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15/04/2025 | FRANCE | N°23NT00621

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 15 avril 2025, 23NT00621


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars et 28 décembre 2023, la société Eoliennes du Méné Hoguené, représentée par Mes Balaÿ et Roels, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2023 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande d'autorisation environnementale relative à l'installation et l'exploitation d'un parc composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Louargat ;



2°) de délivrer l'autorisat

ion environnementale sollicitée ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de réexamin...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars et 28 décembre 2023, la société Eoliennes du Méné Hoguené, représentée par Mes Balaÿ et Roels, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2023 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande d'autorisation environnementale relative à l'installation et l'exploitation d'un parc composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Louargat ;

2°) de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de réexaminer la demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de procéder à la mise en œuvre des mesures de publicité prévues par l'article R. 181-44 du code de l'environnement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'arrêté contesté a été pris en violation des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement dès lors que le projet respecte les intérêts paysagers ainsi que les monuments historiques et éléments du patrimoine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, le préfet des Côtes-d'Armor conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, demande à la cour de surseoir à statuer en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement pour permettre la régularisation de l'arrêté.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Par deux mémoires en intervention, enregistrés les 20 novembre 2023 et 8 février 2024 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), l'association " Vents Contr'airs ", M. E... C..., M. et Mme N... AB..., M. et Mme X..., M. et Mme A... O..., Mme J... A... M..., M. et Mme AG... A... G..., M. et Mme AF... A... G..., M. et Mme A... D..., M. et Mme Y..., M. K... A... AD... et Mme S... F..., M. I... A... AE... et Mme L... H..., M. et Mme Q..., M. R... AA... et M. W... P..., M. et Mme U... T..., M. et Mme V... et M. et Mme B..., représentés par Me Echezar, concluent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du préfet des Côtes-d'Armor.

Ils soutiennent que le projet de parc éolien porte atteinte aux paysages et à la conservation du patrimoine.

L'association " Vents Contr'airs " a été désignée comme la représentante unique des intervenants par son mandataire par un courrier du 9 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Roels, pour la société Eoliennes de Méné-Hoguené et celles de Me Echezar, pour l'association " Vents Contr'airs " et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 janvier 2023, le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté la demande d'autorisation environnementale déposée par la société Eoliennes de Méné-Hoguené, portant sur l'installation et l'exploitation de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Louargat. La société pétitionnaire demande l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention de l'association " Vents Contr'airs " et autres :

2. Est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

3. Il ressort de ses statuts que l'association " Vents Contr'airs ", déclarée à la préfecture de Guingamp le 24 juillet 2022, a pour but notamment de " protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti, les sites et les paysages du département des Côtes-d'Armor et des départements limitrophes, plus particulièrement de la commune de Louargat et des communes avoisinantes ". Le projet de parc éolien en litige est situé sur le territoire de la commune de Louargat. Il est, en outre, au vu notamment des photomontages versés au dossier, susceptible d'avoir des impacts paysagers sur le territoire de cette commune, ce motif étant d'ailleurs l'un de ceux fondant l'arrêté attaqué. Dès lors, l'association " Vents Contr'airs " a intérêt au maintien de l'arrêté du 5 janvier 2023 contesté rejetant la demande d'enregistrement de ce parc. Son intervention doit dès lors être admise. Dès lors qu'au moins l'un des intervenants est recevable, une intervention collective est recevable. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à intervenir de M. E... C..., M. et Mme N... AB..., M. et Mme X..., M. et Mme A... O..., Mme J... A... M..., M. et Mme AG... A... G..., M. et Mme AF... A... G..., M. et Mme A... D..., M. et Mme Y..., M. K... A... AD... et Mme S... F..., M. I... A... AE... et Mme L... H..., M. et Mme Q..., M. R... AA... et M. W... P..., M. et Mme U... T..., M. et Mme V... et M. et Mme B..., l'intervention doit être admise.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 janvier 2023 du préfet des Côtes-d'Armor :

4. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / (...) / 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. / (...). " Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". De plus, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il statue sur une demande d'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, il appartient au préfet de s'assurer que le projet ne méconnaît pas l'exigence de protection de la nature et des paysages, prévue par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

5. D'une part, pour apprécier l'atteinte significative d'une installation à des paysages ou des sites, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la visibilité du projet depuis ces sites ou la covisibilité du projet avec ces sites ou paysages.

