Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... C... et Mme D... C..., agissant tant en leurs noms propres qu'en qualité de représentants légaux des enfants mineurs B... C..., A... C... et E... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions implicites de l'autorité consulaire française Téhéran (Iran) refusant de leur délivrer un visa d'entrée et de long séjour afin de demander l'asile.
Par un jugement n° 2313806 du 25 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 avril, 30 juillet et 28 août 2024, M. G... et Mme F..., agissant tant en leurs noms propres qu'en qualité de représentants légaux des enfants mineurs B... C..., A... C... et E... C..., représentés par Me Cambon, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mars 2024 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est recevable ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré du défaut d'examen particulier de leur demande ;
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier ;
- la décision contestée est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnait leur droit à demander l'asile ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève ainsi que les dispositions de la directive 2011/95/UE du Parlement et du Conseil ; elle méconnait le principe de non-refoulement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte fondamentaux des droits de l'Union européenne ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants afghans nés les 20 juin 1984 et 5 juin 1988, ainsi que leurs filles B..., A... et E... C..., nées les 7 juillet 2008, 15 mars 2009 et 9 janvier 2012 ont déposé une demande de visa de long séjour, en vue de demander l'asile, auprès de l'autorité consulaire française à Téhéran, qui a rejeté cette demande. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. M. et Mme C... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Ils relèvent appel du jugement du 25 mars 2024 de ce tribunal rejetant leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés à l'appui du moyen tiré du défaut d'examen particulier de la demande de visas, a écarté explicitement ce moyen par une motivation suffisante. Dans ces conditions, le moyen, tiré de ce que le tribunal aurait insuffisamment motivé le jugement attaqué sur ce point doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Il ressort des écritures du ministre que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Téhéran, sur la circonstance que les requérants ne font pas l'objet de menaces directes et personnelles en Afghanistan.
5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de visas formée par M. et Mme C.... Le moyen doit donc être écarté.
6. En deuxième lieu, en l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas dans lesquels un visa de long séjour en vue de déposer une demande d'asile en France peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.
7. Aux termes du quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958 : " Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ". Si le droit constitutionnel d'asile a pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit fondamental reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République n'emportent aucun droit à la délivrance d'un visa en vue de déposer une demande d'asile en France ou pour y demander le bénéfice de la protection subsidiaire. De même, l'invocation des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à raison de menaces susceptibles d'être encourues à l'étranger ne saurait impliquer de droit à la délivrance d'un visa d'entrée en France.
8. M. C... a travaillé au sein de la direction des technologies de l'information du ministère des mines et du pétrole en Afghanistan, ainsi que pour la société américaine SimbaCom en tant que technicien. Toutefois, M. C..., qui n'établit pas de lien particulier avec la France au titre de ces fonctions, n'apporte aucune précision utile sur les fonctions qu'il a effectivement exercées au sein du ministère afghan des mines et du pétrole et au sein de la société américaine précitée, de nature à démontrer qu'il serait particulièrement exposé à un risque de ce fait. Si le frère de M. C..., qui exerçait des fonctions de procureur des armées, s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette reconnaissance entraînerait un risque particulier pour les requérants. En outre, si M. et Mme C..., produisent des éléments tendant à établir les risques pesant de manière générale sur les femmes en Afghanistan, ils n'apportent pas d'éléments suffisamment précis et circonstanciés caractérisant la réalité et l'actualité du risque à leur égard. Par ailleurs, M. et Mme C... sont retournés en Afghanistan et s'ils allèguent avoir été expulsés d'Iran, les pièces du dossier ne permettent pas de l'établir. Enfin, le ministre fait valoir sans être contesté par les requérants, que les parents et une partie de la fratrie de M. C... résident toujours en Afghanistan ; il n'est pas allégué de menaces à leur égard. Dans ces conditions, la commission de recours, en rejetant les recours formés contre les refus de visas opposés à M. et Mme C..., n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.
9. En troisième lieu, pour les motifs énoncés aux points 7 et 8, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent qu'être écartés.
10. En quatrième lieu, la décision contestée n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de renvoyer M. et Mme C... en Afghanistan de sorte qu'elle ne peut méconnaître l'interdiction " d'expulsion et de refoulement " des réfugiés énoncée à l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
12. M. et Mme C..., ainsi que leurs trois filles, ont toujours vécu en Afghanistan, leur pays d'origine. S'ils se prévalent de la présence en France de deux frères de M. C..., toutefois le ministre fait valoir, sans être contesté par les requérants, que les parents et une partie de la fratrie de M. C... résident toujours en Afghanistan. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 précité doit donc être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par les requérants, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. et Mme C... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de M. et Mme C... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01027