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24/06/2025 | FRANCE | N°24NT00329

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 24 juin 2025, 24NT00329


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Vivre dans les Monts d'Arrée, l'association Eau et Rivières de Bretagne et l'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Elorn ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le récépissé de déclaration délivré le 16 septembre 2019 par le préfet du Finistère en vue de l'exploitation d'un méthaniseur par la société Ecobiommana sur le site de Kermonoual à Commana, l'arrêté du 23 décembre 2020 du préfet du Finistère

fixant des prescriptions spéciales au titre de la législation sur les installations classées pour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vivre dans les Monts d'Arrée, l'association Eau et Rivières de Bretagne et l'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Elorn ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le récépissé de déclaration délivré le 16 septembre 2019 par le préfet du Finistère en vue de l'exploitation d'un méthaniseur par la société Ecobiommana sur le site de Kermonoual à Commana, l'arrêté du 23 décembre 2020 du préfet du Finistère fixant des prescriptions spéciales au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement à la société Ecobiommana ainsi que la décision du 14 janvier 2021 par laquelle le préfet du Finistère a refusé d'inviter la société Ecobiommana à déposer un dossier global de demande d'autorisation environnementale.

Par un jugement n° 2101522 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 février 2024, 9 janvier 2025 et 20 février 2025, l'association Vivre dans les Monts d'Arrée, l'association Eau et Rivières de Bretagne et l'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Elorn, représentées par Me Dubreuil, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2023 ;

2°) d'annuler le récépissé de déclaration délivré le 16 septembre 2019 par le préfet du Finistère en vue de l'exploitation d'un méthaniseur par la société Ecobiommana sur le site de Kermonoual à Commana, l'arrêté du 23 décembre 2020 du préfet du Finistère fixant des prescriptions spéciales au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement à la société Ecobiommana ainsi que la décision du 14 janvier 2021 par laquelle le préfet du Finistère a refusé d'inviter la société Ecobiommana à déposer un dossier global de demande d'autorisation environnementale ;

3°) de suspendre toute exploitation de l'unité de méthanisation par la société Ecobiommana sur le site de Kermonoual ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier ; il est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de l'absence d'étude d'impact ;

- le dossier de déclaration est insuffisant s'agissant de la gestion de l'eau et des déchets ; les prescriptions figurant au sein de l'arrêté préfectoral du 23 décembre 2020 n'ont pas eu pour effet de régulariser les insuffisances entachant le dossier de déclaration ;

- le dossier de déclaration est insuffisant ; le préfet devait exiger la réalisation d'une évaluation environnementale pour le projet global porté par la SARL Ecobiommana et le GAEC B... ; compte tenu de la sensibilité environnementale du site et des effets cumulés entre le méthaniseur et l'élevage, la réalisation d'une étude d'impact est nécessaire ; le méthaniseur n'est qu'une composante d'un projet plus global mené conjointement par le GAEC B... et la SARL Ecobiommana ; ce vice a eu pour effet de nuire à l'information complète du public ;

- l'impact sur l'environnement de ce projet devait conduire à l'instruction de la demande selon la procédure d'autorisation environnementale, impliquant la réalisation d'une évaluation environnementale ;

- le projet contesté aurait dû être soumis à étude d'impact ; l'inconventionnalité des dispositions régissant le champ d'application de l'étude d'impact devait amener l'autorité administrative à apprécier la sensibilité du lieu d'implantation et le cumul d'effets avec l'élevage existant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 décembre 2024 et 31 janvier 2025, la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par les associations requérantes ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 4 décembre 2024 et 20 février 2025, la SARL Ecobiommana, représentée par Me Saout, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des associations requérantes une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué est irrecevable ; il a été soulevé plus de deux mois après l'enregistrement de la requête au greffe de la cour alors qu'aucun autre moyen relatif à la même cause juridique n'a été soulevé dans le délai d'appel ;

- les moyens soulevés par les associations requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2011/92/ UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubreuil, représentant les associations requérantes et celles de Me Le Baron, substituant Me Saout, représentant la SARL Ecobiommana.

