Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 mars 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé son pays de renvoi.
Par un jugement n° 1706925/2-2 du 25 septembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 22 mars et le 6 avril 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1706925/2-2 du 25 septembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de la mettre en possession, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 22 mars 2017 a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7ème et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour prononcer une obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête de MmeA....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 9 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...A..., ressortissante mauricienne, née le 19 novembre 1997, est entrée en France le 16 novembre 2010 selon ses déclarations. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par une décision du 22 mars 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 25 septembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2017.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France en novembre 2010, alors âgée de treize ans. Elle a été accueillie par ses grands parents paternels qui sont en situation régulière sur le territoire métropolitain. Toutefois, du fait des relations conflictuelles qu'elle entretient avec eux, elle a fait l'objet, en mai 2014, d'une mesure éducative de placement en milieu ouvert. Elle a alors été prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, le 16 décembre 2014, et a bénéficié d'un contrat jeune majeur. Il ressort des pièces du dossier que parallèlement,
Mme A...a dès son arrivée en France, été inscrite au collège Anne Frank dans le 11ème arrondissement de Paris où elle a suivi une scolarité sérieuse et assidue. Elle a ensuite intégré le lycée hôtelier Guillaume Tirel situé dans le 14ème arrondissement de Paris jusqu'en juillet 2016, date à laquelle elle a obtenu un baccalauréat professionnel. Elle a, entre temps, signé, le 10 novembre 2015, un contrat à durée indéterminée avec la société Zazzen pour exercer, à temps partiel, les fonctions d'éducatrice à domicile et travaille, parallèlement, en tant qu'aide à domicile. Si ses parents, avec lesquels elle a conservé des contacts, résident toujours à l'île Maurice, il ressort des pièces du dossier qu'un retour dans son pays d'origine raviverait d'anciens conflits familiaux. Au demeurant, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en France puisqu'y vit, également en situation régulière, sa grand-mère maternelle chez qui elle loge. Dans ces conditions, compte tenu notamment de l'âge d'entrée sur le territoire de Mme A...et des gages d'insertion dont elle fait preuve, le préfet de police en refusant de faire droit à la demande de titre de l'intéressée a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'appelante.
3. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2017 par lequel le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Le présent arrêt par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A...implique, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de police délivre à l'intéressée le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de l'avocat de MmeA..., sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n°1706925/2-2 du 25 septembre 2017 et l'arrêté du préfet de police du 22 mars 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à l'avocat de Mme A...une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MmeC... A..., à MeB..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU Le président,
B. EVEN
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00964