Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 mai 2020 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion définitive du service et d'enjoindre à l'Etat d'effacer de son dossier toute mention relative à la procédure disciplinaire, de procéder à la reconstitution de sa carrière et de publier un communiqué indiquant l'annulation de la sanction. Par un jugement n° 2005700 du 17 juin 2022 le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 28 mai 2020 portant sanction disciplinaire d'exclusion définitive du service à l'encontre de M. H... et enjoint au ministre de l'intérieur de reconstituer la carrière de l'intéressé à compter de la date de notification de l'arrêté annulé par le présent jugement et de procéder à l'effacement de la sanction d'exclusion de son dossier individuel.
Procédure devant la Cour : I- Par une requête enregistrée le 10 août 2022 sous le n° 22PA03756, et un mémoire en réplique enregistré le 26 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2005700 du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 28 mai 2020 portant sanction disciplinaire d'exclusion définitive du service à l'encontre de M. A... H... et lui a enjoint de reconstituer la carrière de l'intéressé à compter de la date de notification de l'arrêté annulé et de procéder à l'effacement de la sanction d'exclusion de son dossier individuel ; 2°) de rejeter les conclusions présentées par M. H... devant le tribunal administratif. Il soutient que : - les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ; - les premiers juges ont mésestimé la portée des déclarations de M. H... et leur caractère fautif au regard des missions d'un fonctionnaire de police en prenant en compte des éléments qui n'étaient pas de nature à l'exonérer des manquements qu'il avait commis ; - par son comportement M. H... a méconnu plusieurs de ses obligations statutaires et déontologiques à savoir le devoir de dignité, le devoir de réserve et le fait de ne pas porter atteinte au crédit et à la considération de la police alors qu'il était en période probatoire compte tenu de sa qualité d'élève gardien de la paix ; - les faits reprochés à l'intéressé sont matériellement établis ; - ils sont incompatibles avec les fonctions de gardien de la paix et constituent des fautes disciplinaires ; - la sanction d'exclusion n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation au regard de la teneur des faits reprochés ; - les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2022, M. H..., représenté par Me Krzisch et Me Balme Leygues, conclut au rejet de la requête, demande à la Cour de procéder à la suppression de certains passages des écritures du ministre de l'intérieur et des outre-mer en application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés. II- Par une requête enregistrée le 12 août 2022 sous le n° 22PA03797, et un mémoire en réplique enregistré le 26 octobre 2022 , le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2005700 du 17 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, annulant son arrêté en date du 28 mai 2020 portant sanction disciplinaire d'exclusion définitive du service à l'encontre de M. A... H..., lui enjoignant de reconstituer la carrière de l'intéressé et de procéder à l'effacement de cette sanction de son dossier individuel. Il soutient que le moyen qu'il soulève dans la requête au fond est de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions accueillies par ce jugement. Par mémoire enregistré le 14 octobre 2022, M. H..., représenté par Me Krzisch et Me Balme Leygues, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. H... fait valoir que : - à titre principal, la requête est irrecevable au motif d'une part qu'elle n'est pas motivée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et, d'autre part, qu'elle est sans objet, le ministre de l'intérieur n'ayant pas exécuté le jugement en litige ; - à titre subsidiaire, les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et desoutre-mer ne sont pas fondés et les moyens qu'il avait présentés devant le tribunal sont fondés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de la sécurité intérieure ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique d'Etat ; - le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics ; - l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique, - les observations de Me Krzisch et Me Balme Leygues, avocats de M. H..., - et les observations de M. E... pour le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Deux notes en délibéré pour le ministre de l'intérieur et de l'outre-mer ont été enregistrées le 12 décembre 2022.
