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15/04/2025 | FRANCE | N°23NT01604

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 15 avril 2025, 23NT01604


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2020 par lequel le maire de la commune de Groix (Morbihan) a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section ZI 43 située rue de la Belle Vue.



Par un jugement n° 2005065 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :


> Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mai 2023 et 20 août 2024, M. B... A..., représenté par Me Jean...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2020 par lequel le maire de la commune de Groix (Morbihan) a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section ZI 43 située rue de la Belle Vue.

Par un jugement n° 2005065 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mai 2023 et 20 août 2024, M. B... A..., représenté par Me Jean-Meire, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mars 2023 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2020 du maire de Groix ;

3°) d'enjoindre à la commune de Groix de lui délivrer le permis sollicité et, subsidiairement, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Groix la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; il répond insuffisamment au moyen soulevé tiré de la méconnaissance du 4ème alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation et de droit ; il appartenait à la commune de faire application des dispositions du 4ème alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ; son projet n'est pas de nature à compromettre l'exécution du plan local d'urbanisme en cours de révision à la date de délivrance du certificat d'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 juin et 20 septembre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Groix, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. A... ne reprenant pas ses moyens de première instance tirés de l'erreur manifeste d'appréciation dans le classement en zone Ab d'une partie de sa parcelle et de l'absence de substitution de motif possible pour fonder la légalité de l'arrêté contesté, il est réputé les avoir abandonnés ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Jean-Meire, représentant M. A..., et de Me Oueslati, substituant Me Rouhaud, représentant la commune de Groix.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a obtenu le 23 avril 2019 un certificat d'urbanisme pré opérationnel déclarant réalisable un projet de construction d'une maison individuelle de 150 m² et d'un garage de 50 m² sur la partie est de sa parcelle cadastrée ZI 43, située rue de la Belle Vue, à Groix (Morbihan). Le 21 août 2020, il a présenté une demande de permis de construire la maison envisagée à l'appui de sa demande de certificat d'urbanisme. Par un arrêté du 21 septembre 2020, le maire de Groix a opposé un refus à M. A.... Par un jugement du 31 mars 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " (...) Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. ".

3. Les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.

4. Par ailleurs aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " (...) Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 153-11 de ce code : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ".

5. Il résulte de la combinaison des articles cités aux points 2 et 4 que tout certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. Une telle possibilité vise à permettre à l'autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Lorsque le plan en cours d'élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, que soit opposé un sursis à une demande de permis ou à une déclaration préalable, entre en vigueur dans le délai du certificat, les dispositions issues du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu du maire de Groix, le 23 avril 2019, un certificat d'urbanisme pré opérationnel déclarant réalisable son projet de construction d'une maison individuelle de 150 m² et d'un garage ou carport sur sa parcelle cadastrée ZI 0043, pour sa partie comprise en zone Nh au plan local d'urbanisme alors en vigueur tel qu'approuvé le 17 octobre 2006 puis modifié. Ce même certificat mentionne, en se référant à l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, qu'un débat étant intervenu sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables dans le cadre de la révision du plan local d'urbanisme communal engagée et que ce projet envisage un classement en zone agricole du terrain d'assiette du projet, il pourra être sursis à statuer sur sa demande sur le fondement de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. Il est ajouté qu'après approbation de ce plan le projet ne pourra pas être autorisé dès lors qu'il est sans lien avec une exploitation agricole. Cette révision du plan local d'urbanisme a été approuvée le 5 décembre 2019, soit après le certificat d'urbanisme pré opérationnel et dans le délai de 18 mois prévu à l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme mais avant le dépôt de la demande de permis de construire de M. A... et, par suite, avant le refus qui lui a été opposé par le maire de Groix le 21 septembre 2020.

7. D'une part, il n'est pas contesté que les dispositions du plan local d'urbanisme de Groix opposables à la date de délivrance du certificat d'urbanisme du 23 avril 2019 ne s'opposaient pas au projet de construction de M. A.... D'autre part, il ressort des pièces du dossier que ce même projet est prévu, au regard du plan local d'urbanisme approuvé le 5 décembre 2019, en zone agricole. Il se caractérise, selon le formulaire de demande de permis de construire, par la réalisation d'une unique maison individuelle, à vocation de résidence principale, en R+ combles et une surface de plancher de 158,3 m². L'assiette du projet de construction est située en limite proche de la rue de La Belle Vue et est bordée, en limite nord, par deux parcelles, également situées en zone agricole au nouveau plan local d'urbanisme, supportant chacune une maison d'habitation. De l'autre côté de la rue, vers l'est et le sud-est, se trouvent également plusieurs parcelles construites, dont une maison d'habitation immédiatement en face du projet, également en zone agricole alors que les autres constructions sont en zone Ubr au nouveau plan local d'urbanisme. Immédiatement au sud de ce terrain d'assiette, sur une bande de terrain longeant la rue et prolongée à l'est, le classement adopté en Ubr autorise la réalisation de maisons d'habitation en complément de celles déjà édifiées. Enfin à l'ouest du projet de construction, et donc sur une partie du terrain d'assiette du projet, mais hors de l'assiette même du projet, un classement en zone Nds a été adopté, interdisant toute construction de maison d'habitation. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le projet de construction de M. A..., enserré pour l'essentiel par des parcelles supportant des maisons d'habitation ou susceptibles d'en accueillir, et compte-tenu de ses caractéristiques, aurait été de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du plan approuvé le 5 décembre 2019.

8. Dans ces conditions, alors que le plan local d'urbanisme en cours d'élaboration à la date de délivrance du certificat d'urbanisme ne justifiait pas que soit opposé un sursis à sa demande de permis, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté du 21 septembre 2020 du maire de Groix refusant l'autorisation sollicitée est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme.

9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés n'est susceptible, en l'état du dossier, d'entraîner l'annulation de la délibération contestée.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ". Et aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

12. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation d'urbanisme, y compris une décision de sursis à statuer, ou une opposition à une déclaration, après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément à l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition, sur le fondement de l'article L. 911- 1 du code de justice administrative. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard à l'article L 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

13. Le motif énoncé par le maire de Groix dans son arrêté du 21 septembre 2020 refusant le permis de construire sollicité par M. A... n'est pas de nature à justifier ce refus et la commune n'a invoqué aucun autre motif en cours d'instance. Compte-tenu de ce qui a été exposé au point 7, il ne résulte pas de l'instruction qu'une disposition d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune de Groix à la date de l'arrêté annulé ferait obstacle à la délivrance du permis de construire demandé. Il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de fait survenu avant le prononcé du présent arrêt ferait obstacle à la délivrance de ce permis. Dès lors il y a lieu d'enjoindre au maire de Groix de délivrer à M. A... le permis de construire sollicité conformément à sa demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de Groix. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2005065 du 31 mars 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 21 septembre 2020 par lequel le maire de Groix a refusé le permis de construire sollicité par M. A... est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Groix de délivrer à M. A... le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Groix versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Groix sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Groix.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01604
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : JEAN-MEIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23nt01604 ?
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