Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 février 2022 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2208817 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2022, M. A... représenté par Me Thominette, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2208817 du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du 23 février 2022 du préfet de police de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation par son conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que les décisions attaquées :
- sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12 heures.
Par une décision du 27 octobre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- et les observations de Me Thominette, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 3 février 2001 et entré selon ses déclarations sur le territoire français le 28 ou le 29 mai 2018, a sollicité le 1er septembre 2021 le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade obtenu sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 23 février 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A..., le préfet de police de Paris s'est notamment fondé sur l'avis émis le 3 janvier 2022 par le collège de médecins de l'OFII selon lequel, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risque vers celui-ci.
5. Toutefois, M. A... a été diagnostiqué comme atteint d'une pathologie cardiaque chronique, à savoir : une laminopathie développant de la fibrose cardiaque à l'origine d'arythmies ventriculaires, et potentiellement létale. Il ressort des pièces du dossier que, du fait de cette maladie, l'intéressé a subi une première intervention chirurgicale en Italie en 2017, a été hospitalisé en mai 2018 après son arrivée en France puis durant l'été suivant et a subi le 3 août 2018 une nouvelle intervention d'ablation des arythmies, en urgence, à l'occasion d'un orage rythmique -succession d'une dizaine d'arythmies pendant lequel le défibrillateur dont il est porteur s'est enclenché à plus d'une dizaine de reprises- ; s'en sont suivis une convalescence dans un établissement spécialisé pendant cinq mois et un accompagnement thérapeutique. Depuis lors, son état de santé nécessite un suivi biannuel régulier, de même qu'un traitement médicamenteux à base d'Hydroquinidine, de Corgar et Ramipril. En cause d'appel, le requérant verse aux débats les certificats précis et circonstanciés de deux praticiens hospitaliers cardiologues dont il résulte que, même porteur d'un défibrillateur, il peut être victime, à tout moment, d'un nouvel " orage rythmique " nécessitant une intervention en urgence dans des conditions non efficientes dans son pays d'origine. Aux termes de celui du 4 décembre 2022, le praticien hospitalier à l'institut de cardiologie de la Pitié-Salpêtrière qui le suit, atteste en effet que le taux de récidive de telles arythmies est très élevé en dépit de l'intervention d'ablation et qu'il est fort probable que le défibrillateur s'enclenche à nouveau à répétition du fait d'un nouvel orage, soit une situation clinique souvent mortelle en l'absence d'intervention rapide et complexe qui ne se réalise que dans quelques centres spécialisés en France et nulle part en Côte d'Ivoire. Aux termes d'un autre certificat antérieur du 16 juin 2022, le docteur C..., cardiologue à la Pitié-Salpêtrière, fait également état d'un " haut risque de récidive qui justifie des soins (que M. A...) ne peut obtenir dans son pays d'origine ". Dans les circonstances de l'espèce, les nouveaux documents produits sont ainsi de nature à remettre en cause le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII au vu duquel le préfet de police a rendu sa décision et M. A... est ainsi fondé à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de police de Paris a fait une inexacte application des dispositions citées au point 2.
6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions contenues dans l'arrêté du 23 février 2022 du préfet de police de Paris.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Sous réserve de circonstances nouvelles de nature à justifier légalement un refus de séjour, l'exécution du présent arrêt implique qu'un titre de séjour soit délivré à M. A.... Il y a lieu en conséquence d'enjoindre au préfet de police de Paris de délivrer à ce dernier une carte de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Thominette d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2208817 du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 23 février 2022 du préfet de police de Paris sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris de délivrer à M. A... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, dans les conditions précisées au point 7 du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Thominette sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Me Thominette renoncera, si elle recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Menasseyre, présidente,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.
La rapporteure,
M-D JAYERLa présidente,
A. MENASSEYRE
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05148