Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 8 octobre 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 1809101 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire de régularisation enregistrés les 6 août et 11 septembre 2020, Mme E... épouse B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement n° 1809101 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun ;
3°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2018 du préfet du Val-de-Marne ;
4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 10 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été rendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les observations de Me C..., avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse B..., ressortissante algérienne née le 16 août 1981 et entrée en France en 2017 munie d'un visa de court séjour, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 8 octobre 2018, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Mme E... épouse B... relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 10 novembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme E... épouse B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu d'admettre à titre provisoire Mme E... épouse B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 octobre 2018 du préfet du Val-de-Marne :
3. En premier lieu, par un arrêté n° 2017/794 du 13 mars 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du même jour, le préfet du Val-de-Marne a donné délégation à M. G... D..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les arrêtés portant refus d'admission au séjour ainsi que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. ".
5. L'arrêté en litige vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 modifié, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il expose des éléments suffisants sur la situation personnelle de l'intéressée, en relevant que
Mme E... épouse B..., ressortissante algérienne née le 16 août 1981, a épousé en 2006 un ressortissant algérien en Algérie, que le couple a deux enfants nés en 2007 et 2009 en Algérie, que son époux ne bénéficie pas d'un droit au séjour en France et que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine, et qu'elle ne peut dès lors prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien. Par ailleurs, il précise que la situation de
Mme E... épouse B... ne relève pas des autres catégories visées aux articles 7 et 7 bis de cet accord, qu'elle ne fait pas valoir de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires de nature à justifier la régularisation de sa situation, et que la décision ne contrevient pas aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, en application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne a obligé
Mme E... épouse B... à quitter le territoire français, qui vise ces dispositions, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière, dès lors que la décision de refus de séjour était elle-même suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autorisation de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... épouse B..., qui n'est entrée en France qu'en 2017, soit moins de deux ans avant la date de l'arrêté contesté, s'est mariée en Algérie en 2006 avec un compatriote qui réside en France et que le couple a deux enfants nés en Algérie, respectivement en 2007 et 2009, et un troisième enfant né en France en 2018. Il n'est ni établi, ni même allégué, que l'époux de Mme E... épouse B... serait en situation régulière en France, et Mme E... épouse B... ne fait état d'aucun élément qui ferait obstacle à ce qu'elle poursuive sa vie privée et familiale en Algérie, accompagnée de son époux et de ses enfants, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 36 ans. En outre, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que les fils de Mme E... épouse B..., scolarisés en 6ème et en CM1 à la date de l'arrêté attaqué, seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité en Algérie, la requérante n'établissant pas, par la seule production d'un article tiré du quotidien El Watan daté du 19 juillet 2020 faisant état des insuffisances du système éducatif algérien et de la préparation d'une réforme du système scolaire, que ses enfants ne pourraient bénéficier d'une scolarité satisfaisante dans leur pays d'origine. Au vu de ces éléments, et quand bien même Mme E... épouse B... maîtrise le français et est bénévole au sein de plusieurs associations, son grand-père et trois de ses cousins possèdent la nationalité française, l'arrêté du 8 octobre 2018 du préfet du Val-de-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
8. En quatrième lieu et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions qui les concernent. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Mme E... épouse B... soutient que l'arrêté contesté méconnait l'intérêt supérieur de ses fils, dès lors qu'ils sont scolarisés en France, que l'interruption de leur parcours scolaire aurait des conséquences critiques sur leur développement personnel, et que le système scolaire algérien n'est pas satisfaisant. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, en tout état de cause la requérante n'établit pas que ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à l'intérêt supérieur des enfants mineurs de
Mme E... épouse B... une atteinte contraire aux stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, dès lors, être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme E... épouse B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... épouse B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme F..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02129