Considérant ce qui suit : 1. Ayant intégré le 17 septembre 2018 les cadres de la police nationale en qualité d'élève gardien de la paix, M. H... a fait l'objet, le 21 décembre 2018, après une enquête administrative, d'un signalement par le directeur de l'école nationale de police pour manquements aux devoirs d'exemplarité et de réserve qui n'a pas été immédiatement suivi d'effet, le renvoi de l'intéressé devant le conseil de discipline n'ayant pas été effectué. Ultérieurement, M. H... a été suspendu de ses fonctions par un arrêté du 23 octobre 2019 du ministre de l'intérieur. A la suite d'une séance tenue le 5 février 2020, la commission administrative paritaire interdépartementale réunie en conseil de discipline a émis un avis favorable au prononcé d'une sanction d'exclusion définitive du service. Par un arrêté du 28 mai 2020 du ministre de l'intérieur, M. H... a fait l'objet d'une sanction disciplinaire d'exclusion définitive du service. Par un jugement n° 2005700 du 17 juin 2022 le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 28 mai 2020 portant sanction disciplinaire d'exclusion définitive du service à l'encontre de M. H... et enjoint au ministre de l'intérieur de reconstituer la carrière de l'intéressé à compter de la date de notification de l'arrêté annulé par le présent jugement et de procéder à l'effacement de la sanction d'exclusion de son dossier individuel. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer interjette régulièrement appel du jugement précité. 2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer étant formés contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un seul arrêt. S'agissant de la requête n° 22PA03756 : Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Hormis dans le cas où il se prononce sur la régularité du jugement, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision attaquée dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de droit dont serait entaché le jugement entrepris, et de ce que les premiers juges ont mésestimé la portée des déclarations de M. H... et leur caractère fautif au regard des missions d'un fonctionnaire de police en prenant en compte des éléments qui n'étaient pas de nature à l'exonérer des manquements qu'il avait commis, ne peuvent être utilement soulevés et doivent être écartés comme inopérants. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif : 4. Aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. Dans l'exercice de ses fonctions, il est tenu à l'obligation de neutralité. (...) ". Aux termes l'article R. 434-3 du code de la sécurité intérieure : " Les règles déontologiques énoncées par le présent code (...) définissent les devoirs qui incombent aux policiers et aux gendarmes dans l'exercice de leurs missions de sécurité intérieure pendant ou en dehors du service et s'appliquent sans préjudice des règles statutaires et autres obligations auxquelles ils sont respectivement soumis. (...) ". Selon l'article R. 434-12 de ce code : " Le policier ou le gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service, (...), il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation. ". Selon l'article R. 434-14 dudit code : " (...) Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ". Et selon l'article R. 434-27 de ce même code : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ". L'article R. 434-29 du code de la sécurité intérieure dispose en outre que : " Le policier est tenu à l'obligation de neutralité. / Il s'abstient, dans l'exercice de ses fonctions, de toute expression ou manifestation de ses convictions religieuses, politiques ou philosophiques. / Lorsqu'il n'est pas en service, il s'exprime librement dans les limites imposées par le devoir de réserve et par la loyauté à l'égard des institutions de la République. / Dans les mêmes limites, les représentants du personnel bénéficient, dans le cadre de leur mandat, d'une plus grande liberté d'expression. ". Enfin, aux termes de l'article 111-6 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : " L'autorité compétente prend les mesures propres à sauvegarder les intérêts du service lorsque le comportement professionnel ou privé du fonctionnaire (...) apparaissent de nature à jeter le discrédit sur sa fonction ou le service auquel il appartient, ou à créer une équivoque préjudiciable à ceux-ci. ", et aux termes de son article 113-10 de cet arrêté : " Les fonctionnaires de police (...) s'expriment librement dans les limites qui résultent de l'obligation de réserve à laquelle ils sont soumis (...). En tout temps, en service ou hors service, ils s'abstiennent, en public, de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur l'institution à laquelle ils appartiennent ". 