Une note en délibéré, présentée pour les associations requérantes, a été enregistrée le

12 juin 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Le GAEC B..., dont le gérant est M. A... B..., est autorisé à exploiter depuis 2005 un élevage avicole et bovin sur les sites de " Mougau Bihan ", " Mougau Bras " et " Kermonoual " sur le territoire de la commune de Commana (Finistère). Le 26 octobre 2017, la société Ecobiommana, créée par M. B..., a déposé une déclaration au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, en vue de l'exploitation d'une unité de méthanisation sur le site de Kermonoual sur le territoire de la commune de Commana. Le projet, qui consistait initialement en un processus de méthanisation en cogénération, a évolué vers un processus de valorisation par injection dans les réseaux de gaz naturel. Le 16 septembre 2019, l'unité de méthanisation de la société Ecobiommana a de nouveau été déclarée et une preuve de dépôt de cette déclaration lui a été délivrée le même jour par le préfet du Finistère. Le 23 décembre 2020, le préfet du Finistère a édicté un arrêté fixant des prescriptions spéciales à la société Ecobiommana pour l'exploitation de cette unité de méthanisation. Par un courrier du 14 janvier 2021, le préfet du Finistère, saisi par l'association Vivre dans les Monts d'Arrée (VMA), a rejeté la demande de cette association tendant à ce que la procédure d'instruction de l'unité de méthanisation soit soumise à autorisation environnementale. Les associations VMA, Eau et Rivières de Bretagne et l'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPPMA) de l'Elorn ont alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le récépissé de dépôt de déclaration du 16 septembre 2019, l'arrêté portant prescriptions spéciales du 23 décembre 2020 et la décision du 14 janvier 2021 du préfet du Finistère. Elles relèvent appel du jugement du 7 décembre 2023 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les associations requérantes n'ont contesté la régularité du jugement attaqué que dans leur mémoire enregistré le 9 janvier 2025, après l'expiration du délai d'appel. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué est irrecevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité du récépissé de dépôt de déclaration du 16 septembre 2019 :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 512-8 du code de l'environnement : " Sont soumises à déclaration les installations qui, ne présentant pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d'assurer dans le département la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ". Aux termes de l'article R. 512-47 dans sa rédaction applicable à la date de la décision du 16 septembre 2019 : " I. - La déclaration relative à une installation est adressée, avant la mise en service de l'installation, au préfet du département dans lequel celle-ci doit être implantée. II. - Les informations à fournir par le déclarant sont : 1° S'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms et domicile et, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du déclarant ; 2° L'emplacement sur lequel l'installation doit être réalisée ; 3° La nature et le volume des activités que le déclarant se propose d'exercer ainsi que la ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles l'installation doit être rangée ; 4° Si l'installation figure sur les listes mentionnées au III de l'article L. 414-4, une évaluation des incidences Natura 2000. III. - Le déclarant produit : - un plan de situation du cadastre dans un rayon de 100 mètres autour de l'installation ; - un plan d'ensemble à l'échelle de 1/200 au minimum, accompagné de légendes et, au besoin, de descriptions permettant de se rendre compte des dispositions matérielles de l'installation et indiquant l'affectation, jusqu'à 35 mètres au moins de celle-ci, des constructions et terrains avoisinants ainsi que les points d'eau, canaux, cours d'eau et réseaux enterrés. L'échelle peut être réduite au 1/1 000 pour rendre visibles les éléments mentionnés ci-dessus. IV. - Le mode et les conditions d'utilisation, d'épuration et d'évacuation des eaux résiduaires et des émanations de toute nature ainsi que de gestion des déchets de l'exploitation sont précisés. La déclaration mentionne, en outre, les dispositions prévues en cas de sinistre. V. - Un arrêté du ministre chargé des installations classées fixe le modèle national de déclaration et les conditions dans lesquelles cette déclaration et les documents mentionnés au présent article sont transmis par voie électronique. " et aux termes de l'article R. 512-48 de ce code : " Il est délivré immédiatement par voie électronique une preuve de dépôt de la déclaration. ". Aux termes de l'article R. 512-49 du même code : " Le site internet mis à disposition du déclarant donne accès aux prescriptions générales applicables à l'installation, prises en application de l'article L. 512-10 et, le cas échéant, en application de l'article L. 512-9. Le déclarant reconnaît, avant de solliciter la délivrance de la preuve de dépôt, avoir pris connaissance de l'ensemble des prescriptions générales applicables à son installation. La preuve de dépôt est mise à disposition sur le site internet de la ou des préfectures où est projetée l'installation, pour une durée minimale de trois ans. Le maire de la commune où l'installation doit être exploitée et, à Paris, le commissaire de police en reçoit une copie. "

