Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande, enregistrée sous le n° 1606347, M. D... F..., M. B... C... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler, pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté n°15-DCR-BC-117 du 18 novembre 2015 du préfet de Seine-et-Marne en tant qu'il fixe une réglementation autonome concernant le régime des taxis sur le territoire des communes de Bailly-Romainvilliers, Chessy, Magny-le-Hongre, Coupvray et Serris réduisant ainsi le périmètre correspondant à la zone unique de prise en charge (ZUPEC) de Val d'Europe-Chessy et, d'autre part, l'arrêté n° 16-DCR-BC-029 du 16 juin 2016 de la même autorité qui limite à cinquante-deux le nombre de taxis autorisés à exercer dans la ZUPEC de Val d'Europe-Chessy.
Par une seconde demande, enregistrée sous le n° 1608687, M. D... F..., M. B... C... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 400 000 euros, 300 700 euros et 403 750 euros, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement en réparation du préjudice financier qu'ils subissent du fait de l'interdiction de stationner à la gare de Chessy ou, à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise afin d'évaluer leur préjudice.
Par un jugement n°s 1606347, 1608687 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2018 et 26 mars 2019, M. F..., M. C... et M. E..., représentés par Me G..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1606347, 1608687 du 19 octobre 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté n° 15-DCR-BC-117 du 18 novembre 2015 du préfet de Seine-et-Marne en tant qu'il fixe une réglementation autonome concernant le régime des taxis sur le territoire des communes de Bailly-Romainvilliers, Chessy, Magny-le-Hongre, Coupvray et Serris ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté n° 16-DCR-BC-029 du 16 juin 2016 de cette même autorité ;
4°) de condamner l'Etat à verser à M. F... la somme de 400 000 euros, à M. C... la somme de 300 700 euros et à M. E... la somme de 403 750 euros, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, en réparation du préjudice financier qu'ils ont subi ;
5°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'évaluer leur préjudice ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leurs demandes sont recevables dès lors que l'arrêté du 18 novembre 2015 ne leur pas été notifié alors qu'il constitue une série d'actes individuels, ni l'arrêté du 16 juin 2016 ;
- le tribunal ne pouvait pas juger, sans contradiction de motifs, d'une part que leur préjudice n'était pas indemnisable dès lors que leurs autorisations de stationnement étaient par nature révocables reconnaissant ainsi qu'ils étaient visés par la réduction du nombre d'autorisations de stationnement prévue par l'arrêté du 16 juin 2016 et, d'autre part, qu'ils n'avaient pas d'intérêt à agir contre cet arrêté ;
- ils ont un intérêt direct à agir contre l'arrêté du 16 juin 2016 qui en restreignant le nombre de taxis à pouvoir exercer dans le périmètre de la ZUPEC les a exclus de ce périmètre ;
- les arrêtés contestés ont été pris par une autorité incompétente ; l'administration ne justifie pas que les conditions prévues par l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales aient été remplies autorisant le préfet à édicter ces arrêtés ; au demeurant, seules les " communes de rattachement " qui ont délivré les autorisations de stationnement, qui sont des décisions créatrices de droit, ont compétence pour les modifier ;
- les arrêtés contestés, qui constituent des actes individuels déguisés les excluant du droit d'exercer leur activité de chauffeur de taxis en gare de Chessy, ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ; aucune concertation, ni procédure contradictoire n'ont été organisées ; ils n'ont pas eu accès au dossier alors que les chauffeurs de taxi concurrents étaient représentés au sein de la commission départementale de taxis par l'intermédiaire de leurs syndicats ;
- l'arrêté du 16 juin 2016, qui supprime cinq autorisations de stationnement, est insuffisamment motivé ;
- les arrêtés contestés méconnaissent le principe d'égalité ;
- ils portent atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, à la liberté d'établissement, au principe de libre concurrence et aux " règles de bonne concurrence " sans que ces atteintes soient justifiées par un motif d'intérêt général ; ces atteintes sont en tout état de cause disproportionnées au regard des objectifs d'ordre public recherchés ; aucune loi n'autorise le préfet de Seine-et-Marne a porté atteinte à leur liberté d'entreprendre et à celle d'exercer leur activité professionnelle ;
- la perspective future et incertaine du transfert du pouvoir de police concernant les autorisations de stationnement des taxis des communes concernées au président de la communauté d'agglomération du SAN Val d'Europe ne peut justifier, avant un transfert effectif, la restriction à une liberté publique ;
- les arrêtés sont fondés sur des motifs contradictoires ; en effet, le préfet de Seine-et-Marne ne pouvait se fonder sur la future délégation de compétence à la communauté d'agglomération du SAN Val d'Europe pour justifier la réduction du périmètre de la ZUPEC tout en relevant que deux des cinq communes concernées refusent de transférer leur pouvoir de police concernant les autorisations de stationnement des taxis au président de la communauté d'agglomération du SAN Val d'Europe ; ces arrêtés sont ainsi entachés d'excès de pouvoir et subsidiairement d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le motif de l'urgence ou de la nécessité publique n'était pas justifié alors qu'au demeurant les communes de Montry et de Saint-Germain-sur-Morin ont décidé de rejoindre en 2020 la communauté d'agglomération du SAN Val d'Europe ;
- la tardiveté des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2015 n'est pas opposable aux conclusions indemnitaires fondées sur une rupture d'égalité devant les charges publiques ;
- leurs créances ne sont pas prescrites ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée sur le terrain de la rupture d'égalité devant les charges publiques ; c'est à tort que le tribunal a jugé que les autorisations de stationnement revêtaient un caractère précaire et révocable qui faisait obstacle à ce que le titulaire d'une telle autorisation puisse obtenir réparation de son préjudice anormal et spécial ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'ils n'avaient pas contesté les motifs d'intérêt général sur lesquels s'est fondé le préfet de Seine-et-Marne dans son arrêté du 18 novembre 2015 ; le transfert hypothétique de compétences des communes concernées au président de l'EPIC SAN du Val d'Europe ne peut constituer un motif d'intérêt général justifiant la réduction du périmètre de la ZUPEC Val d'Europe, l'interdiction pour eux d'exercer leurs activités professionnelles dans des conditions rentables et l'effondrement de la valeur patrimoniale de leurs autorisations de stationnement ;