5. Les faits reprochés à M. H... à l'origine de la sanction d'exclusion définitive du 28 mai 2020 contestée résident, en dehors des heures de service et devant ses collègues, dans l'évocation, à plusieurs reprises et de manière ostensible, de son passé judiciaire, dans la tenue de propos critiques en des termes méprisants à l'égard de certains fonctionnaires de police intervenant dans des quartiers sensibles, dans la circonstance qu'il s'est enorgueilli d'avoir voyagé en voiture avec une personne défavorablement connue des services de police et récemment sortie de prison, dans la circonstance qu'il a déclaré, le 11 octobre 2018, à l'occasion d'une discussion avec un camarade de l'école de police portant sur le terrorisme et les attentats du Bataclan, qu'il respectait les terroristes en valorisant leur qualité de " combattant " et leur " courage ", et dans la circonstance que, le 16 octobre 2018, alors que plusieurs élèves gardiens de la paix évoquaient l'affaire Merah, il est intervenu dans la conversation pour remettre en cause le traitement judiciaire de cette affaire en estimant qu'il y avait " anguille sous roche ". 6. Pour annuler cette décision, les premiers juges ont estimé que les propos de M. H..., ponctuellement prononcés au début de sa scolarité, au cours de conversations informelles avec ses camarades où n'étaient présents ni public extérieur, ni usager ni personnel hiérarchique, ne sauraient à eux-seuls être qualifiés, plus d'un an plus tard, de manquement au devoir de réserve ni d'atteinte à la neutralité et la dignité de la police ni d'expression de convictions contraires aux valeurs républicaines et de l'institution policière, et qu'en conséquence ils ne présentaient pas le caractère de faits fautifs susceptibles de justifier une sanction.
En ce qui concerne l'attitude critique de M. H... à l'égard des forces de l'ordre : 7. Il ressort des différents témoignages de l'enquête administrative que, lors d'un cours de déontologie, le formateur a diffusé aux élèves gardiens de la paix une vidéo montrant des policiers frappant un homme au sol au cours d'une interpellation. A l'issue de ce cours, une discussion s'est engagée entre M. H... et l'un de ses camarades sur le reportage visionné. M. H... a, à cette occasion, fait part de son expérience personnelle et notamment des violences qu'il avait subies, il y a plusieurs années, lors de son arrestation par des policiers qu'il a qualifié de " batards de keuf ". S'il convient d'observer que ces critiques ne concernent pas la police dans son ensemble mais seulement certains policiers qui lors de contrôles et interpellations ont usé de méthodes violentes et injustifiés et que M. H... a nuancé ses propos en indiquant qu'il ne gardait aucune rancune envers ces policiers et a indiqué que les policiers se devaient d'adopter un comportement irréprochable lors de l'exercice de leurs fonctions en accord avec la déontologie et l'éthique policière, il n'en demeure pas moins que, par cet écart de langage, M. H... a dénigré l'institution policière et qu'il ne pouvait ignorer le caractère polémique de ce propos. Dans ces conditions, M. H... a manqué à ses obligations statutaires et déontologiques s'imposant à tout fonctionnaire de police, notamment à son obligation de réserve et d'exemplarité. Il s'ensuit que le ministre de l'intérieur a pu estimer que le fait qui lui était reproché était constitutif d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. En ce qui concerne l'évocation de son passé de délinquant et de son voyage avec un ex-détenu : 8. S'il ressort également des témoignages de plusieurs élèves que M. H... a également " déclaré (à ses camarades) avoir pas mal vendu de drogue et qu'il était connu des services de police ", a qualifié les forces de police intervenant dans des quartiers sensibles de " bâtards de keufs " et s'est vanté d'avoir effectué du co-voiturage avec un trafiquant de drogue qui venait de sortir de prison en déclarant avoir trouvé cela " fun ", et si ces propos traduisent les difficultés que M. H... a éprouvées à se positionner en début de scolarité au regard de ses futures fonctions de gardien de la paix et de son passé judiciaire, ils ne peuvent cependant être regardés, dans le contexte dans lequel ils ont été tenus, comme traduisant une quelconque volonté de valorisation de son passé, et, par suite, être qualifiés de manquement à l'obligation de réserve, de loyauté et de dignité et être considérés comme fautifs. En ce qui concerne les