La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2020 | FRANCE | N°19PA03763

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 03 décembre 2020, 19PA03763


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Renovavenir a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler la décision du 6 juin 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement du travailleur étranger dans son pays d'origine et de la décharger de l'obligation de payer ces contributions et, à ti

tre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale mise à sa cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Renovavenir a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler la décision du 6 juin 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement du travailleur étranger dans son pays d'origine et de la décharger de l'obligation de payer ces contributions et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale mise à sa charge.

Par un jugement n° 1707938 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2019, la société Renovavenir, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707938 du 20 septembre 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 6 juin 2017 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

à titre subsidiaire

3°) de moduler le montant de la contribution spéciale en fonction de la gravité de la faute commise en application de la décision n° 392578 du Conseil d'Etat du 25 octobre 2017 ;

4°) de réduire le montant de la contribution spéciale à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti en application de l'article R. 8253-2 du code du travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement de la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle est fondée sur le seul procès-verbal du 25 octobre 2016 et que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas procédé à l'examen des moyens qu'elle a présentés ;

- le procès-verbal du 25 octobre 2016 ne lui a pas été communiqué ;

- elle n'a pas été mise à même de demander la communication de son dossier en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration et du principe des droits de la défense ; elle a ainsi été privée d'une garantie ;

- la seule présence du ressortissant étranger dans le véhicule de la société ne saurait établir que celui-ci était en action de travail et dans ces conditions, l'infraction n'est pas matériellement constatée ;

- la transposition en droit interne de la directive 2009/52/CE du 18 juin 2009 est incomplète ou incorrecte dès lors que la contribution spéciale n'est pas, au sens de cette directive, proportionnée ;

- le juge administratif doit procéder à un contrôle de proportionnalité entre les faits reprochés et la sanction prise par l'administration en application de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- au vu de l'augmentation du taux horaire du minimum garanti depuis la décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 1999 et de la jurisprudence récente du Conseil d'Etat en matière de contravention de grande voirie et dès lors que la contribution spéciale et la contribution forfaitaire relèvent également du contentieux répressif, le juge administratif doit moduler l'application du barème résultant des dispositions des articles L. 8253-1 et suivants et R. 8253-2 du code du travail en fonction de la gravité de la faute commise, de ses conséquences pour l'entreprise, du caractère isolé du manquement et de la brièveté de la relation de travail ;

- le taux de la contribution spéciale doit être réduit en application du III de l'article R. 8253-2 du code du travail dès lors que le manquement reproché ne concerne qu'un seul salarié ;

- l'article 3 de la directive du 18 juin 2009 ne prévoit le paiement des frais de retour que dans les cas où une procédure de retour est engagée ; elle a été transposée en droit interne de manière incomplète ou incorrecte ;

- l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'apportant pas la preuve qu'une procédure de retour a été engagée à l'encontre du salarié étranger, elle n'est pas redevable de la contribution forfaitaire des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Renovavenir au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2009/52/CE du parlement européen et du conseil du 18 juin 2009 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la société Renovavenir.

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 octobre 2016, lors d'un contrôle routier sur le territoire de la commune de Maincy (Seine-et-Marne), les services de gendarmerie ont constaté la présence à bord d'un véhicule utilitaire appartenant à la société Renovavenir du gérant de la société et d'un ressortissant turc dépourvu de titre de séjour et d'autorisation de travail et qui n'avait pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche. Par une décision du 6 juin 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société Renovavenir la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-3 du code du travail, d'un montant de 17 600 euros, ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un montant de 2 309 euros. Le recours gracieux formé par la société Renovavenir à l'encontre de cette décision a été rejeté par une décision de l'OFII du 7 août 2017. La direction générale des finances publiques de l'Essonne a émis deux titres de perception le 27 juillet 2017 pour le recouvrement de la contribution spéciale et la contribution forfaitaire mises à la charge de la société Renovavenir par l'OFII. La société Renovavenir relève appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juin 2017.

Sur la régularité de la procédure suivie par l'OFII :

2. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense, applicable même sans texte, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise d'ailleurs désormais que les sanctions " n'interviennent qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".

3. Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'OFII en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de cette contribution, qui revêt le caractère d'une sanction administrative. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptible de donner lieu à des poursuites pénales.

