Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse F... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision implicite de rejet opposée par le président de la Polynésie française à sa demande de création d'une officine pharmaceutique à titre dérogatoire sur l'île de Bora Bora.
Par un jugement n° 1800143 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 décembre 2018 et 7 mai 2019, Mme B... épouse F..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 11 décembre 2018 ;
2) d'annuler la décision implicite de rejet opposée par le président de la Polynésie française à sa demande du 30 novembre 2017 de création d'une officine pharmaceutique à titre dérogatoire sur l'île de Bora Bora ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 282 500 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le seuil de 7 000 habitants prévu par la délibération n° 88-153/AT du 20 octobre 1988 de l'assemblée de la Polynésie française, modifiée, relative à certaines dispositions concernant l'exercice de la pharmacie a été abaissé à 5 000 habitants par l'article 10 de la " loi du pays " n° 2018-34 LP/APF modifiant les conditions de création des officines de pharmacie et certaines dispositions relatives à l'exercice de la pharmacie, ce qui établit que la Polynésie française reconnaît la nécessité d'une officine par tranche de 5 000 habitants pour répondre aux besoins de la population ;
- la population de Bora Bora s'élève à 10 549 habitants au dernier recensement de décembre 2017 ;
- la population saisonnière ne doit pas être considérée de manière différente de la population résidente en terme de besoins de médicaments ;
- la population de Maupiti doit être prise en compte dès lors qu'elle ne peut s'approvisionner en médicaments qu'à Bora Bora qui est l'île la plus proche ;
- l'emplacement choisi pour la future officine se situe dans la zone la plus peuplée répondant ainsi aux besoins du plus grand nombre d'habitants et à l'accroissement des besoins par la fréquentation touristique de l'île en étant au plus près des hôtels et pensions de famille et également à proximité des lieux d'exercice des professionnels de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2019, la Polynésie française, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme B... épouse F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Un mémoire a été enregistré le 5 juillet 2019 pour Mme B... épouse F....
Par ordonnance du 19 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- le décret n° 2017-1681 du 13 décembre 2017 ;
- la délibération n° 88-153/AT du 20 octobre 1988 de l'assemblée de la Polynésie française, modifiée, relative à certaines dispositions concernant l'exercice de la pharmacie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse F..., docteur en pharmacie, a sollicité, le 30 novembre 2017, la création, à titre dérogatoire, ainsi que l'autorisation d'exploitation d'une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora, centre commercial Résidence Alana, à Nunue. A défaut de réponse de la Polynésie française dans le délai de quatre mois prévu par l'article 27 de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 modifiée, une décision implicite de rejet lui a été opposée. Elle relève appel du jugement n° 1800143 du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 25 de la délibération susvisée du 20 octobre 1988 : " Les créations et les transferts d'officines de pharmacie ouvertes au public doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. / [...] ". Aux termes de l'article 26 de ladite délibération : " En Polynésie française, nul ne peut être autorisé à créer une officine de pharmacie s'il ne peut justifier en sus des conditions imposées par l'article 4, de dix années de résidence sur le territoire. / Dans les communes et dans les îles d'une population inférieure à 7 000 habitants, il ne peut être délivré plus d'une licence d'officine de pharmacie. / Dans les communes d'une population supérieure à 7 000 habitants à l'exception de la commune de Papeete et de Faaa, il ne peut être délivré plus d'une licence par tranche entière de 7 000 habitants. [...] / Si les besoins de la population l'exigent, des dérogations aux règles fixées aux alinéas précédents peuvent être accordées, après avis de la commission de régulation, mentionnée au chapitre IV du présent titre, du président du conseil de l'ordre des pharmaciens de la Polynésie française et des présidents des syndicats professionnels. A l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de l'accusé de réception de la saisine, les avis des présidents de l'ordre et des syndicats professionnels sont réputés favorables. / La population dont il est tenu compte est la population municipale totale, telle qu'elle est définie par le décret ayant ordonné le dernier dénombrement général de la population. Toutefois, il pourra être tenu compte de la population définie par le décret ayant ordonné un dénombrement complémentaire de la population. / [...] / La distance à respecter entre une officine existante et une officine à créer est fixée [...], à 1 000 mètres dans les autres communes. [...]". La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée .... L'administration peut toutefois tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de création ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du dernier recensement dont les résultats ont été authentifiés par le décret n° 2017-1681 du 13 décembre 2017, que la population de la commune de Bora Bora était de 10 605 habitants en 2017, 3 395 habitants faisant ainsi défaut pour atteindre le seuil de 14 000 habitants permettant l'ouverture de droit d'une deuxième officine de pharmacie sur le territoire de cette commune. La circonstance que le seuil de 7 000 habitants prévu par l'article 26 précité de la délibération n° 88-153/AT du 20 octobre 1988 a été abaissé à 5 000 habitants par l'article 10 de la " loi du pays " n° 2018-34 LP/APF modifiant notamment les conditions de création des officines de pharmacie, qui n'était pas entré en vigueur à la date de la décision attaquée, ne permet, en tout état de cause, pas de tenir pour établi, contrairement à ce que soutient la requérante, que la Polynésie française a reconnu la nécessité d'une officine par tranche de 5 000 habitants pour répondre aux besoins de la population. Par suite, une telle officine ne pouvait légalement être créée, à la date de la décision attaquée, qu'à titre dérogatoire par le président de la Polynésie française s'il considère que les besoins de la population l'exigent au sens des dispositions précitées de l'article 26 de la délibération susvisée du 20 octobre 1988 en prenant en compte ses besoins particuliers et réels et en incluant non seulement la population recensée comme résidente mais, également, la population saisonnière et celle résultant d'un accroissement futur d'ores et déjà certain du nombre d'habitants à la date de l'autorisation sollicitée.
4. En second lieu, si Mme B... épouse F... fait valoir, d'une part, que la population de l'île Maupiti, où résident 1 223 habitants, doit être prise en compte pour l'appréciation des besoins, dès lors que cette population ne peut s'approvisionner en médicaments qu'à Bora Bora, qui est l'île la plus proche, ainsi que la présence journalière moyenne de 1 260 touristes sur l'île de Bora Bora, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ces allégations, alors en particulier que la population saisonnière ne recourt qu'accessoirement au système médical de l'île. Si, Mme B... épouse F... fait également valoir que l'emplacement choisi pour la future officine se situe dans la zone la plus peuplée de l'île, au plus près des hôtels et des pensions de famille, et à proximité d'un centre médical, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'installation d'une officine à 1,2 km de celle déjà existante, située dans le même secteur de Vaitape répondrait à des besoins de la population qui ne seraient pas satisfaits.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... épouse F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme B... épouse F... la somme qu'elle demande au titre des frais liés à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions, lesquelles ne sont au demeurant pas chiffrées, de la Polynésie française tendant à la condamnation de Mme B... épouse F... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse F... et au gouvernement de la Polynésie française.
Copie en sera adressée à la commune de Bora Bora.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
Le rapporteur,
A. A...Le président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA04076