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10/07/2020 | FRANCE | N°19PA01224

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2020, 19PA01224


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société France Pac Environnement a demandé, à titre principal, l'annulation de la décision du 3 octobre 2017 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est lui a infligé une amende de 12 000 euros pour avoir manqué à son obligation de vigilance en ce qui concerne le respect, par la société Neo Concept Habitat, de ses obligations de déclaration de détachement de trois salariés et de désignation d'un rep

résentant de l'entreprise prestataire sur le territoire français et, à titre s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société France Pac Environnement a demandé, à titre principal, l'annulation de la décision du 3 octobre 2017 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est lui a infligé une amende de 12 000 euros pour avoir manqué à son obligation de vigilance en ce qui concerne le respect, par la société Neo Concept Habitat, de ses obligations de déclaration de détachement de trois salariés et de désignation d'un représentant de l'entreprise prestataire sur le territoire français et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette amende au moins de moitié.

Par un jugement n° 1719250/3-1 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2019, la société France Pac Environnement, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1719250/3-1 du 26 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2017 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est lui a infligé une amende de 12 000 euros pour avoir manqué à son obligation de vigilance en ce qui concerne le respect, par la société Neo Concept Habitat, de ses obligations de déclaration de détachement de trois salariés et de désignation d'un représentant de l'entreprise prestataire sur le territoire français ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette amende au moins de moitié ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit dès lors que les obligations de déclaration de détachement et de désignation d'un représentant de l'entreprise prestataire ne s'appliquent pas lorsque les salariés concernés sont de nationalité française selon les dispositions des articles L. 1262-2-1 et suivants du code du travail ;

- son sous-traitant, la société Neo concept habitat, lui a toujours indiqué que les salariés qu'elle faisait intervenir sur les chantiers en France étaient de nationalité française ;

- la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est n'a pas respecté les critères de fixation du montant de l'amende prévus par l'article L. 1264-3 du code du travail alors que le législateur n'a pas souhaité appliquer les mêmes montants d'amende à l'employeur et au donneur d'ordre, que c'est la première fois qu'il lui est reproché ce type d'infraction et qu'elle a toujours répondu aux demandes d'information et aux courriers qui lui ont été adressés par la direction régionale des entreprises ;

