Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé à la commission départementale d'aide sociale de Paris d'annuler la décision du 4 février 2016 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris a rejeté sa demande d'admission au bénéfice de l'aide médicale de l'Etat.
Par une décision du 23 septembre 2016, la commission départementale d'aide sociale de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 janvier 2017, et des mémoires enregistrés les 21 décembre 2017 et 10 octobre 2018, M. D..., représenté par Me C..., demande :
1°) d'annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale ;
2°) de prononcer son admission à l'aide médicale de l'Etat à compter du 27 décembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas suffisamment motivée ;
- cette décision et celle de la commission départementale sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'à la date de sa demande, il remplissait l'ensemble des conditions d'admission à l'aide médicale de l'Etat ;
- cette décision méconnaît le principe d'égalité, dès lors que son épouse, entrée en même temps que lui sur le territoire français, a vu sa demande, présentée moins de deux mois après la sienne, acceptée.
Par un mémoire en défense du 27 mars 2017, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, conclut au rejet de la requête de M. D....
Il soutient que :
- la caisse primaire d'assurance maladie a rejeté à bon droit la demande de M. D..., celui-ci ne pouvant être considéré en situation irrégulière sur le territoire français dès lors qu'il dispose d'un visa de court séjour valable du 21 août 2015 au 20 août 2016 ;
- les articles du code de l'action sociale et des familles relatifs à la stabilité de la résidence sont opposables à M. D....
Vu les autres pièces du dossier.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00392.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 54-883 du 2 septembre 1954 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me C..., avocat de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a formé un recours devant la commission départementale d'aide sociale de Paris contre la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris du 4 février 2016 lui refusant le bénéfice de l'aide médicale de l'Etat au motif qu'il ne se trouvait pas en situation irrégulière sur le territoire français. Par sa décision du 23 septembre 2016, la commission départementale a rejeté son recours au motif qu'il " ne manifestait aucun acte de nature à attester de son désir de s'établir durablement en France ou d'y avoir transporté ses centres d'intérêts moraux et matériels ".
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles : " Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l'article L. 861-1 de ce code a droit à l'aide médicale de l'Etat (...) ". Ces dispositions prévoient comme seules conditions à l'octroi de l'aide médicale de l'Etat le caractère irrégulier du séjour, une durée ininterrompue de séjour de plus de trois mois et des ressources inférieures à un certain plafond.
3. Il résulte de l'instruction que M. D..., de nationalité malgache, est entré en France le 27 septembre 2015 sous couvert d'un visa d'une durée de 90 jours et n'en est par la suite pas reparti. Ainsi, à la date de sa demande, le 27 janvier 2016, M. D... résidait en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et s'y trouvait en situation irrégulière, son visa étant expiré depuis un mois. Il n'est par ailleurs pas contesté que ses ressources et celles de son épouse étaient inférieures au plafond alors en vigueur. M. D... remplissait donc l'ensemble des conditions pour bénéficier de l'aide médicale de l'Etat, sans que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, puisse utilement faire valoir que M. D... n'aurait pas manifesté son désir de s'établir durablement en France ou n'y aurait pas transporté ses centres d'intérêts moraux et matériels, aucun texte législatif ou règlementaire n'ayant prévu de telles conditions pour l'octroi de l'aide médicale de l'Etat.
4. En second lieu, aux termes de l'article 44-1 du décret susvisé du 2 septembre 1954 : " La décision d'admission à l'aide médicale de l'Etat prend effet à la date du dépôt de la demande. Si la date de délivrance des soins est antérieure à la date du dépôt de la demande, ces soins peuvent être pris en charge dès lors que, à la date à laquelle ils ont été délivrés, le demandeur résidait en France de manière ininterrompue et irrégulière depuis plus de trois mois et que sa demande d'admission a été déposée avant l'expiration d'un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la délivrance des soins. ".
5. Si M. D... demande à être admis au bénéfice de l'aide médicale de l'Etat à compter du 27 décembre 2015, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait bénéficié de soins au cours de la période allant du 27 décembre 2015 au 27 janvier 2016, date de sa demande.
6. Il s'ensuit que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que sa demande d'aide médicale de l'Etat a été rejetée, à en demander le bénéfice à compter du 27 janvier 2016 et à demander l'annulation des décisions du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et de la commission départementale d'aide sociale de Paris.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris le paiement à M. D... de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 4 février 2016 du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et la décision du 23 septembre 2016 de la commission départementale d'aide sociale de Paris sont annulées.
Article 2 : M. D... est admis au bénéfice de l'aide médicale d'Etat à compter du 27 janvier 2016.
Article 3 : La caisse primaire d'assurance maladie de Paris versera à M. D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président de la formation de jugement,
- Mme E..., magistrat honoraire,
- Mme Collet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.
Le président de la formation de jugement,
I. LUBEN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00392