Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 août 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé, à son encontre, une interdiction de sortie du territoire d'une durée de six mois et a invalidé sa carte d'identité et son passeport, en application de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure, et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de
25 000 euros et de 11 400 euros en réparation des préjudices financier et moral ayant résulté pour lui de l'arrêté du 19 août 2015 portant interdiction de sortie du territoire et des arrêtés des
18 novembre et 18 décembre 2015 portant assignation à résidence, lesdits arrêtés ayant été retirés par le ministre de l'intérieur le 29 janvier 2016.
Par un jugement n° 1518406-1606506 du 7 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 mars 2017, M.A..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1518406-1606506/3-1 du 7 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 août 2015 du ministre de l'intérieur prononçant à son encontre, une interdiction de sortie du territoire d'une durée de six mois et invalidant sa carte d'identité et son passeport, en application de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser deux indemnités de 25 000 euros au titre de son préjudice moral et 11 400 euros au titre de ses pertes financières ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'Etat a engagé sa responsabilité en prenant une décision d'interdiction du territoire puis deux assignations à résidence à son encontre, qui sont entachées d'une erreur quant à la matérialité et l'appréciation des faits.
Par un mémoire, enregistré le 30 juin 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 62 ;
- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. C, président de chambre,
- les conclusions de Mme D, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...sollicite la condamnation de l'Etat à indemniser ses préjudices matériels et moraux imputables aux mesures d'interdiction de sortie du territoire, puis d'assignation à résidence dont il a été l'objet, lesquelles ont été retirées par deux arrêtés du ministre de l'intérieur intervenus le 29 janvier 2016 ; qu'il soutient que ces décisions étaient entachées d'une erreur d'appréciation et ont porté une atteinte illégale à ses droits et libertés ; qu'il relève appel du jugement du 7 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du
19 août 2015 portant interdiction de sortie du territoire pour une durée de 6 mois et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 25 000 euros et de 11 400 euros en réparation des préjudices financier et moraux qu'il affirme avoir subis à raison de cette mesure et des assignations à résidence;
2. Considérant qu'une mesure de police n'est légale que si elle est nécessaire au regard de la situation de fait existant à la date à laquelle elle a été prise, éclairée au besoin par des éléments d'information connus ultérieurement ; que, toutefois, lorsqu'il ressort d'éléments sérieux portés à sa connaissance qu'il existe un danger à la fois grave et imminent exigeant une intervention urgente qui ne peut être différée, l'autorité de police ne commet pas d'illégalité en prenant les mesures qui paraissent nécessaires au vu des informations dont elle dispose à la date de sa décision ; que la circonstance que ces mesures se révèlent ensuite inutiles est sans incidence sur leur légalité mais entraîne l'obligation de les abroger ou de les adapter ;
3. Considérant que le ministre de l'intérieur fait valoir qu'il s'est fondé pour prendre les mesures contestées sur des éléments précis et circonstanciés contenus dans des " notes blanches " des services de renseignement, qui ont été versées au dossier de première instance ;
4. Considérant qu'il ressort de ces notes blanches, qu'à la suite de son incarcération au centre de détention de Bapaume (Pas de Calais), le 16 août 2011, pour des faits de droit commun, M. A... s'est fait remarquer, en 2014, pour sa pratique radicale de l'islam ; qu'il a présenté une demande pour intégrer la même aile de détention que deux autres détenus, qui ont tenté d'organiser une prière collective au sein de l'établissement ; que ces notes mentionnent également que M. A... projetait avec ces deux autres détenus de réaliser une action violente sur le territoire national, visant le réseau ferroviaire pour les fêtes de fin d'année 2014, et qu'ils auraient pris des renseignements concernant le degré de sécurité de la ligne ferroviaire visée par le biais de connaissances situées à l'extérieur de la prison ; qu'en outre, ces notes révèlent que l'intéressé a présenté une demande de passeport, le 25 juin 2015, deux jours avant sa sortie de prison ;
5. Considérant qu'alors même que le ministre de l'intérieur précise que les investigations réalisées par les services de police n'ont pas permis de confirmer l'implication de M. A...dans le projet d'attentat précité, et qu'il a retiré le 29 janvier 2016 les mesures d'interdiction de sortie du territoire et d'assignation à résidence dont M. A...faisait l'objet, il a pu considérer, en l'état des informations dont il disposait alors, qu'à la date de la mesure d'interdiction de sortie du territoire le 19 août 2015, puis à la date des deux arrêtés portant assignation à résidence de l'intéressé les
18 novembre et 18 décembre 2015, dans le contexte particulier faisant suite aux attentats du
13 novembre 2015, il existait de sérieuses raisons de penser que le comportement de l'intéressé constituait une menace pour la sécurité et l'ordre public ; qu'en édictant ces mesures, qui ont un caractère préventif, le ministre de l'intérieur n'a pas commis une erreur d'appréciation, ni porté une atteinte illégale à sa liberté d'aller et venir ; qu'en l'absence d'illégalité affectant ces décisions, le ministre ne peut être regardé comme ayant commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes indemnitaires ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. C, président de chambre,
- Mme E, président assesseur,
- M. F, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2017.
Le président rapporteur,
C Le président assesseur,
E
Le greffier,
GLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01087