Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, sur le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal), a rejeté sa demande de visa de long séjour présentée en qualité d'enfant étranger d'un ressortissant français.
Par un jugement n°2312287 du 27 septembre 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2024, M. D..., représenté par Me Dhib, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, sur le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Dakar, a rejeté sa demande de visa de long séjour présentée en qualité d'enfant étranger d'un ressortissant français ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité, au besoin sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision implicite de la commission de recours est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que les actes d'état civil produits auprès de la commission de recours ont été certifiés conformes par les services d'état civil sénégalais et établissent l'identité et le lien de filiation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant sénégalais, né le 3 avril 2005, a sollicité un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant étranger d'un ressortissant français. Les autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) ont refusé de lui délivrer le visa sollicité. M. D... a formé un recours auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui a été rejeté implicitement le 9 juillet 2023. Le requérant a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette dernière décision. Par un jugement du 27 septembre 2024, le tribunal a rejeté sa demande. M. D... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. / Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois à caractère familial (...) ". Aux termes de l'article L. 423-12 du même code : " S'il est âgé de dix-huit à vingt et un ans, ou qu'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, ou qu'il est à la charge de ses parents, l'enfant étranger d'un ressortissant français se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans sous réserve de la production du visa de long séjour prévu au 1° de l'article L. 411-1 et de la régularité du séjour. Pour l'application du premier alinéa, la filiation s'entend de la filiation légalement établie, y compris en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ". D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ".
3. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. En premier lieu, pour établir son identité et son lien de filiation avec Mme A... C..., de nationalité française, qu'il présente comme sa mère, le requérant a produit un jugement d'autorisation d'inscription de naissance à l'état civil n°4996, rendu par le tribunal d'instance de Rufisque, le 16 février 2016 duquel il ressort qu'il est né le 3 avril 2005 à Rufisque de l'union de Modou, né le 4 mars 1982, et de A... C..., née le 25 décembre 1988, ainsi que l'acte de naissance pris en transcription. Toutefois, il ressort des mentions de ce jugement qu'il a été rendu sur la requête du père du demandeur de visa, pourtant décédé depuis le 15 décembre 2005, ainsi qu'en atteste le certificat de décès versé à l'instance par M. D.... En outre, le ministre de l'intérieur a également fait valoir devant le tribunal que le requérant a transmis aux autorités consulaires un jugement d'autorisation d'inscription de naissance portant un autre numéro. En se bornant à soutenir que les erreurs de rédaction commises par les greffiers ne sont pas de son fait et qu'il subit les difficultés de rédaction des décisions de justice rendues dans son pays, M. D... ne conteste pas sérieusement ces incohérences. L'attestation du 27 juin 2024 présentée comme émanant du greffe du tribunal d'instance de Rufisque attestant de l'authenticité des documents produits par Mme C... ou les attestations produites au débat ne sont pas de nature à établir le caractère probant des éléments produits à l'appui du lien de filiation revendiqué. Enfin, le requérant ne produit aucun élément de possession d'état qui permettrait d'établir le lien de filiation avec Mme C.... Dans ces conditions, les jugements et acte de naissance produits doivent être regardés comme présentant un caractère frauduleux et ne permettent pas, dès lors, d'établir le lien de filiation allégué.
6. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les pièces produites ne permettent pas d'établir que Mme C..., ressortissante française, est la mère du requérant, demandeur du visa de long séjour en cause. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, que M. D..., dont il est constant qu'il a toujours vécu au Sénégal, serait dépourvu d'attaches personnelles dans son pays ni qu'il s'y trouverait dans une situation de vulnérabilité ou de précarité particulière. Dans ces conditions, la décision lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vues desquels elle a été prise et ne méconnait pas, ainsi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mai 2025.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. COIFFET
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT03028