4. Le directeur général de l'OFII a informé la société Renovavenir, par un courrier en date du 2 février 2017 reçu le 3 février 2017, qu'un procès-verbal du 25 octobre 2016 établissait qu'elle avait employé un salarié étranger, dont le nom figurait en annexe de ce courrier, démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée et de titre de séjour, qu'elle était donc susceptible, indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées, de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. La société Renovavenir a ainsi été informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de solliciter en temps utile la communication du procès-verbal du 25 octobre 2016, l'OFII n'étant pas tenue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ou par toute autre disposition de l'inviter à demander la communication de son dossier. Il est constant que la société Renovavenir, qui a pourtant présenté des observations par un courrier en date du 6 février 2017, n'a demandé à l'OFII la communication de ce procès-verbal que lors de son recours gracieux formé le 4 juillet 2017 contre la décision du 6 juin 2017 mettant à sa charge les contributions en litige. La demande de communication de la société Renovavenir étant intervenue après que la sanction à son encontre soit prononcée par l'OFII et alors qu'elle avait été mise à même de faire sa demande en temps utile, l'OFII n'était pas tenue de lui communiquer le procès-verbal du 25 octobre 2016. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la contribution spéciale en litige aurait été établie à l'issue d'une procédure méconnaissant le principe général des droits de la défense et le principe du contradictoire.

Sur la motivation de la décision du 6 juin 2017 et l'examen de son dossier :

5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. La décision du 6 juin 2017 du directeur général de l'OFII vise les articles L. 8251-1, L. 8253-1, R. 8253-4 et R. 8253-2 du code du travail et mentionne le procès-verbal établi à la suite du contrôle du 25 octobre 2016 au cours duquel l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail a été constatée. Elle précise le montant de la somme due et mentionne en annexe le nom du salarié concerné. Ainsi, la décision du 6 juin 2017 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le directeur général de l'OFII n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des observations présentées par la société Renovavenir dans sa lettre du 6 février 2017. Il s'ensuit que la décision du 6 juin 2017 du directeur général de l'OFII, qui a en outre procédé à l'examen particulier du dossier de la société Renovavenir, est suffisamment motivée. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision.

Sur le bien-fondé des contributions :

7. L'article L. 8251-1 du code du travail dispose que : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". L'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. (...) ".

8. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient également de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.

9. Il résulte des mentions du procès-verbal d'infraction établi le 25 octobre 2016, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que M. A..., gérant de la société Renovavenir, a indiqué lors du contrôle routier qu'il se rendait avec la personne présente dans le véhicule utilitaire appartenant à la société Renovavenir dans une enseigne de bricolage afin de récupérer du matériel professionnel pour un chantier. Il ressort du même procès-verbal que le ressortissant étranger possédait la carte de la société Renovavenir dans son portefeuille et que son sac à dos contenait deux " gamelles avec des denrées alimentaires " et qu'en outre, se trouvaient à l'arrière du véhicule deux sacs remplis de vêtements. M. A... a déclaré que ce ressortissant étranger était un ami qui l'aidait à " aller chercher du matériel de chantier ", qu'il devait le déposer à la gare avant de se rendre sur un chantier et qu'il " testait sa connaissance du matériel afin d'envisager une embauche ". Toutefois, ces allégations sont peu vraisemblables dès lors notamment qu'il ressort des déclarations de M. A... que la société Renovavenir était constituée seulement de M. A..., de son frère et d'un ouvrier engagé en contrat à durée indéterminée et qu'elle avait cependant trois chantiers en cours respectivement de maçonnerie, de peinture avec pose de parquet et de motorisation de portail et d'installation de clôture. Il ressort par ailleurs de ce même procès-verbal que la personne présente dans le véhicule, de nationalité turque, était dépourvue de titre de séjour et d'autorisation de travail en France. Dans ces conditions, la matérialité des faits reprochés à la société Renovavenir doit être tenue pour établie. Par suite, c'est à bon droit que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, sur la base de ces constatations, mis à la charge de la société Renovavenir les contributions spéciale et forfaitaire en litige.

Sur la transposition en droit interne de l'article 5 de la directive n° 2009/52/CE du parlement européen et du conseil du 18 juin 2009 :

10. La société requérante soutient que la transposition en droit interne de la directive 2009/52/CE du 18 juin 2009 est incomplète ou incorrecte dès lors que la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-3 du code du travail n'est pas, au sens de cette directive, proportionnée.

