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04/03/2024 | FRANCE | N°22PA03121

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 04 mars 2024, 22PA03121


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le vice-président du conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies du ministère de l'économie et des finances a rejeté sa demande du 18 septembre 2020 tendant à ce que la protection fonctionnelle lui soit accordée et à la prise en charge des frais exposés par elle dans le cadre des différentes instances l'opposant à la société Orang

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le vice-président du conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies du ministère de l'économie et des finances a rejeté sa demande du 18 septembre 2020 tendant à ce que la protection fonctionnelle lui soit accordée et à la prise en charge des frais exposés par elle dans le cadre des différentes instances l'opposant à la société Orange France où elle est en position de détachement, et d'enjoindre au conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies du ministère de l'économie et des finances, d'une part, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle contre les agissements de la société Orange France à son encontre depuis l'année 2011 constitutifs d'un harcèlement moral et, à ce titre, de lui rembourser une somme de 29 073, 30 euros pour la prise en charge des frais qu'elle a supportés dans le cadre des procédures juridictionnelles visant à mettre fin à la situation de harcèlement qu'elle subit.

Par un jugement n° 2019791 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2022, Mme C... représentée par Me Soulard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2019791 du 2 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus par le vice-président du conseil général de l'économie (CGE), de l'industrie, de l'énergie et des technologies du ministère de l'économie et des finances de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de prendre en charge les frais exposés ;

3°) d'enjoindre au CGE, de l'industrie, de l'énergie et des technologies du ministère de l'économie et des finances de mettre en œuvre et d'organiser une protection fonctionnelle contre le harcèlement moral subi depuis la mi-2011 ;

4°) de condamner ce dernier à lui rembourser la somme de 18 973,30 euros au titre des frais qu'elle a supportés dans le cadre des différentes instances juridictionnelles initiées afin de mettre fin à ce harcèlement ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges, en rejetant sa demande au seul motif que les éléments qu'elle apportait étaient insuffisants pour laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, ont commis une erreur de droit et de fait ;

- ils ont également omis de répondre à son argumentation relative aux manquements par le CGE, de l'industrie, de l'énergie et des technologies du ministère de l'économie et des finances aux obligations auxquelles il était tenu à son égard en tant qu'il l'a détachée d'office, notamment, d'évaluation professionnelle annuelle, aux circonstances qu'il ne s'est intéressé qu'à la seule gestion administrative de sa carrière, a refusé de recueillir et de donner suite aux signalements tenant aux faits de harcèlement moral ;

- elle établit avoir fait l'objet d'un tel harcèlement pour avoir été dépourvue de poste, d'activité, de missions ou d'objectifs pendant dix ans et pour avoir été tenue à l'écart durant cette période en ayant fait l'objet de tentatives répétées de " mise à la porte ", d'exclusion et vu sa rémunération diminuer ; elle n'a par ailleurs pas été évaluée annuellement et a fait l'objet de simulacres de régularisation, de rétrogradations et a été nommée sur un poste fictif ; le signalement du harcèlement moral dont elle faisait l'objet a été ignoré par l'administration, de même que sa demande de protection fonctionnelle et ses autres demandes ; celle-ci n'a pas davantage répondu aux demandes adressées par les juridictions lors des procédures qu'elle a intentées ;

- la présomption de harcèlement moral étant ainsi établie, sa demande d'obtention de la protection fonctionnelle est dès lors fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés en se référant à ses écritures de première instance.

Par une ordonnance du 7 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ingénieure des télécommunications ayant atteint le grade d'ingénieur général, a été détachée à sa demande sur un emploi supérieur de 2ème niveau d'ingénieur du corps interministériel des télécommunications, à compter du 1er janvier 1993. Par un arrêté du 3 octobre 2002 du ministre de l'industrie pris en application de l'article 29-5 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, elle a été placée en position " hors cadres " dans un emploi supérieur de France Télécom succédant alors à la direction générale des télécommunications et y a été détachée pour une période maximale de cinq ans, à compter du 1er août 2002, afin d'y exercer les fonctions de directrice du pôle marketing du fixe à la branche services fixes et internet. Suite à la réforme statutaire du corps des ingénieurs des télécommunications, à l'instar de tous les ingénieurs des télécommunications en position d'activité en détachement ou " hors cadre " chez France Télécom, elle a été rattachée pour la gestion de sa carrière au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Un droit d'option ayant été reconnu aux intéressés, par un arrêté du 2 novembre 2006, le ministre délégué à l'industrie a mis fin à sa position " hors cadre ", l'a réintégrée pour ordre dans son corps d'origine et l'a placée en position de détachement dans un emploi supérieur de France Télécom devenue depuis Orange France, à compter du 1er février 2006. Par un arrêté collectif du 21 novembre suivant, le même ministre a placé Mme C... en position de détachement d'office dans un emploi supérieur d'Orange France pour une durée de quinze ans et l'a rattachée pour la gestion de sa carrière au ministère de l'économie et des finances. Par un arrêté collectif du 11 janvier 2019 du ministre de l'économie et des finances pris au visa des articles 6 et 7 du décret du 13 juillet 2018 ayant modifié l'article 31 du décret statutaire du 16 janvier 2009 portant statut particulier du corps des ingénieurs des mines, la requérante a été maintenue, de plein droit et sans limitation de durée, dans la position de détachement d'office au sein de la société Orange. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 septembre 2020 reçue par son destinataire le 21 septembre suivant, celle-ci a demandé au vice-président du Conseil général de l'économie, (CGE) de l'industrie, de l'énergie et des technologies du ministère de l'économie et des finances le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral dont elle estimait être victime de la part de la société Orange, ainsi que la prise en charge des frais exposés dans le cadre des instances civiles, administratives et pénales relatives à ces agissements. Mme C... relève appel du jugement du 2 juin 2022 du tribunal administratif de Paris portant rejet de ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du vice-président du CGE, de l'industrie, de l'énergie et des technologies du ministère de l'économie et des finances refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat au remboursement des frais qu'elle a supportés dans le cadre des procédures juridictionnelles visant à mettre fin à la situation de harcèlement qu'elle estime avoir subi.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour contester la régularité du jugement attaqué, Mme C... ne peut ainsi utilement soutenir que les premiers juges auraient commis une erreur de droit et une erreur de fait.

