Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour présentée le 8 février 2021 à laquelle s'est substituée une décision explicite de rejet le 7 juillet 2022 et, d'autre part, l'arrêté du 11 mai 2023 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2108917-2318974 du 23 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 7 juillet 2022 et l'arrêté du 11 mai 2023 du préfet de la Sarthe et enjoint au préfet de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dès cette notification, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 août 2024, le préfet de la Sarthe demande à la cour d'annuler ce jugement du 23 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2024, Mme B... A..., représenté par Me Murillo, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Sarthe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Elle conclut par ailleurs à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé les décisions susvisées.
Mme A... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante indienne née le 20 janvier 1990, est entrée en France le 16 avril 2018, munie d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour à une entrée, valable du 7 avril au 5 mai 2018 pour un séjour d'une durée de quatorze jours, qui lui avait été délivré en Inde par les autorités maltaises le 26 mars 2018. S'étant maintenue sur le territoire français après l'échéance du séjour autorisé par ce visa, elle a, par une lettre du 8 février 2021, sollicité du préfet de la Sarthe la régularisation de sa situation de séjour par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions alors applicables du 7° l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a fait l'objet, à l'issue d'un délai de quatre mois, d'une décision implicite de rejet dont, le 15 juillet 2021, Mme A... a sollicité la communication des motifs et à laquelle une décision explicite de rejet s'est substituée le 7 juillet 2022. Le 23 janvier 2023, elle a sollicité de nouveau du préfet de la Sarthe la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la même mention, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 11 mai 2023 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré. Par un jugement du 23 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 7 juillet 2022 et l'arrêté du 11 mai 2023 du préfet de la Sarthe. Ce dernier relève appel de ce jugement.
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... se prévaut de sa présence en France depuis 2018 et de son mariage en Inde le 29 novembre 2015 avec un ressortissant indien né en 1979, qui réside régulièrement en France ainsi que de la naissance de leurs deux enfants en 2020 et 2022. Toutefois, les intéressés ne pouvaient pas ignorer, dès le début de leur relation, que leurs perspectives communes d'installation en France étaient incertaines, en l'absence de droit au séjour détenu par Mme A..., celle-ci s'étant maintenue sur le territoire français après l'échéance du séjour autorisé par le visa de court séjour qui lui avait délivré. Eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, à la faculté dont dispose son époux de demander son retour en France dans le cadre d'un regroupement familial, et au fait que la requérante n'invoque aucun motif qui ferait obstacle à ce qu'elle mène une vie familiale normale dans le pays dont elle et son époux ont la nationalité, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, au nombre desquels figure la nécessité d'assurer le respect effectif de la procédure de regroupement familial. Par suite, le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler sa décision du 7 juillet 2022 ainsi que l'arrêté du 11 mai 2023.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision du 7 juillet 2022 portant refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, la décision contestée comporte les considérations détaillées de faits et de droit qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée.
6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Si Mme A... fait valoir que son départ porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, qui seraient séparés de leur mère, d'une part, elle peut revenir en France dans le cadre d'un regroupement familial, ainsi qu'il a été énoncé au point 3, et d'autre part, la recomposition de la cellule familiale est possible hors de France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 11 mai 2023 :
S'agissant du moyen commun :
9. La décision contestée a été signé par M. Eric Zabouraeff, secrétaire général de la préfecture de la Sarthe. Par un arrêté du 19 avril 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de cette préfecture le même jour et consultable sur internet, le préfet de ce département a donné délégation à M. C... à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Sarthe, à l'exception de certains actes dont les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ne font pas partie. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et doit être écarté.
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée en fait et en droit.
13. En deuxième lieu, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
14. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
15. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
16. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 7 juillet 2022 et l'arrêté du 11 mai 2023. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par Mme A... aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2108917, 2318794 du 23 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que les conclusions présentées par celle-ci devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme B... A....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Vieville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT02616 2
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