Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de surseoir à statuer dans l'attente de la décision pendante devant le tribunal judiciaire de Paris relative à sa nationalité et d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2023 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.
Par un jugement n° 2317815 du 7 août 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Bogliari, demande à la Cour :
1°) à titre principal, de surseoir à statuer sur la requête jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris se soit prononcé sur la question de sa nationalité ou, à titre subsidiaire, d'annuler le jugement n° 2317815 du 7 août 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris ainsi que l'arrêté du préfet de police en date du 26 juillet 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- dès lors que la question de sa nationalité soulève une difficulté sérieuse, sa demande de sursis à statuer est fondée ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, révélant un défaut d'examen complet et sérieux de sa situation ;
- cet arrêté est entaché de violation des articles 3 et 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- et les observations de Me Bogliari, pour M. B....
Une note en délibéré présentée par M. B... a été enregistrée le 14 mars 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 31 juillet 1992 à Saint-Denis (93200), déclare être entré en France en 2017. Par un arrêté du 26 juillet 2023, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trente-six mois. M. B... relève appel du jugement du 7 août 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
2. Aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire (...) ". Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du tribunal de proximité d'Aubervilliers, notifié le 23 février 2016, M. B... s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française, au motif que, " bien qu'il soit né en France, le lien de filiation n'a pu être établi envers Sallé B..., né sur le territoire français (AOF) avant l'indépendance, car l'acte de naissance du père ne possède pas la force probante requise par l'article 47 du code civil ". Il ressort de ces pièces que le requérant a saisi, le 30 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris d'une demande tendant à l'annulation de ce jugement et à ce que la nationalité française lui soit reconnue, en faisant valoir que l'acte de naissance de son père et le livret de famille étant conformes à la loi malienne et devant, partant, être présumés valables, le lien de filiation devait être regardé comme établi. Dans ces conditions, il existe une difficulté sérieuse sur la question de la nationalité de M. B..., dont dépend la solution du litige porté devant la Cour puisque le préfet de police ne peut légalement prendre de mesure d'éloignement, ni d'interdiction de retour sur le territoire national à l'encontre d'un ressortissant français. Par suite, eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, il y a lieu pour la Cour de surseoir à statuer sur la requête de M. B... jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris, saisi par l'intéressé le 30 septembre 2022 d'un recours contre le jugement du tribunal de proximité d'Aubervilliers et d'une demande de reconnaissance de cette nationalité, se soit prononcé sur cette question préjudicielle.
D E C I D E :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... dirigée contre l'arrêté du préfet de police en date du 26 juillet 2023, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si le requérant possède la nationalité française.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et au président du tribunal judiciaire de Paris.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03929 2