Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 22 octobre 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2018692/6-3 du 18 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 janvier 2021 et 18 avril 2021, Mme D..., représentée par Me Elachi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2018692/6-3 du 18 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2020 du préfet de police ;
2°) d'enjoindre à l'administration de lui communiquer les pièces de son dossier sur le fondement desquelles l'arrêté du préfet de police du 22 octobre 2002 a été pris ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 octobre 2020 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à Me Elachi, conseil de Mme D..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une personne incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit ;
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la présence de ses deux enfants en B... ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision l'obligeant à quitter le territoire français sur sa situation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques graves que ses enfants et elle-même encourent en cas de retour en Côte d'Ivoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 15 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante ivoirienne née le 30 décembre 1986, est entrée en B... le 11 mai 2019 selon ses déclarations. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 février 2020, confirmée par une décision du 9 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 22 octobre 2020, le préfet de police lui a fait obligation, sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Mme D... relève appel du jugement du 18 décembre 2020 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020, régulièrement publié au recueil n° 75-2020-328 des actes administratifs spécial de la préfecture de police le même jour, le préfet de police a donné à M. A... E..., signataire de l'arrêté en litige, attaché d'administration de l'État, délégation à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions parmi lesquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été présentes ou empêchées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 613-1 de ce code : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".
4. L'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 511-1-I 6°. Il mentionne que Mme D..., née le
30 décembre 1986 à Bongouanou, de nationalité ivoirienne, entrée en B... le 11 mai 2019 selon ses déclarations, a déposé une demande de protection internationale dans le cadre des dispositions des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande de protection internationale par une décision du 28 février 2020, confirmée par une décision du
9 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. Par ailleurs, l'arrêté contesté porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale. Il mentionne également que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors que le préfet de police n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de Mme D..., l'arrêté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation de Mme D... avant de prendre l'arrêté en litige.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 611-1 du même code : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que la demande d'asile de Mme D... a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 28 février 2020, confirmée par une décision du 9 octobre 2020 de la CNDA. Mme D... entrait ainsi dans le champ d'application du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police pouvait légalement obliger Mme D... à quitter le territoire français. Si Mme D... soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire serait entachée d'une erreur de droit, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier son bien-fondé.
8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet de police n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre. Dans ces conditions, Mme D... ne peut utilement soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français prise à la suite du rejet de sa demande d'asile méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais codifiée à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en B... le 11 mai 2019 selon ses déclarations, accompagnée de son enfant née le 5 décembre 2015 en Côte d'Ivoire. Elle est mère d'un deuxième enfant de sexe masculin, né le 8 novembre 2019 à Paris, et est hébergée avec eux dans un hôtel par le Samu social. Mme D... ne se prévaut pas d'attaches familiales ou personnelles en B.... Elle n'établit pas être dépourvue de toutes attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Si elle soutient qu'elle peut élever ses enfants en sécurité en B... alors qu'elle a été menacée par sa famille en Côte d'Ivoire, elle ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, en l'absence d'obstacle à la poursuite d'une vie familiale normale et à la scolarité de sa fille aînée en Côte d'Ivoire, le préfet de police n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'arrêté en litige. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision obligeant Mme D... à quitter le territoire français sur sa situation personnelle.
12. En huitième et dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. Mme D... soutient qu'elle a fui son pays d'origine en raison des persécutions qu'elle subissait de la part de sa famille du fait de son opposition à l'excision de sa fille et qu'elle a été reniée par sa famille F..., elle n'apporte aucun élément tendant à établir la réalité des risques allégués alors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de protection internationale par une décision du 28 février 2020, confirmée par une décision du
9 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile au motif notamment que ses craintes n'étaient pas établies. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais liés à l'instance sont rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00273