3. En second lieu, il ressort des points 7 et 8 du jugement attaqué que le tribunal a énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels il a estimé que l'administration avait pu légalement considérer que les éléments apportés par Mme C... n'étaient pas suffisants pour laisser présumer l'existence d'actes constitutifs de harcèlement moral, notamment s'agissant de l'argument relatif aux insuffisances alléguées de la part de l'administration dans la gestion de sa situation administrative et de la carrière de la requérante. Ainsi, le tribunal administratif, qui n'était au demeurant pas tenu de répondre à tous les arguments de cette dernière, a suffisamment motivé son jugement et n'a pas omis de répondre à un moyen dont il était saisi.

4. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularités.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite refusant à Mme C... le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'injonction et d'indemnisation :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version alors applicable : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV. La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Il résulte de ces dispositions que la protection qu'elles prévoient n'est due qu'à raison de faits liés à l'exercice par des fonctionnaires de leurs fonctions dans une collectivité publique.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a demandé la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime de la part de la société Orange succédant à France Télécom, dans le cadre de son détachement d'office de la fonction publique auprès de cette société en qualité de directrice du pôle marketing du fixe à la branche services fixes et internet, en demandant la prise en charge des frais qu'elle a exposés à l'occasion des instances civiles, administratives et pénales relatives à ces agissements. Elle soutient qu'au motif qu'elle n'avait pas souhaité renoncer au statut de fonctionnaire, la société Orange s'est employée à obtenir son départ par diverses manœuvres, lui a imposé une mise à l'écart et ne l'a plus considérée comme une cadre dirigeante et que le vice-président du CGE, de l'industrie, de l'énergie et des technologies du ministère de l'économie et des finances, pourtant avisé de cette situation, n'a rien fait pour y mettre fin, a également manqué à ses obligations telles que celle de procéder à son évaluation annuelle.

7. La direction générale des télécommunications a été transformée en établissement public France Telecom le 1er janvier 1991, puis en société anonyme le 31 décembre 1996, et utilise désormais la dénomination sociale " Orange ". Les faits à l'origine de la demande de protection présentée par Mme C... se rattachant ainsi aux activités que celle-ci a exercées dans une société anonyme, ils ne se rattachent pas à des fonctions exercées dans une collectivité publique et n'ouvrent en conséquence pas droit au bénéfice de la protection prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983. La loi permettant le détachement des fonctionnaires auprès d'entreprises publiques et d'entreprises ou d'organismes privés d'intérêt général ou de caractère associatif assurant des missions d'intérêt général, la requérante, maintenue ainsi que rappelé au point 1 du présent arrêt, par arrêté du 3 octobre 2002 du ministre de l'industrie en service détaché auprès de France Télécom devenue Orange pour une durée de quinze ans, puis par arrêté collectif du 11 janvier 2019 du ministre de l'économie et des finances sans limitation de durée, ne peut donc, pour l'application de ces dispositions, utilement soutenir que la transformation de l'établissement public France Télécom en société anonyme n'a pas modifié sa position statutaire. Par suite, l'obligation de protection due par l'Etat à ses fonctionnaires ne s'appliquant pas dans le cas de faits se rattachant à des activités exercées hors de l'administration telles que les fonctions de directrice exercées par l'intéressée au sein de la société anonyme France Télécom devenue Orange, les moyens articulés par Mme C..., qui n'entre ainsi pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, à l'appui de sa contestation du rejet implicite de sa demande sur ce point, sont inopérants.

8. En second lieu, d'une part, dans le contexte précité et dès lors que le dispositif relatif à la protection fonctionnelle repose sur la notion de corps et ne s'applique qu'aux situations dans lesquelles un agent est victime de menace, violence, voie de fait, injure ou diffamation dans l'exercice de sa mission de service public, la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que la protection fonctionnelle aurait dû lui être accordée par l'administration du fait de sa propre absence de diligences vis-à-vis de France Télécom devenue Orange. D'autre part, Mme C... étant en détachement de longue durée et ne devant bénéficier d'entretiens professionnels qu'avec son supérieur hiérarchique direct dans son entreprise d'accueil, elle ne saurait, en tout état de cause, faire grief à son administration d'origine d'avoir omis de l'évaluer chaque année.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes à fin d'annulation, d'injonction et d'indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2024.

La rapporteure,

M-B...La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA03121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03121
Date de la décision : 04/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SOULARD-RAIMBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-04;22pa03121 ?
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