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, en premier lieu, que la délivrance par voie électronique de la preuve de dépôt de la déclaration relative à une installation, se substitue à la délivrance du récépissé de déclaration prévue par la réglementation antérieure, en deuxième lieu, que cette déclaration conditionne toujours la mise en service par le déclarant de l'installation classée projetée et, en troisième lieu, que le préfet est tenu de délivrer la preuve de dépôt dès lors que le dossier de déclaration est régulier et complet et que l'installation pour laquelle est déposée la déclaration relève bien de ce régime. Il suit de là que les nouvelles dispositions, issues du décret du 9 décembre 2015 qui accompagnent la dématérialisation de la procédure de déclaration des installations classées pour la protection de l'environnement, ne modifient ni la nature ni la portée de la déclaration d'une installation classée soumise à ce régime, de sorte que la preuve de dépôt d'une déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement prévue à l'article R. 512-48 du code de l'environnement est constitutive d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant les juridictions administratives par application des articles L. 512-8 et L. 514-6 du code de l'environnement.

5. D'autre part, il appartient au juge des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation, et d'appliquer les règles de fond applicables au projet en cause en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Lorsqu'il relève que l'autorisation environnementale contestée devant lui méconnaît une règle de fond applicable à la date à laquelle il se prononce, il peut, dans le cadre de son office de plein contentieux, lorsque les conditions sont remplies, modifier ou compléter l'autorisation environnementale délivrée afin de remédier à l'illégalité constatée, ou faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

6. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier de déclaration ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 512-12 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Si les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 ne sont pas garantis par l'exécution des prescriptions générales contre les inconvénients inhérents à l'exploitation d'une installation soumise à déclaration, le préfet, éventuellement à la demande des tiers intéressés et après avis de la commission départementale consultative compétente, peut imposer par arrêté toutes prescriptions spéciales nécessaires. Dans le cas prévu au second alinéa de l'article L. 512-8, ces prescriptions spéciales fixent le cas échéant les règles nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, notamment en ce qui concerne les rejets et prélèvements. ".

8. Les associations requérantes font valoir que le dossier de déclaration est insuffisant s'agissant de la gestion de l'eau et des déchets et se prévalent à cet égard de l'arrêté du 23 décembre 2020, par lequel le préfet du Finistère a demandé à la SARL Ecobiommana de réaliser des plans de coupe de l'ensemble des ouvrages de rétention du site de méthanisation, de justifier des volumes des dispositifs de rétention, de mettre à jour les plans des réseaux d'eau pluviales et des eaux potentiellement souillées, de décrire les dispositifs d'alarme et d'obturation des réseaux destinés à prévenir une fuite de matière vers le milieu naturel, de décrire la procédure de gestion d'un incident susceptible de provoquer une pollution des eaux et de définir le programme de maintenance des ouvrages de rétention et des systèmes d'alarme. Toutefois, il ressort de cet arrêté qu'il fixe des prescriptions spéciales à l'exploitant, en application des dispositions de l'article L. 512-12 précité, destinées à s'assurer de la maîtrise du risque de pollution de l'unité de méthanisation, et cette circonstance ne permet pas d'établir à elle seule que le dossier de déclaration, dont les pièces sont mentionnées à l'article R. 512-47 du code de l'environnement, aurait été en l'espèce insuffisant ou incomplet sur ce point. Le moyen doit donc être écarté.

9. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du 1 de l'article 2 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les Etats membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leur incidence sur l'environnement. Ces projets sont définis à l'article 4. ". Le 2 de l'article 4 de la directive dispose que : " (...) pour les projets énumérés à l'annexe II, les Etats membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation (...). Les Etats membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'Etat membre. Les Etats membres peuvent décider d'appliquer les deux procédures visées aux points a) et b) ". Aux termes du 3 du même article : " Pour l'examen au cas par cas ou la fixation des seuils ou critères en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l'annexe III. (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 alors applicable du code de l'environnement : " (...) II.-Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/ UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. (...) ". L'annexe III de la directive définit les " critères visant à déterminer si les projets figurant à l'annexe II devraient faire l'objet d'une évaluation des incidences sur l'environnement ", à savoir " 1. Caractéristique des projets (...) considérées notamment par rapport : a) à la dimension (...) ; b) au cumul avec d'autres projets existants et/ou approuvés ; c) à l'utilisation des ressources naturelles (...) ; (...) / 2. Localisation des projets / La sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d'être affectées par le projet doit être considérée en prenant notamment en compte : (...) b) la richesse relative, la disponibilité (...) des ressources naturelles de la zone (...) ; c) la capacité de charge de l'environnement naturel (...) / 3. Types et caractéristiques de l'impact potentiel / Les incidences notables probables qu'un projet pourrait avoir sur l'environnement doivent être considérées (...) en tenant compte de : a) l'ampleur et l'entendue spatiale de l'impact (...) ; b) la nature de l'impact ; (...) e) la probabilité de l'impact ; (...) ". Aux termes de l'article R. 122-2 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. (...) ". En vertu des seuils fixés à la rubrique " 1. Installations classées pour la protection de l'environnement ", du tableau alors applicable annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, les installations classées pour la protection de l'environnement qui font l'objet d'une déclaration ne sont pas assujetties à une évaluation environnementale par ces dispositions, indépendamment même des autres caractéristiques du projet, et notamment sa localisation.

10. Il résulte des termes de la directive mentionnée au point précédent, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, que l'instauration, par les dispositions nationales, d'un seuil en-deçà duquel une catégorie de projets est exemptée d'évaluation environnementale n'est compatible avec les objectifs de cette directive que si les projets en cause, compte tenu, d'une part, de leurs caractéristiques, en particulier leur nature et leurs dimensions, d'autre part, de leur localisation, notamment la sensibilité environnementale des zones géographiques qu'ils sont susceptibles d'affecter, et, enfin, de leurs impacts potentiels ne sont pas susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine.

11. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement : " (...) Lorsqu'un projet soumis à évaluation environnementale relève d'un régime déclaratif, il est autorisé par une décision de l'autorité compétente pour délivrer le récépissé de déclaration, qui contient les éléments mentionnés au I. (...) ".

12. Il est constant que l'unité de méthanisation en cause relève du régime de la déclaration des installations classées pour la protection de l'environnement. A la date à laquelle la SARL Ecobiommana a procédé à sa déclaration, le 16 septembre 2019, aucune disposition législative ni règlementaire ne prévoyait que cette déclaration fasse l'objet d'une évaluation environnementale préalable ni que le préfet puisse soumettre, s'il l'estimait nécessaire, l'installation à un examen au cas par cas. Par ailleurs, faute pour la directive précitée du 13 décembre 2011 de comporter des dispositions suffisamment précises et inconditionnelles, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que ce texte imposait en l'espèce la réalisation d'une telle évaluation environnementale. Par ailleurs, en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu des prescriptions ayant été définies par le préfet du Finistère s'agissant notamment de la maîtrise du risque de pollution, que le projet serait susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance du dossier de déclaration en l'absence d'évaluation environnementale, de ce que le préfet devait instruire la demande sous la forme de l'autorisation environnementale après réalisation d'une évaluation environnementale et de l'inconventionnalité des dispositions citées au point 9 doivent être écartés.