6. Le projet litigieux consiste en l'implantation de trois éoliennes, dont les pales atteindront une hauteur totale de 130 mètres, et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Louargat, à environ deux kilomètres au sud de son centre-bourg. La commune de Louargat se situe entre les plaines du bord de littoral et le plateau du Trégor situés au nord et les contreforts des monts d'Arrée situés au sud. L'aire d'implantation s'inscrit dans un paysage présentant un relief marqué et constitué de prairies et de cultures, de boisements de feuillus, de landes et de friches ainsi que de haies basses. Le lieu d'implantation du parc éolien se situe sur le mont dit Ménez-Hoguené qui culmine à 304 mètres d'altitude. A environ 5 kilomètres au nord-est, se trouve le mont dit Ménez Bré d'une altitude de 301 mètres. Il résulte de l'instruction qu'en raison de leurs altitudes respectives et du relief marqué, les deux monts offrent des panoramas dégagés à 360° et se trouvent en covisibilité. Si le Ménez Hoguené ne bénéficie pas d'une protection particulière, le Ménez Bré, en revanche, constitue un site inscrit au titre des paysages en vertu d'un arrêté du 30 juillet 1964 et la chapelle Saint-Hervé, qui est bâtie sur ce mont, est protégée au titre des monuments historiques par un arrêté du 14 février 1962. De plus, il résulte du rapport défavorable de l'inspection des installations classées et du compte-rendu de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du 7 décembre 2022 qui s'est prononcé défavorablement au projet que la chapelle Saint-Hervé et le Ménez Bré présentent tous deux une sensibilité forte étant donné leur position dominante sur l'ensemble du plateau du Trégor et que l'atlas des paysages en Côtes-d'Armor préconise de " sanctuariser le Ménez Bré, gardien du seuil du Trégor, vis-à-vis de l'apparition de grands objets verticaux (éoliennes, pylones...) pouvant concurrencer et fragiliser sa silhouette ". Dans son avis du 20 août 2020, la mission régionale d'autorité environnementale de Bretagne retient dans sa synthèse finale que " compte-tenu de la position culminante du site d'implantation et en dépit des mesures mises en œuvre pour développer la qualité paysagère du projet, les effets paysagers du parc sur ce site d'implantation ne peuvent être évités et demeurent significatifs, renforçant la prégnance du motif éolien sur le territoire. ". Il résulte également de l'instruction que s'il existe déjà quatre parcs éoliens dans l'aire d'étude rapprochée, entre 1,5 et 8 kilomètres, qu'un parc supplémentaire a été autorisé dans cette même aire d'étude et que la vue depuis le Ménez Bré en direction du Ménez Hoguené montre la présence de deux autres parcs éoliens, ceux-ci ne sont toutefois pas implantés sur un point culminant du paysage et sont situés à plus grande distance et plus à l'est, ce qui les rend moins visibles. Dans ces conditions, le préfet des Côtes-d'Armor a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement en rejetant la demande d'autorisation environnementale eu égard aux inconvénients du projet pour la conservation du site inscrit de Ménez Bré et de la chapelle Saint-Hervé. En outre, il résulte de l'instruction que le préfet des Côtes-d'Armor aurait pris le même arrêté en se fondant sur ce seul motif.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eoliennes de Méné-Hoguené n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2023 du préfet des Côtes-d'Armor rejetant sa demande d'autorisation environnementale pour un parc éolien.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2023 n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la société Eoliennes de Méné-Hoguené ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement à la société Eoliennes de Méné-Hoguené de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association " Vents Contr'airs " et autres est admise.

Article 2 : La requête de la société Eoliennes de Méné-Hoguené est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eoliennes de Méné-Hoguené, au ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et pêche et à l'association " Vents Contr'airs ", représentante unique des intervenants.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Côtes-d'Armor.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00621
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SELAS DE BODINAT ECHEZAR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23nt00621 ?
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