11. Aux termes de l'article 3 " Interdiction de l'emploi illégal " de la directive n° 2009/52/CE du parlement européen et du conseil du 18 juin 2009 : " 1. Les États membres interdisent l'emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. 2. Les infractions à cette interdiction sont passibles des sanctions et des mesures fixées dans la présente directive. 3. Un État membre peut décider de ne pas appliquer l'interdiction visée au paragraphe 1 aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dont l'éloignement a été reporté et qui sont autorisés à travailler conformément au droit national. ". Aux termes de l'article 5 " Sanctions financières " de cette même directive : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour s'assurer que les violations de l'interdiction visée à l'article 3 sont passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives à l'encontre de l'employeur concerné. 2. Les sanctions infligées en cas de violation de l'interdiction visée à l'article 3 comportent : a) des sanctions financières dont le montant augmente en fonction du nombre de ressortissants de pays tiers employés illégalement; et b) le paiement des frais de retour des ressortissants de pays tiers employés illégalement dans les cas où une procédure de retour est engagée. Les États membres peuvent alternativement décider de refléter au moins les coûts moyens du retour dans les sanctions financières prises conformément au point a). 3. Les États membres peuvent prévoir une réduction des sanctions financières lorsque l'employeur est une personne physique qui emploie un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier à ses fins privées et lorsqu'il n'y a pas de conditions de travail particulièrement abusives. ".

12. Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. -Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ".

13. Les dispositions des articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail citées aux points 7 et 12 du présent arrêt prévoient que le montant de la contribution spéciale est égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti mais également, en fonction du résultat du contrôle de l'OFII, que ce montant peut être ramené à 2 000 ou 1 000 fois ce taux ou porté, en cas de récidive à 15 000 fois ce taux. Les dispositions précitées de la directive du 18 juin 2009 qui prévoient des sanctions financières proportionnées dont le montant augmente en fonction du nombre de salariés étrangers employés illégalement n'imposent pas à l'OFII de moduler davantage le montant de la contribution spéciale en dehors des cas prévus par les dispositions du code du travail. Par suite, le moyen soulevé par la société Renovavenir doit être écarté.

Sur l'application du taux réduit de la contribution spéciale :

14. L'article L. 8252-2 du code du travail dispose que : " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : 1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d'une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ; 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. (...) ". Aux termes de l'article L. 8252-4 du même code : " Les sommes dues à l'étranger non autorisé à travailler, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 8252-2, lui sont versées par l'employeur dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction. (...) ". Aux termes de l'article R. 8252-6 du même code : " L'employeur d'un étranger sans titre s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales. ".

15. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Renovavenir a versé au salarié étranger les salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la contribution spéciale mise à sa charge aurait dû être minorée en application du 2° du II et du III de l'article R. 8253-2 du code du travail.

16. La société Renovavenir se prévaut du caractère disproportionné du montant de la contribution spéciale prononcée à son encontre. Toutefois, le législateur n'ayant pas prévu d'autre modulation de la sanction que celle que comportent les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et ses textes d'application, qui fixent le montant de la contribution spéciale, selon les cas à 5 000 fois, 2 000 fois ou 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 de ce code, il n'appartient pas au juge administratif d'atténuer ou d'en moduler le montant, dès lors que la réalité des faits invoqués par l'administration est établie et que la qualification qui leur a été donnée est reconnue comme entrant dans le champ de ces dispositions. La société requérante ne peut utilement invoquer dans le présent litige portant sur la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-3 du code du travail la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de contravention de grande voirie. Par ailleurs, le respect des stipulations du 1° de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'implique pas davantage que le juge module l'application du barème résultant des dispositions précitées du code du travail en fonction de la gravité de la faute commise, de ses conséquences pour l'entreprise, du caractère isolé du manquement et de la brièveté de la relation de travail. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à solliciter la modulation du montant de la sanction qui lui a été infligée.

Sur le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement du salarié étranger dans son pays d'origine :

17. D'une part, il résulte des dispositions des articles 3 et 5 de la directive du 18 juin 2009 citées au point 11 de l'arrêt que les Etats membres peuvent mettre à la charge d'une société qui a employé illégalement des salariés étrangers soit le paiement des frais de retour de ces salariés dans leur pays d'origine dans les cas où une procédure de retour est engagée soit le coût moyen d'un tel retour. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de la directive précitées n'auraient pas été correctement transposées en droit interne au motif que les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine.

18. D'autre part, les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine à la justification par l'administration du caractère effectif de ce réacheminement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas justifié du réacheminement du travailleur en situation irrégulière employé par la société requérante est sans influence sur la légalité de la contribution litigieuse.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Renovavenir n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Renovavenir au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Renovavenir une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Renovavenir est rejetée.

Article 2 : La société Renovavenir versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Renovavenir et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Collet, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

Le président de la formation de jugement,

I. LUBEN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 19PA03763


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03763
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SENYUREK

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-03;19pa03763 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award