propos tenus sur les terroristes : 9. Il ressort du procès-verbal d'audition administrative versé au dossier que M. H... a déclaré : " Lucas C... est venu à parler du Bataclan, et je me souviens très bien de ce que je lui ai dit mot pour mot. Je lui ai dit, pardonnez mon langage " Ce sont des fils de p(...), je ne cautionne pas du tout ce qu'ils ont fait, mais même eux je les respecte en tant que combattants " ; j'ai ajouté " il faut des c(...) pour tuer quelqu'un. ". ". M. H... a reconnu lui-même avoir tenu ces propos tendant à reconnaître une forme de courage et de valeur aux auteurs des attentats du Bataclan. Plusieurs témoignages d'élèves gardiens de la paix, versés au dossier viennent par ailleurs corroborer ces propos. Il ressort ainsi du témoignage établi par M. F..., camarade de chambre de M. H..., que ce dernier a déclaré à propos d'un attentat dans un lycée en Crimée, au cours duquel dix-huit personnes ont été tuées par un individu armé, que " pour faire ça, le terroriste devait avoir des c(...) ". Mme G... D..., collègue en stage, a indiqué dans son témoignage que : " M. H... a déclaré en personne qu'il respectait les terroristes, notamment car ils se battaient pour leurs idées, car ils allaient jusqu'au bout de leurs convictions, et car ils portaient leurs " c... " pour reprendre son expression exacte. ". Ces mêmes déclarations ressortent également du témoignage de M. C... qui mentionne que M. H... a déclaré : " j'ai du respect pour les terroristes, qu'ils avaient des " (...) " et que c'étaient des soldats ". Enfin, il ressort également du procès-verbal du conseil de discipline en ce qui concerne l'attentat commis par Mohamed Merah que M. H... a reconnu avoir effectivement dit qu'il y avait " anguille sous roche ". 10. S'agissant des propos tenus, le 16 octobre 2018, alors que plusieurs élèves gardiens de la paix évoquaient l'affaire Merah et son traitement judiciaire, les différents témoignages produits ne permettent de connaître précisément le contexte et les circonstances dans lesquels ces paroles ont été prononcées par M. H.... Ces seuls éléments ne permettent pas d'établir que l'intéressé aurait tenu des propos méconnaissant ses obligations déontologiques. Par suite, ce fait ne peut être considéré comme fautif. 11. S'agissant des autres propos tenus sur les terroristes il convient d'observer que l'ensemble des témoignages mentionnés au point 9 sont concordants quant à la tenue et à la répétition par l'intéressé de propos inappropriés au cours du mois d'octobre 2018 nonobstant la circonstance qu'au cours de l'enquête administrative, certains de ces témoins ont nuancé les propos qu'ils avaient rapportés, ou les ont replacés dans leur contexte. Ainsi, M. H... ne saurait, pour ce motif, contester la matérialité des propos qu'il a reconnue par la suite, lors de son audition par la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, avoir tenus. 12. En outre, la circonstance que M. H... a déclaré, le 11 octobre 2018, à l'occasion d'une discussion avec un camarade de l'école de police portant sur le terrorisme et les attentats du Bataclan, qu'il respectait les terroristes en valorisant leur qualité de " combattant " et leur " courage ", caractérise, quelles que soient les intentions réelles de l'intéressé et eu égard aux modalités d'expression retenues, une méconnaissance par un élève gardien de la paix de son devoir de neutralité et de réserve, incompatible avec l'obligation de dignité à laquelle il est tenu. Ces faits ne peuvent se justifier par une quelconque finalité didactique. 13. Enfin, si les fonctionnaires jouissent de la liberté d'expression, celle-ci peut toutefois faire l'objet de restrictions, compte tenu de leur position et du lien particulier qui les unit à l'administration. Par suite, les faits reprochés au requérant, même s'ils ont été commis en dehors du service, auprès de collègues, en qualité de fonctionnaire stagiaire, et sans utiliser les moyens du service, sont constitutifs d'une violation de l'obligation de réserve, de loyauté et de dignité s'agissant notamment d'un fonctionnaire de police eu égard à l'autorité dont il est investi. En tenant les propos qui lui sont reprochés, M. H... a fait preuve d'une absence de discernement sur les conséquences de ses actes, ces manquements aux obligations statutaires et déontologiques s'imposant à l'ensemble des fonctionnaires et agents publics, notamment de réserve, sont contraires à l'éthique des fonctionnaires de police. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des témoignages produits aux débats que le comportement de M. H... a contribué à dégrader au moins pendant un temps l'ambiance au sein de la promotion et à créer un véritable malaise notamment chez certains élèves gardiens de la paix, et que les propos tenus par l'intéressé ont ainsi été préjudiciables au bon fonctionnement du service, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, en retenant le caractère fautif pour ces faits n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation : 14. Aux termes de l'article 10 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées au fonctionnaire stagiaire sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire, avec retenue de rémunération à l'exclusion du supplément familial de traitement, pour une durée maximale de deux mois ; 4° Le déplacement d'office ; 5° L'exclusion définitive de service ". 15. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Lors du contrôle de l'adéquation de la sanction, le juge doit prendre en compte, non seulement les faits commis en eux-mêmes et la sanction, mais aussi la nature particulière des fonctions exercées par l'agent et des missions assurées par le service. 16. Si les comportements de M. H... mentionnés aux points 7 et 9 présentent un caractère fautif et traduisent une perception défaillante des obligations inhérentes à sa fonction, il ressort des pièces du dossier que, suite aux incidents du mois d'octobre 2018, l'intéressé n'a plus tenu de nouveaux propos ambivalents et qu'il a radicalement modifié son attitude comme le confirment huit camarades de promotion dans leurs témoignages. Ces derniers attestent de manière précise et circonstanciée de son évolution au cours de la scolarité. Ils relèvent notamment qu'il est devenu un élément moteur de la promotion et que M. H... a su faire preuve d'un grand esprit de camaraderie et qu'il s'est pleinement investi dans la formation. Son sérieux, sa droiture et son patriotisme sont également mis en avant. Par ailleurs, il convient de relever que les propos de M. H... avaient un caractère strictement privé et qu'il n'a pas pris part à la publicité qui leur a été donnée. Dans ces conditions, l'autorité disciplinaire, qui disposait d'un éventail de sanctions de nature et de portée différentes, a, en faisant le choix de l'exclusion définitive qui met définitivement fin à la qualité de fonctionnaire, prononcé à l'encontre de M. H... une sanction disproportionnée. 17. Par suite, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 28 mai 2020 infligeant une sanction d'exclusion définitive à M. H.... Sur la demande de M. H... tendant à la suppression de passages diffamatoires : 18. En vertu de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, rappelant les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, les juges peuvent " prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires " d'écrits produits devant eux. 19. S'agissant des passages de la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer figurant en page, commençant par " de tels propos sont de toute évidence fautifs " et se terminant par " depuis le début des années 2010 ", il convient de relever que les termes figurant dans les écritures du ministre de l'intérieur et des outre-mer, dont la suppression est demandée par M. H..., n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites dans l'article L. 741-2 du code de justice administrative. Sur les frais liés au litige : 20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. H... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. S'agissant de la requête n° 22PA03797 : 21. Le présent arrêt statuant sur les conclusions de la requête n° 22PA03756 du ministre de l'intérieur et des outre-mer tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2005700 du 17 juin 2022 du 3 février 2022, les conclusions de sa requête n° 22PA03797 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur ces conclusions.D E C I D E :Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22PA03797 du ministre de l'intérieur et des outre-mer à fin de sursis à exécution.Article 2 : La requête n° 22PA03756 du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée. Article 3 : Le ministre de l'intérieur et des outre-mer versera à M. H... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 4 : Les conclusions présentées par M. H... au titre des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... H....Délibéré après l'audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président de chambre,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 23 décembre 2022. La rapporteure,S. B...Le président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.Nos 22PA03756, 22PA03797 2