La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/2025 | FRANCE | N°25NT00346

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 20 mai 2025, 25NT00346


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 février 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a retiré l'attestation de demandeur d'asile qui lui avait été préalablement délivrée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.



Par un jugement n° 2404632 du 10 janvier 2025, le président du t

ribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 15 février 2024.



Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 février 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a retiré l'attestation de demandeur d'asile qui lui avait été préalablement délivrée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2404632 du 10 janvier 2025, le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 15 février 2024.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2025, le préfet de Maine et Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 10 janvier 2025 ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. D....

Il soutient que Mme D... faisait l'objet d'une mesure d'éloignement prise le 24 novembre 2022 par le préfet de la Haute-Garonne lorsqu'elle a présenté sa demande de réexamen de sorte qu'il a pu considérer sans erreur de droit que Mme D... relevait dispositions dub du 2° de l'article L.542-2 du code de l'entrée te du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2025, Mme D... représentée par Smati conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.

Mme D... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., ressortissante mauritanienne née en 1983, entrée sur le territoire français le 21 novembre 2021, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 25 février 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 29 juillet 2022. Sa demande de réexamen a été rejetée par une décision du 27 octobre 2023 de l'OFPRA. Par un arrêté du 15 février 2024, le préfet de Maine-et-Loire a retiré l'attestation de demandeur d'asile qui lui avait été précédemment remis et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 février 2024. Par un jugement du 10 janvier 2025, le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté contesté. Le préfet de Maine et Loire relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu :

2. Aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (...) 2° Lorsque le demandeur : (...) b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement (...) ". Selon l'article L. 542-3 de ce code : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 542-1 du code précité : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ".

4. Pour annuler l'arrêté attaqué, le président du tribunal administratif de Nantes a considéré que Mme D... n'avait fait l'objet d'aucune décision d'obligation de quitter le territoire français lorsqu'elle a présenté auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides une demande de réexamen du rejet de sa demande d'asile opposée par la cour nationale du droit d'asile le 29 juillet 2022 de sorte que l'intéressée ne pouvait être regardée comme ayant introduit sa demande de réexamen dans le but de faire échec à une décision d'éloignement au sens du b du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Le préfet de Maine et Loire soutient en appel que Mme D... a bien fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire qu'il produit édictée par le préfet de la Haute Garonne le 24 novembre 2022, préalablement à la présentation de sa demande de réexamen du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile. Cette demande a été réexaminée en procédure accélérée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité le 27 octobre 2023 en application du de l'article L. 531-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors que Mme D... ne bénéficiait plus, en application du b) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de la décision de l'Office, alors même que la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée par le préfet de la Haute Garonne le 24 novembre 2022 ne lui aurait pas été régulièrement notifiée, le préfet de Maine et Loire n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions en lui faisant obligation de quitter le territoire français sans attendre que la Cour nationale du droit d'asile se prononce sur les mérites de leurs recours contre ces décisions. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Nantes a annulé la décision d'obligation de quitter le territoire français au motif que Mme D... ne pouvait être regardée comme ayant présenté une demande de réexamen dans le but de se soustraire à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... en première instance.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, la décision attaquée vise les dispositions dont l'autorité administrative a entendu faire application et notamment le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et exposé les considérations pour lesquelles le préfet l'oblige à quitter le territoire français. La décision est ainsi suffisamment motivée en fait et en droit.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée sur le territoire français le 21 novembre 2021 en vue d'y solliciter l'asile. Elle a vécu jusqu' à l'âge de 37 ans dans son pays d'origine. Si elle allègue vivre en France avec son fils E... A... C..., lequel est scolarisé en France et a fait l'objet d'une intervention chirurgicale aux yeux, ces considérations ne sont pas de nature à établir que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations précitées ou commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle alors qu'il n'est pas établi que le fils de la requérante ne pourrait poursuivre sa scolarité ou que les soins médicaux dont il a fait l'objet imposent qu'il soit suivi en France.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. Ainsi qu'il a été dit, la circonstance que le fils de la requérante serait scolarisé en France n'est pas de nature à établir que l'intérêt supérieur de l'enfant aurait été méconnu. En outre et ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'enfant imposerait qu'il reste en France afin d'y être suivi médicalement.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision fixant le délai de départ volontaire.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ".

14. La circonstance selon laquelle le fils de la requérante est scolarisé n'est pas de nature à établir qu'en ne lui accordant pas à titre exceptionnel un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, le préfet de Maine et Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision fixant le pays de destination.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article de 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

17. Si Mme D... soutient qu'elle a exposé les craintes légitimes qu'elle éprouve en cas de retour en Mauritanie devant la Cour nationale du droit d'asile à l'occasion d'un recours enregistré le 2 février 2024 contre la décision du 27 octobre 2023 rejetant pour irrecevabilité sa demande de réexamen de sa demande d'asile, elle ne fournit aucune précision sur la nature des risques actuels et personnels auxquels elle serait exposée en cas de retour en Mauritanie alors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile.

Sur la décision portant retrait de l'attestation de demande d'asile :

18. Ainsi qu'il a été dit au point 6, Mme D... ne bénéficiait plus, en application du b) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant sur sa demande de réexamen du refus d'asile opposé par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le préfet de Maine et Loire a pu sans erreur de droit retirer l'attestation de demandeur d'asile dont bénéficiait la requérante.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine et Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 15 février 2024 par lequel il a retiré l'attestation de demandeur d'asile qu'il lui avait préalablement délivrée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 10 janvier 2025 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme B... D....

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine et Loire.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 25NT0034602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 25NT00346
Date de la décision : 20/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SMATI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-20;25nt00346 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award