Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2223296/8 du 25 janvier 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistré le 15 février 2023, Mme A..., représentée par Me Lerein, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 janvier 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite à l'issue de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer sans délai une carte de séjour portant autorisation de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil, Me Lerein, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'en l'absence de production de l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), du rapport du médecin rapporteur et des extraits du logiciel " Thémis ", il n'est pas établi que le médecin rapporteur ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII, que ce rapport médical a été établi à partir d'un certificat médical rédigé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, que le collège a délibéré de manière collégiale, que les signatures des trois médecins signataires de l'avis sont authentiques, et que l'avis du collège des médecins a été émis dans les conditions de l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet de police s'est estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Des observations ont été présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 20 mars 2023, après la clôture de l'instruction, intervenue trois jours francs avant l'audience.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante cambodgienne née le 9 octobre 1986 à Kampot (Cambodge), est entrée en France le 15 juillet 2016, sous couvert d'un visa de court séjour valable du 13 juillet au 12 août 2016. Elle a obtenu un titre de séjour pour raisons de santé, valable en dernier lieu du 15 juin 2020 au 14 juin 2022. Elle en a, le 19 avril 2022, sollicité le renouvellement. Elle a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
19 octobre 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Elle fait appel du jugement du 25 janvier 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 6 octobre 2022, de son bordereau de transmission, et d'une attestation établie le
28 novembre 2022 par le directeur de la direction territoriale de Paris de l'OFII, que le rapport médical relatif à l'état de santé de Mme A... a été établi le 22 juin 2022 par le docteur D... sur la base d'un certificat médical du 22 avril 2022 établi par le médecin qui la suit habituellement, et a été transmis, le 8 juillet de la même année, au collège des médecins de l'OFII, composé des docteurs Tretout, Mesbahy et Leclair, tous régulièrement désignés par une décision du directeur général de l'OFII du 1er octobre 2021 publiée sur le site internet de l'office et au bulletin officiel du ministère de l'intérieur. Il ressort en outre de ces pièces que le docteur D... ne faisait pas partie du collège. L'avis du 6 octobre 2022 comporte par ailleurs l'ensemble des mentions prévues par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, ainsi que les signatures électroniques des trois médecins composant le collège dont aucune circonstance particulière ne permet de remettre en cause l'authenticité. Enfin, cet avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Mme A... en conteste la régularité en faisant état de l'absence de production par le préfet de police de la fiche " Themis " d'instruction de la demande, et en se référant à un document d'observations de l'OFII, produit dans le cadre d'une autre instance juridictionnelle, dont il ressort que l'avis du collège des médecins, " finalisé " par le médecin coordinateur de zone, est " la résultante des trois avis " émis individuellement par les médecins vacataires composant le collège, après discussion pour trouver un consensus. Contrairement à ce que soutient Mme A..., ces éléments ne sauraient remettre en cause le caractère collégial de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII avant la décision de refus attaquée. Le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis doit, par suite, être écarté.
4. En deuxième lieu, pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme A..., le préfet de police a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, à destination duquel elle peut voyager sans risque. Mme A..., dont il ressort des certificats médicaux produits en première instance et du rapport médical du médecin rapporteur de l'OFII produit en appel, qu'elle souffre d'une hépatite B chronique active nécessitant un traitement médical à base de ténofovir, allègue que ce médicament ne serait pas accessible pour des raisons financières dans son pays, et qu'il n'y serait pas disponible avec le dosage qui lui est prescrit. Toutefois, il ressort d'un courrier électronique du service d'information médicale " Gilead " en date du 14 novembre 2022, produit par Mme A... elle-même, qu'il existe au Cambodge des médicaments génériques disponibles avec ce dosage. De plus, en soutenant sans élément de justification précis à l'appui que le coût du traitement représenterait le quart de ses revenus, elle n'établit pas ne pas y avoir effectivement accès. Si elle se prévaut enfin de données d'ordre général relatives notamment à la circulation non contrôlée des médicaments en Asie du Sud-Est et au Cambodge, ces éléments ne sont pas non plus de nature à démontrer qu'elle ne pourrait bénéficier personnellement de son traitement dans ce pays. Ainsi, les éléments dont elle se prévaut ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII, puis par le préfet de police, sur la disponibilité effective au Cambodge d'un traitement approprié à son état de santé. Dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu de solliciter de l'OFII qu'il produise des documents extraits de bases de données non ouvertes au public sur lesquels son avis serait fondé, notamment des éléments issus de la base de données " Medical Origin of Information (MedCOI) ", le moyen tiré d'une violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième lieu, Mme A... n'est, pour les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu d'adopter, pas fondée à soutenir que le préfet de police se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII, se serait abstenu de procéder à l'examen de particulier de sa situation personnelle, et aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
Le rapporteur,
J-C. B...
Le président,
T. CELERIERLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00635