Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, Mme B...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler le refus implicite de protection fonctionnelle que lui a opposé La Poste et de condamner La Poste à lui verser la somme de 320 000 euros en réparation du préjudice en résultant, et d'autre part, d'annuler la décision du 30 octobre 2015 par laquelle La Poste a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et de condamner La Poste à lui verser la même somme de 320 000 euros, ainsi que 7 591,78 euros au titre des frais de justice exposés.
Par un jugement nos 1517105-1521415/5-2 du 20 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire et des pièces enregistrés le 26 juin 2017 et le 5 juin 2018
MmeD..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1517105-1521415/5-2 du 20 avril 2017 ;
2°) d'annuler les décisions des 17 août et 30 octobre 2015 par lesquelles La Poste a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre à La Poste de lui accorder la protection fonctionnelle à titre rétroactif ;
4°) de condamner La Poste à lui verser une somme totale de 320 000 euros ;
5°) de mettre à la charge de La Poste les dépens, ainsi que le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'existence d'un harcèlement moral ;
- elle a été victime d'un harcèlement moral ayant directement entraîné des préjudices que La Poste doit être condamnée à réparer ;
- les premiers juges ont à tort mis à sa charge la preuve de ce harcèlement ;
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2018, La Poste, représentée par
MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Un mémoire, présenté pour La Poste, a été enregistré le 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- les observations de Me A...pour MmeD..., en présence de l'intéressée,
- et les observations de Me C...pour La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., inspecteur principal du service public des postes et des télécommunications, a opté le 23 novembre 1995, dans le cadre de la réforme des postes et des télécommunications, en application du décret n° 93-514 du 25 mars 1993, pour sa reclassification dans le grade de cadre supérieur de second niveau et a été détachée sur un emploi supérieur de premier niveau, avec effet au 1er janvier 1993. Après avoir déposé auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris une plainte à l'encontre de la société La Poste pour harcèlement moral, discrimination et violation de l'obligation de sécurité et de santé de l'employeur le 1er avril 2015, Mme D...a demandé à La Poste le bénéfice de la protection fonctionnelle. Elle fait appel du jugement du 20 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions implicites, puis explicites, de rejet de cette demande de protection fonctionnelle, et à la condamnation de La Poste à lui verser une somme totale de 320 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement qu'elle estime avoir subi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments avancés au soutien des moyens de la requête, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen, soulevé par MmeD..., tiré de l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
Sur les conclusions aux fins d'annulation du refus de protection fonctionnelle :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
4. Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis.
5. En premier lieu, s'il est constant que la date d'effet de la reclassification et de l'intégration de Mme D...dans le grade de cadre supérieur de second niveau, fixée au
1er janvier 1993, lui a fait perdre le bénéfice de quinze ans de service dans le grade d'inspecteur principal et, en conséquence, le bénéfice du " service actif " permettant de faire valoir ses droits à la retraite avant l'âge de soixante ans, l'intéressée a, en contrepartie, bénéficié d'un complément rétroactif de rémunération avec un indice plus élevé que celui qui aurait résulté de l'option de reclassement qui lui était ouverte en 1995. Le fait de ne pas avoir fait droit à sa demande, présentée en décembre 2006 plus de dix ans après son option pour la reclassification, d'un report de la date d'effet de celle-ci, afin de bénéficier de quinze années de service actif, ne constitue pas un fait susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement, en l'absence de toute obligation de La Poste de faire droit à cette demande. De même, la circonstance, à la supposer établie, que son supérieur hiérarchique lui aurait proposé de faire droit à cette demande en contrepartie d'un départ à la retraite dans un bref délai n'est pas plus susceptible de faire présumer un harcèlement dès lors que le bénéfice du service actif a pour seul effet de permettre un départ à la retraite anticipé.
6. En deuxième lieu, si Mme D...soutient que son affectation, en décembre 2002, à la direction des ressources humaines du métier courrier aurait constitué une sanction déguisée faute de toute attribution réelle, il ressort des pièces du dossier que cette affectation, destinée à mettre fin à des difficultés relationnelles avec ses précédents collègues, s'est accompagnée de l'octroi à l'intéressée de la responsabilité de chef du projet " métiérisation du processus RH " et de responsable du projet " facteurs d'avenir " correspondant à son grade. Il ressort de ces mêmes pièces que son affectation suivante, en mai 2007, auprès du directeur des relations sociales ne constitue pas plus une sanction déguisée, mais la conséquence d'une réorganisation des services avec l'achèvement du projet " facteurs d'avenir ". Si, dans ce poste, jusqu'en février 2008, Mme D...ne s'est pas vu confier de responsabilités correspondant à son grade, les pièces du dossier, et notamment l'attestation de son supérieur hiérarchique et d'une collègue, relèvent un manque d'implication et des difficultés relationnelles rencontrées par l'intéressée, laquelle a, selon ses propres déclarations, retrouvé de réelles responsabilités dès le mois de février 2008 à l'occasion de son affectation à la direction de l'économie et du pilotage, jusqu'à son départ à la retraite en janvier 2015. Si par ailleurs, pendant cette période, Mme D...n'a pas bénéficié d'une évaluation professionnelle pour les années 2007, 2009, 2010 et 2011, cette circonstance n'a en tout état de cause pas préjudicié à la progression de sa carrière, l'intéressée ayant été promue, en juin 2002, au grade de directeur départemental, puis en novembre 2009 au grade de directeur régional. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que durant cette période le niveau de primes attribué à MmeD..., lequel est fonction de la manière de servir, n'aurait pas évolué dans la moyenne des primes attribuées aux agents de même grade.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le refus de formation opposé à Mme D...en décembre 2014 n'a pour motif que le coût de la formation sollicitée, l'intéressée ayant refusé la proposition de formation équivalente mais moins onéreuse qui lui a été faite par La Poste. La circonstance qu'un autre agent de La Poste aurait bénéficié d'une formation plus onéreuse, avancée sans plus de précisions par MmeD..., est à cet égard sans incidence sur la qualification du refus qui lui a été opposé.
8. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges, qui n'ont pas fait peser sur Mme D...la charge de la preuve du harcèlement dont elle faisait état, ont considéré que les faits établis n'étaient pas, isolément ou pris dans leur ensemble, susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement. En conséquence, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a rejeté sa demande d'annulation de la décision refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sollicitée en raison d'une situation de harcèlement.
Sur les conclusions indemnitaires :
9. En l'absence de toute faute commise par La Poste, les conclusions indemnitaires présentées par Mme D...ne peuvent qu'être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de
Mme D...une somme de 2 000 euros à verser à La Poste sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Mme D...versera à La Poste une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre des frais de justice.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et à La Poste.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02151