un jugement n° 2005564 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a, dans son article 1er, annulé cet arrêté du 4 juillet 2018 de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, dans son article 2, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, dans son article 3, rejeté les conclusions présentées par le ministre chargé des transports au même titre.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 août et 11 septembre 2023, le ministre chargé des transports, représenté par la société d'avocats Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2023 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par l'association Les Riverains du Port et Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes, à titre subsidiaire d'annuler partiellement l'arrêté du 4 juillet 2018 ou de surseoir à statuer pour permettre la régularisation du vice tenant à l'insuffisance de l'étude d'impact ;

3°) de mettre à la charge de l'association Les Riverains du Port et de Mme B... le versement de la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le ministre chargé des transports soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas signé par le président, le rapporteur et par le greffier d'audience ;

- la décision contestée ne méconnait pas les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dès lors que l'étude d'impact n'avait pas à analyser l'état initial du site avant l'apparition de la situation devant être régularisée ;

- l'étude d'impact et les études complémentaires ont permis une information suffisante du public ;

- le vice retenu par le tribunal peut être régularisé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2023, l'association Les Riverains du Port et Mme A... B..., représentés par Me Dallet, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre chargé des transports ;

2°) par la voie de l'appel incident de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2023 en tant seulement qu'il a limité la somme mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à 1 500 euros et de porter cette somme à 8 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre de l'instance d'appel.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par ministre chargé des transports ne sont pas fondés ;

- elles ont dû engager en première instance, des frais importants liés à une longue procédure.

La commune de l'Ile d'Yeu, représentée par Me de Monsembernard, a produit des observations enregistrées le 26 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Poupot, représentant le ministre chargé des transports et celles de Me Dallet, représentant l'association Les Riverains du Port et Mme A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 juillet 2018, la ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports a autorisé la création, par la commune de l'Ile d'Yeu (Vendée), d'une hélistation destinée à être agréée à usage restreint en lieu et place de l'hélistation destinée aux transports sanitaires et à la demande créée par arrêté du préfet de la Vendée du 5 décembre 1986. L'association Les Riverains du Port et Mme B... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Le ministre chargé des transports relève appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel ce tribunal a annulé cet arrêté du 4 juillet 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article D. 232-1 du code de l'aviation civile : " Les aérodromes non ouverts à la circulation aérienne publique comprennent : (...) 2° Les aérodromes à usage restreint, autres que les aérodromes à l'usage d'administrations de l'Etat ; l'autorisation de les créer est donnée par arrêté ministériel ou interministériel ; 3° Les aérodromes à usage privé ; l'autorisation de les créer est donnée par arrêté préfectoral. ". Aux termes de l'article D. 232-1 du même code : " Les aérodromes dits à usage restreint sont destinés à des activités qui, tout en répondant à des besoins collectifs, techniques ou commerciaux, sont soit limitées dans leur objet, soit réservées à certaines catégories d'aéronefs, soit exclusivement exercées par certaines personnes spécialement désignées à cet effet. (...) Ces activités peuvent comprendre notamment : e) Les vols de tourisme ; f) Exceptionnellement, certains transports aériens commerciaux, dans des cas qui seront fixés par décision du ministre chargé de l'aviation civile. (...). " et aux termes de l'article D. 211-1 de ce code : " (...) Les dispositions du présent livre sont applicables aux aérodromes pour hélicoptères, sous réserve des dispositions particulières à ces aérodromes, qui seront établies par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de l'intérieur. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les travaux, ouvrages ou aménagements énumérés dans le tableau annexé au présent article sont soumis à une étude d'impact soit de façon systématique, soit après un examen au cas par cas, en fonction des critères précisés dans ce tableau. /(...). ". Il ressort de la rubrique " 9° Aéroports et aérodromes " du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige, que " toute construction d'un aérodrome ou d'une piste " est soumise à étude d'impact. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la décision contestée : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. L'étude d'impact présente : : / (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / (...). ".

6. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

7. D'abord, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 5 décembre 1986, le préfet de la Vendée a délivré à la commune de l'Ile d'Yeu une autorisation portant sur la création et l'exploitation d'une hélistation à usage restreint, pour hélicoptères légers, destinée exclusivement aux évacuations sanitaires et aux transports à la demande. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier, notamment de la note de la direction générale de l'aviation civile et de l'avis émis par l'autorité environnementale, que postérieurement à cette autorisation, la société exploitant l'hélistation ne s'est pas limitée aux transports sanitaires et à la demande comme l'autorisait l'arrêté préfectoral et a développé des vols réguliers, notamment de transport public de passagers, ce qui a conduit le préfet de la Vendée à demander à la commune de l'Ile d'Yeu de régulariser cette situation de fait par la création d'une hélistation autorisée par arrêté ministériel. Par conséquent, l'état initial de l'environnement, au sens et pour l'application du 2° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, doit être regardé comme étant l'état à la date de la demande d'autorisation, sans qu'il soit toutefois tenu compte de l'activité générée par l'exploitation de cette hélistation au-delà de l'autorisation initiale qui concernait seulement des transports sanitaires et à la demande.

8. Ensuite, il ressort de l'étude d'impact litigieuse que l'état initial qu'elle a analysé est l'état existant à la date de la demande d'autorisation, soit celui de l'hélistation déjà en exploitation, se caractérisant par des vols réguliers et des vols touristiques non autorisés. Par conséquent, l'étude d'impact ne comprend pas d'analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet. Si l'étude d'impact a été complétée, à la suite de l'avis de l'autorité environnementale qui en relevait les carences sur ce point, par une étude de risques et une étude portant notamment sur les nuisances sonores et la qualité de l'air, ces études complémentaires n'effectuent pas de comparaison entre l'état correspondant à l'exploitation de l'hélistation préfectorale, soit l'état initial, et l'état correspondant à l'exploitation d'une hélistation ministérielle. A cet égard, ces études complémentaires procèdent seulement à une comparaison du niveau de bruit et de la qualité de l'air entre l'emplacement initial de l'aire de décollage et d'atterrissage et son emplacement projeté, 40 mètres plus à l'ouest. Enfin, si le ministre fait valoir que de telles mesures notamment s'agissant des nuisances sonores et olfactives ne sont plus disponibles compte tenu de l'exercice réel de l'activité, et que la modélisation de l'état initial ne peut plus être réalisée qu'à partir de données théoriques ne présentant aucune fiabilité, toutefois, il ressort de l'avis émis par l'autorité environnementale que " cela ne dispense pas de produire dans le dossier des évaluations récentes (...). L'AE considère que ces impacts devraient ensuite être comparés avec ceux qui résulteraient d'une situation de référence dans laquelle le projet ne serait pas autorisé ". Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne serait pas possible de décrire l'état initial, en procédant sur la base de données fiables, à une modélisation de l'activité de l'hélistation telle qu'autorisée par l'arrêté du 5 décembre 1986.

9. Les insuffisances énoncées au point précédent, qui n'ont pas permis d'apprécier les conséquences du projet à autoriser sur l'environnement, ont été de nature à nuire à l'information complète de la population et à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

10. En outre, ces insuffisances affectent la décision contestée dans son intégralité de sorte qu'il n'appartient pas au juge d'annuler partiellement cette décision. Par ailleurs, aucune disposition législative ni règlementaire ne prévoit la possibilité pour le juge de surseoir à statuer afin de régulariser un tel vice s'agissant d'une autorisation de création d'un aérodrome à usage restreint sur le fondement des dispositions du code de l'aviation civile citées au point 4.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé des transports n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de l'association Les Riverains du Port et de Mme B..., l'arrêté du 4 juillet 2018 de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne les frais exposés par l'association Les Riverains du Port et Mme B... devant le tribunal administratif :

12. Le tribunal administratif a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'association Les Riverains du Port et à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par les demandeurs. Par suite, les conclusions de l'association Les Riverains du Port et de Mme B... tendant à la réformation de l'article 2 du jugement attaqué doivent être rejetées.

En ce qui concerne les frais exposés devant la cour :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Les Riverains du Port et de Mme B... qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le ministre chargé des transports au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 2 000 euros à verser à l'association Les Riverains du Port et à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre chargé des transports est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera globalement à l'association Les Riverains du Port et à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'association Les Riverains du Port et Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, à l'Association les riverains du port, à Mme B... et à la commune de l'Île d'Yeu.

Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2025.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02432
Date de la décision : 04/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SELARL BAFFOU DALLET BMD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-04;23nt02432 ?
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