Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté de la préfète de la Mayenne du 22 février 2024, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui imposant de se présenter, chaque jeudi à 14 heures au commissariat de police de Laval afin de justifier des diligences accomplies en vue de son départ pendant ce délai, fixant son pays de renvoi en cas d'exécution d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois et d'annuler l'arrêté de la préfète de la Mayenne du 22 février 2024, l'assignant à résidence sur le territoire de la commune de Laval pendant une durée d'une année, désignant le commissariat de police de Laval comme le service auprès duquel il devra exécuter son obligation de présentation, fixant au mercredi et vendredi à 10 heures les jours et heure d'exécution de cette obligation et lui interdisant de sortir du territoire de la commune de Laval sans autorisation écrite.
Par un jugement n° 2402793 du 16 juillet 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, opposée à M. A... dans l'arrêté de la préfète de la Mayenne du 22 février 2024 et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2024, M. A..., représenté par Me l'Hélias, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 16 juillet 2024 en ce qu'il lui est défavorable ;
2°) d'annuler les arrêtés du 22 février 2024 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui imposant de se présenter, chaque jeudi à 14 heures au commissariat de police de Laval afin de justifier des diligences accomplies en vue de son départ pendant ce délai, fixant son pays de renvoi en cas d'exécution d'office, d'une part, et l'assignant à résidence sur le territoire de la commune de Laval pendant une durée d'une année, désignant le commissariat de police de Laval comme le service auprès duquel il devra exécuter son obligation de présentation, fixant au mercredi et vendredi à 10 heures les jours et heure d'exécution de cette obligation et lui interdisant de sortir du territoire de la commune de Laval sans autorisation écrite, d'autre part ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Mayenne de procéder à un nouvel examen de sa situation au regard, à titre principal, de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à titre subsidiaire, de l'article L. 423-23 du même code, à défaut, de ce même article combiné à l'article L. 435-1 de ce code, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros à son conseil, ou subsidiairement à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve du renoncement de son conseil à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familial tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la décision méconnait le droit protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale de droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la préfète n'a pas procédé à un examen approprié des risques encourus en cas de retour en Guinée ;
- la préfète ne rapporte pas la preuve qu'il serait légalement admissible dans un autre pays ;
- la décision porte atteinte au droit protégé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits e l'homme et des libertés fondamentales, à l'article 3 de la convention des nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels ou dégradants, méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code l'entrée te du séjour de étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
- l'annulation du premier juge doit être confirmée ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- La décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2024, la préfète de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention des Nations-Unies contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né en 1996, est entré en France le 23 septembre 2019 pour y solliciter l'asile après être passé par l'Espagne. Il a fait l'objet d'une décision de transfert vers cet Etat qui n'a pas été exécutée. M. A... s'est maintenu sur le territoire français. Par un premier arrêté du 22 février 2024, la préfète de la Mayenne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de renvoi en cas d'exécution d'office, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois et lui a imposé de se présenter, chaque jeudi à 14 heures au commissariat de police de Laval, afin de justifier des diligences accomplies en vue de son départ pendant ce délai de trente jours. Par un second arrêté du même jour, la préfète de la Mayenne l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Laval pendant une durée d'une année, a désigné le commissariat de police de Laval comme le service auprès duquel il devra exécuter son obligation de présentation, a fixé au mercredi et vendredi à 10 heures la fréquence de cette obligation et lui a interdit de sortir du territoire de cette commune sans autorisation écrite. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'ensemble des décisions opposées dans les arrêtés du 22 février 2024. Par jugement du 16 juillet 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois opposée à M. A... dans l'arrêté de la préfète de la Mayenne du 22 février 2024 et a rejeté le surplus des conclusions de M. A.... M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui est pas favorable.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
3. Pour établir l'atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations précitées, M. A... fait valoir sa durée de séjour sur le territoire français, soit quatre ans et demi à la date de la décision attaquée, son niveau d'études, l'absence de troubles à l'ordre public. M. A... met également en avant sa relation avec Mme C... D..., ressortissante française, ainsi que sa qualité de père de deux des enfants de nationalité française nés de leur relation le 23 juillet 2021 et, le 16 juillet 2022. Cependant, il ressort des pièces du dossier que la relation entre l'appelant et sa concubine ne peut être regardée comme stable, ayant été interrompue par une période de séparation de dix-huit mois. En outre, les deux enfants nés de leur relation sont, depuis un jugement du juge des enfants du tribunal judiciaire de Laval du 28 septembre 2022, confiés aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Mayenne en raison des conditions matérielles extrêmement dégradées dans lesquelles ils sont pris en charge par leurs parents, du refus d'intervention des personnels médico-sociaux à laquelle le couple avait pourtant consenti et des grandes difficultés de Mme D... à identifier et satisfaire de façon constante les besoins de ses enfants ainsi que de la distance affective dans la prise en charge de M . A.... Si le juge des enfants a accordé un droit de visite chaque semaine, d'abord d'une durée d'une heure étendue à trois heures, et si le président du conseil départemental de la Mayenne a attesté, les 26 février et 20 juin 2024, que l'intéressé utilise chaque semaine, le lundi, pendant une heure à une heure trente, ce droit de visite, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que M. A... s'implique dans la détermination des besoins de ses enfants et des conditions requises pour y satisfaire alors qu'à la date de la décision attaquée, les conditions d'hygiène nécessaires à l'accueil des enfants n'étaient toujours pas réunies. Par ailleurs, si M. A... fait valoir la durée de sa résidence en France, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré irrégulièrement dans sur le territoire français et s'y est maintenu irrégulièrement sans jamais chercher à régulariser sa situation. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français en litige ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et comme méconnaissant, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Au regard des éléments exposés au point précédent concernant la situation de enfants de l'appelant et de son implication à leur égard, l'obligation de quitter le territoire français en litige ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
5. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New-York le 10 décembre 1984 : " 1- Aucun Etat n'expulsera, ne refoulera ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. 2- Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives (...) ".
6. En premier lieu, Il ne ressort pas de la motivation de cette décision que la préfète de la Mayenne n'aurait pas procédé à l'examen des éléments dont elle disposait pour déterminer le pays de renvoi de M. A....
7. En deuxième lieu, si l'autorité préfectorale n'a pas désigné précisément le pays dans lequel M. A... serait légalement admissible, il ne lui appartient pas de justifier, à la date de l'arrêté attaqué, de la possibilité effective de le renvoyer vers un pays déterminé.
8. En troisième lieu, si le requérant soutient que la décision méconnait les dispositions et stipulations précitées, il ne fait état d'aucune argumentation et ne produit aucun élément de nature à établir qu'un retour dans son pays d'origine ou dans tout pays dans lequel il pourrait légalement être admis serait susceptible de l'exposer à des menaces personnelles et actuelles à des traitements inhumains ou dégradants ou à la torture.
Sur la décision portant assignation à résidence :
9. La décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas annulée, le moyen tiré de ce que la décision d'assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant le pays de renvoi et de la décision l'assignant à résidence contenues dans les arrêtés du 22 février 2024. Par suite les conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0241602