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit dès lors que le montant maximum de l'amende ne pouvait lui être infligé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société France Pac Environnement est spécialisée dans le secteur d'activité des travaux d'installation d'équipements thermiques et de climatisation. Au cours du contrôle effectué par l'inspection du travail le 9 juin 2016 sur un chantier de dépose de panneaux photovoltaïques en toiture situé à Moriville dans le département des Vosges, a été constatée la présence de trois salariés de nationalité roumaine en situation de travail, qui avaient été détachés par la société roumaine Neo Concept Habitat, sous-traitant, pour le compte de la société donneur d'ordre France Pac Environnement, sans qu'aucune déclaration préalable de détachement ni aucune désignation d'un représentant en France pendant la durée de la prestation n'ait été transmise à l'inspection du travail. Par décision du 3 octobre 2017, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est a infligé à la société France Pac Environnement une amende de 2 000 euros par salarié concerné et par manquement constaté, soit un montant total de 12 000 euros, suite à la méconnaissance de son obligation de vigilance en tant que donneur d'ordre ou maître d'ouvrage concernant la vérification du respect par son sous-traitant des déclarations préalables et désignations précitées. La société France Pac Environnement relève appel du jugement du tribunal administratif de Paris n° 1719250/3-1 du 26 février 2019 rejetant sa demande dirigée contre la décision du 3 octobre 2017.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 1261-3 du code du travail : " Est un salarié détaché au sens du présent titre tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national dans les conditions définies aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 ". Aux termes de l'article L. 1262-2-1 du même code : " I. - L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation. II. - L'employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l'entreprise sur le territoire national, chargé d'assurer la liaison avec les agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 pendant la durée de la prestation ". Aux termes de l'article L. 1262-4-1 du même code : " I. - Le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage qui contracte avec un prestataire de services qui détache des salariés, dans les conditions mentionnées aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, vérifie auprès de ce dernier, avant le début du détachement, qu'il s'est acquitté des obligations mentionnées aux I et II de l'article L. 1262-2-1. A défaut de s'être fait remettre par son cocontractant une copie de la déclaration mentionnée au I de l'article L. 1262-2-1, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre adresse, dans les quarante-huit heures suivant le début du détachement, une déclaration à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation ". Aux termes de l'article R. 1263-12 du même code : " Le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre qui contracte avec un employeur établi hors de France demande à son cocontractant, avant le début de chaque détachement d'un ou de plusieurs salariés, les documents suivants : a) Une copie de la déclaration de détachement effectuée sur le télé-service " SIPSI " du ministère chargé du travail, conformément aux articles R. 1263-5 et R. 1263-7 ; b) Une copie du document désignant le représentant mentionné à l'article R. 1263-2-1 ". Aux termes de l'article L. 1264-2 du même code : " II. - La méconnaissance par le maître d'ouvrage de l'obligation mentionnée au II de l'article L. 1262-4-1 est passible d'une amende administrative, dans les conditions prévues à l'article L. 1264-3, lorsque l'un des sous-traitants directs ou indirects de ses cocontractants ou l'une des entreprises exerçant une activité de travail temporaire ne s'est pas acquitté de l'obligation mentionnée au I de l'article L. 1262-2-1. La méconnaissance par l'entreprise utilisatrice de l'obligation mentionnée au IV de l'article L. 1262-2-1 est passible d'une amende administrative dans les conditions prévues à l'article L. 1264-3 ". Aux termes de l'article L. 1264-3 du même code : " (...) Le montant de l'amende est d'au plus 2 000 € par salarié détaché et d'au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l'amende ne peut être supérieur à 500 000 €. Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges. (...) ".

3. En premier lieu, la société France Pac Environnement soutient, d'une part, que son sous-traitant, la société Neo concept habitat, lui a toujours indiqué que les salariés qu'elle faisait intervenir sur les chantiers en France étaient de nationalité française et, d'autre part, que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit dès lors qu'en application des dispositions des articles L. 1262-2-1 et suivants du code du travail, les obligations de déclaration de détachement et de désignation d'un représentant de l'entreprise prestataire ne s'appliquent pas lorsque les salariés concernés sont de nationalité française. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 1261-3 du code du travail précité que la définition du salarié détaché ne comporte aucune référence à la nationalité du salarié, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, mais comprend trois critères cumulatifs selon lesquels est un salarié détaché, tout salarié d'un employeur établi et exerçant son activité à l'étranger qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci à l'étranger, exécute son travail en France à la demande de cet employeur pendant une durée limitée, critères dont il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas allégué qu'ils ne seraient pas remplis en l'espèce. En conséquence, les moyens sus analysés ne peuvent qu'être écartés.

4. En second lieu, la société France Pac Environnement soutient que la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est n'a pas respecté les critères de fixation du montant de l'amende prévus par l'article L. 1264-3 du code du travail dès lors que le législateur n'a pas souhaité appliquer les mêmes montants d'amende à l'employeur et au donneur d'ordre et que c'est la première fois qu'il lui est reproché ce type d'infraction, qu'elle a toujours répondu aux demandes d'information et aux courriers qui lui ont été adressés par la direction régionale des entreprises et que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit dès lors que le montant maximum de l'amende ne pouvait lui être infligé. La société France Pac Environnement n'apportant en cause d'appel aucun élément nouveau au soutien de sa contestation du montant des amendes qui lui a été infligé, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que l'amende serait disproportionnée par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 5 du jugement attaqué.

5. Il résulte de ce qui précède que la société France Pac Environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué , le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société France Pac Environnement au titre des frais de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société France Pac Environnement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société France Pac Environnement et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail du Grand Est.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

Le président de la formation de jugement,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA01224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01224
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-032 Travail et emploi. Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MARCIANO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;19pa01224 ?
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