13. En troisième lieu, aux termes du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité. (...) ".

14. Les associations requérantes font valoir que le projet d'extension de l'élevage du GAEC B... et le projet de méthaniseur, dont l'approvisionnement sera principalement assuré par le GAEC B..., et qui se situent tous deux sur le même site, au lieudit Kermonoual présentent le caractère d'un projet unique. Il résulte de l'instruction que le GAEC B..., autorisé depuis 2005 à exploiter un élevage avicole et bovin a déposé, le 24 août 2018, une demande d'enregistrement en vue de l'extension de son élevage bovin laitier au lieudit " Kermonoual ". Le préfet a décidé, par un arrêté du 4 juillet 2019 de soumettre cette demande à la procédure de l'autorisation environnementale notamment afin d'évaluer ses impacts sur l'environnement et a invité le GAEC à déposer un dossier à ce titre. Toutefois le GAEC B... n'a pas donné suite à cette invitation et n'a pas déposé de demande d'autorisation environnementale pour l'extension de l'élevage. A cet égard, la circonstance alléguée selon laquelle l'élevage aurait fait l'objet d'une extension irrégulière, en l'absence d'autorisation préfectorale, est sans incidence. Ainsi, à la date de la déclaration de l'unité de méthanisation en cause, aucune demande d'autorisation n'avait été sollicitée par le GAEC B... pour l'extension de son élevage, et ce projet présentait donc un caractère éventuel. Par suite, l'extension de l'élevage du GAEC B... qui présentait un caractère incertain et l'exploitation de l'unité de méthanisation de la société Ecobiommana ne peuvent être regardées comme présentant, à la date de la déclaration de l'unité de méthanisation, le caractère d'un projet unique au sens et pour l'application des dispositions citées au point précédent. Le moyen doit donc être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation du récépissé de déclaration du 16 septembre 2019.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 23 décembre 2020 :

16. Par cet arrêté du 23 décembre 2020, le préfet du Finistère a fixé des prescriptions spéciales à la SARL Ecobiomanna, en application des dispositions de l'article L. 512-12 précité, destinées à s'assurer de la maîtrise du risque de pollution de l'unité de méthanisation. Il a ainsi demandé à l'exploitant de réaliser des plans de coupe de l'ensemble des ouvrages de rétention du site de méthanisation, de justifier des volumes des dispositifs de rétention, de mettre à jour les plans des réseaux d'eau pluviales et des eaux potentiellement souillées, de décrire les dispositifs d'alarme et d'obturation des réseaux destinés à prévenir une fuite de matière vers le milieu naturel, de décrire la procédure de gestion d'un incident susceptible de provoquer une pollution des eaux et de définir le programme de maintenance des ouvrages de rétention et des systèmes d'alarme. Les requérantes ne contestent pas la pertinence de ces prescriptions préfectorales.

17. Les moyens tirés de ce que le dossier de déclaration déposé le 16 septembre 2019 aurait été insuffisant en raison de l'absence d'évaluation environnementale et de la gestion de l'eau et des déchets, de ce que l'opération projetée constituerait un projet unique avec l'extension de l'élevage du GAEC B... et de ce que l'instruction devait être conduite sous la forme d'une procédure d'autorisation environnementale après réalisation d'une évaluation environnementale sont inopérants à l'encontre de l'arrêté du 23 décembre 2020, postérieur au récépissé de déclaration, par lequel le préfet a fixé des prescriptions spéciales pour l'exploitation de l'unité de méthanisation.

18. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2020.

En ce qui concerne la légalité de la décision du préfet du Finistère du 14 janvier 2021 :

19. Par un courrier du 14 janvier 2021, le préfet du Finistère, saisi par l'association Vivre dans les Monts d'Arrée (VMA), a rejeté la demande de cette association tendant à ce que la procédure d'instruction de l'unité de méthanisation soit soumise à autorisation environnementale.

20. A la date de la décision contestée, le 14 janvier 2021, et alors que le préfet avait déjà fixé des prescriptions complémentaires destinées à s'assurer de la maîtrise du risque de pollution de l'unité de méthanisation, il ne résulte pas de l'instruction que l'opération projetée aurait fait l'objet de modifications. Dans ces conditions, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 à 14, les moyens tirés de ce que le dossier de déclaration déposé le 16 septembre 2019 aurait été insuffisant en raison de l'absence d'évaluation environnementale et en ce qui concerne la gestion de l'eau et des déchets, de ce que l'opération projetée constituerait un projet unique avec l'extension de l'élevage du GAEC B... et de ce que la demande devait être instruite sous la forme d'une procédure d'autorisation environnementale après réalisation d'une évaluation environnementale doivent être écartés.

21. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Finistère du 14 janvier 2021.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les associations requérantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des associations requérantes le versement à la SARL Ecobiommana de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Vivre dans les Monts d'Arrée et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SARL Ecobiommana sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vivre dans les Monts d'Arrée, désignée représentante unique en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société Ecobiommana

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00329
Date de la décision : 24/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : DUBREUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-24;24nt00329 ?
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