- ils justifient d'un préjudice grave, anormal et spécial du fait de la réduction du périmètre de clientèle ; leur activité professionnelle quotidienne a diminué de plus de la moitié ; alors qu'ils avaient investi dans les licences en cause au regard du droit de prise en charge en gare de Chessy, la valeur vénale de ces licences a fortement diminué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2019, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., avocat de M. F..., M. C... et M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 mars 1992, modifié le 18 juin 1992, le préfet de Seine-et-Marne a fixé une réglementation autonome concernant le régime des taxis sur le territoire de dix communes et a ainsi institué la zone unique de prise en charge (ZUPEC) Val d'Europe destinée à pourvoir aux besoins importants de desserte du parc Disneyland Paris qui a ouvert le 12 avril 1992. La ZUPEC Val d'Europe comprenait notamment les communes de Montry et de Saint-Germain-sur-Morin. M. F..., M. E... et M. C... sont titulaires d'autorisations de stationnement délivrées respectivement les 28 juillet 2000, 4 mars 2011 et 19 juin 2006 par la commune de Saint-Germain-sur-Morin, d'une part, et, par la commune de Montry, d'autre part, pour exercer la profession de chauffeurs de taxis. Par un arrêté du 18 novembre 2015, le préfet de Seine-et-Marne a notamment réduit le périmètre de la ZUPEC aux cinq communes qui ont constitué le syndicat d'Agglomération Nouvelle du Val d'Europe dont les communes de Montry et de Saint-Germain-sur-Morin ne font pas parties et a fixé à 57 le nombre de taxis autorisés à exercer dans ce nouveau périmètre. Par une ordonnance du 10 février 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu l'exécution de cet arrêté en tant qu'il fixe à 57 au lieu de 52 le nombre de taxis autorisés à exercer dans la ZUPEC. Par un nouvel arrêté du 16 juin 2016, le préfet de Seine-et-Marne a fixé à 52 le nombre de taxis autorisés à exercer dans la zone en cause. M. F..., M. E... et M. C... relèvent appel du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande aux fins d'annulation des arrêtés des 18 novembre 2015 et 16 juin 2016 ainsi que leur demande indemnitaire.
Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 18 novembre 2015 :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".
3. L'arrêté du 18 novembre 2015 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a adopté une réglementation autonome concernant le régime des taxis sur le territoire des communes de Bailly-Romainvilliers, Chessy, Magny-le-Hongre, Coupvray et Serris, a créé sur ce périmètre une zone unique de prise en charge, a fixé à cinquante-sept le nombre de taxis à pouvoir exercer dans ce périmètre et a déterminé les conditions de prise en charge dans cette zone pour les taxis du périmètre et pour ceux des communes extérieures à ce périmètre, présente un caractère réglementaire. Contrairement à ce que soutiennent les requérants en appel, cet arrêté ne comporte aucune décision individuelle, même s'il a pour effet de leur interdire de stationner dans la zone unique de prise en charge en dehors des périodes fixées en son article 8. Cet arrêté n'avait donc pas à être notifié aux requérants concomitamment à sa publication. Il a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Seine-et-Marne n° 121 du 24 novembre 2015. Or, la demande de M. F..., M. C... et M. E... tendant à l'annulation de cet arrêté n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun que le 28 juillet 2016, soit après l'expiration du délai de deux mois fixé par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit qu'en jugeant que les conclusions présentées par M. F..., M. C... et M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2015 étaient irrecevables pour tardiveté, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les conclusions présentées par M. F..., M. C... et M. E... tendant à l'annulation du jugement du 19 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 18 novembre 2015 doivent être rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 16 juin 2016 :
5. Les requérants n'apportent aucun élément de droit ou de fait nouveau devant la Cour de nature à remettre en cause le raisonnement des premiers juges quant à l'irrecevabilité de leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2016 pour défaut d'intérêt à agir. Il y a lieu ainsi, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de confirmer l'irrecevabilité de ces conclusions. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires :
6. En se bornant à soutenir que la réduction du périmètre de la ZUPEC qui a eu pour effet de leur interdire de stationner dans cette zone en dehors des périodes de stationnement autorisées à l'ensemble des chauffeurs de taxis de Seine-et-Marne a conduit à une diminution de leur clientèle à hauteur de 50 % sans l'établir par la production de pièces justificatives, les documents versés au dossier portant sur la période antérieure à 2017, les requérants ne justifient pas avoir subi, en tout état de cause, des préjudices du fait de la perte de chiffre d'affaires et de la dépréciation consécutive de la valeur vénale de leurs licences de taxi, au surplus, en l'absence de vente des licences, ce dernier préjudice ne présenterait qu'un caractère éventuel. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. F..., M. C... et M. E... ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, que M. F..., M. C... et M. E... ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du 19 octobre 2018 du tribunal administratif de Melun. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F..., M. C... et M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., M. B... C... et M. A... E..., au ministre de l'intérieur et au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme H..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.
Le rapporteur,
V. H...Le président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03877