Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... C... épouse B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2202688/8 du 14 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2022, Mme A... C... épouse B..., représentée par Me Orhant, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2202688/8 du 14 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Orhant au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L.425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de prise en charge médicale adaptée à son état de santé entraînera des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourra pas bénéficier effectivement des traitements adaptés à son état de santé dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'intensité de ses liens familiaux en France ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle entend reprendre les moyens soulevés à l'encontre de la décision de refus de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une décision du 8 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A... C... épouse B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... épouse B..., ressortissante camerounaise, née le 27 mai 1962, est entrée en France le 13 octobre 2017 sous couvert d'un visa de type C. Le 31 octobre 2018, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 425-9 du même code. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 17 juin 2019 au 16 mars 2020, qui a été renouvelé du 15 juin 2020 au 14 décembre 2020. Par un arrêté du 14 juin 2021, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Par un jugement du 14 avril 2022, dont Mme A... C... épouse B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... C... épouse B... a été prise en charge à partir de 2017 pour un cancer de l'endomètre avec emboles positifs qui a notamment nécessité une hystérectomie totale en février 2018. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 17 juin 2019 au 16 mars 2020, puis renouvelé du 15 juin 2020 au 14 décembre 2020. Pour refuser de renouveler le titre de séjour sollicité, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du 9 mars 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que si l'état de santé de Mme A... C... épouse B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Cameroun. Cependant, il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat médical du 22 février 2022 du gynécologue-chirurgien de l'hôpital Cochin, postérieur à la décision contestée mais se référant à une situation antérieure, que l'état de santé de Mme A... C... épouse B... nécessite une surveillance médicale rigoureuse ainsi qu'un " traitement du type anticorps monoclonal immunomodulateur ", qui n'est pas substituable et qui n'est pas disponible dans son pays d'origine. Il ressort de l'ordonnance médicale du 23 février 2022 versée au dossier que ce traitement consiste en la prise du Rituximab, Afinitor 5mg à raison de 10 mg par jour en une seule prise. Si le préfet de police verse au dossier la Liste nationale des médicaments et autres produits pharmaceutiques essentiels au Cameroun qui mentionne le Rituximab, ce document est daté de 2017 et n'est dès lors pas de nature à établir que le Rituximab était disponible au Cameroun à la date de la décision contestée du 14 juin 2021. En tout état de cause, ce document mentionne le Rituximab sous la forme d'une solution à diluer pour perfusion dont le dosage est 500 mg. En outre, le document intitulé Plan stratégique pour le renforcement de la chaîne d'approvisionnement public des produits de santé au Cameroun établi en mars 2022, soit postérieurement à la décision contestée, et qui mentionne de manière générale les axes stratégiques pour le renfoncement de la chaîne d'approvisionnement n'est pas davantage de nature à établir que le Rituximab serait disponible dans ce pays. Dans ces conditions, Mme A... C... épouse B... est fondée à soutenir qu'elle ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Cameroun. Par suite, le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que la décision du préfet de police du 14 juin 2021 refusant à Mme A... C... épouse B... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... C... épouse B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 juin 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme A... C... épouse B... le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Mme A... C... épouse B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Orhant renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Orhant de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2202688/8 du 14 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 14 juin 2021 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... C... épouse B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Orhant, avocat de Mme A... C... épouse B..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Orhant renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... A... C... épouse B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... C... épouse B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2023.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA03208 2