Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2302533/8 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Togola, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 31 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 novembre 2022 du préfet de police de Paris ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de réexaminer sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, pour la durée de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Togola, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation par son conseil à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
S'agissant des moyens communs à l'ensemble des décisions :
- elles ont été signées par une autorité incompétente ;
- elles sont insuffisamment motivées ;
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 novembre 2023, à 12 heures.
Mme B... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 13 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-1266 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante kenyane née le 7 février 1979 et entrée en France le 31 mai 2018 selon ses déclarations, a sollicité le 1er juillet 2022 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 novembre 2022, le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Par un jugement du 31 mai 2023 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Mme B... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, intervenue au cours de la présente instance d'appel, ses conclusions tendant à ce que la cour lui accorde provisoirement le bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 novembre 2022 du préfet de police :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions :
3. En premier lieu, Mme B... réitère devant la cour le moyen, déjà énoncé devant les premiers juges, tiré de ce que les décisions contestées auraient été signées par un auteur incompétent. Toutefois, il y a lieu, en l'absence de tout élément de fait ou de droit nouveau, d'écarter ce moyen par adoption des motifs, suffisamment circonstanciés, retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.
4. En second lieu, l'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que l'intéressée, de nationalité kenyane, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et que, par un avis du 10 novembre 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a considéré que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. De même, l'arrêté précise que Mme B... se déclare divorcée et sans charge de famille sur le territoire français, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales à l'étranger où résident ses deux enfants âgés de 12 et 18 ans, qu'elle déclare exercer une activité de garde d'enfants à domicile et, qu'eu égard à la circonstance qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 39 ans, elle ne justifie pas d'une situation personnelle et familiale à laquelle cette décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Enfin, l'arrêté relève que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de Mme B..., l'arrêté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police de Paris n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis du collège médical de l'OFII, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
8. Pour refuser de délivrer à Mme B... le titre de séjour sollicité, le préfet de police de Paris s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 10 novembre 2022 qui précise que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé et, qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis, la requérante se prévaut du certificat médical détaillé, produit en première instance et établi le 11 janvier 2021 par un médecin psychiatre au sein de l'établissement de santé mentale de Paris et d'Ivry, qui mentionne qu'elle souffre d'un état dépressif majeur associé à un syndrome post-traumatique sévère nécessitant un traitement par antidépresseur et anxiolytique ainsi qu'un double suivi en psychiatrie et en addictologie. Toutefois, ce certificat, établi vingt-deux mois avant l'avis, qui fait état de ce qu'elle présentait des angoisses hypocondriaques, de ce qu'elle avait " une consommation d'alcool importante pour tenter d'apaiser les symptômes anxieux et dépressifs ", de ce que " ces troubles sont en grande partie toujours présents à ce jour, malgré un suivi régulier et un traitement médicamenteux " et qui conclut également que " (l'état de santé de la requérante) s'est partiellement amélioré (mais reste à ce jour fragile) ", ne se prononce en revanche pas sur les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale. Les ordonnances du 30 novembre 2021 et du 11 juillet 2022 établies par le chef de pôle au centre médico-psychologique du secteur La Chapelle-Goutte d'Or, qui prescrivent à l'intéressée du Prazépam et de la Venlafaxine au titre d'une affection longue durée, ne permettent pas davantage de remettre au cause le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont pu considérer que le préfet de police de Paris, en refusant à Mme B... le titre de séjour sollicité, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Mme B... soutient que le préfet de police de Paris, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'elle réside en France depuis le 31 mai 2018 et qu'elle y dispose d'une adresse effective. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'attestation du 22 février 2023 établie par une référente sociale du foyer Falret, postérieure à l'édiction de la décision contestée mais se référant à un état de fait antérieur, que Mme B... ne dispose pas d'un logement personnel, celle-ci étant hébergée depuis le 21 juillet 2021 en centre d'hébergement et de réinsertion sociale. De même, l'ancienneté de sa présence sur le territoire français, à la supposer établie, n'est pas suffisante pour justifier, à elle seule, que l'intéressée aurait fixé le centre de ses intérêts privés en France. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a exercé une activité professionnelle de garde d'enfants à domicile, en péri-scolaire, uniquement du 8 novembre 2021 au 8 juillet 2022, se déclare divorcée et sans charge de famille en France, alors qu'elle n'est pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 39 ans et où résident ses deux enfants, respectivement nés en 2004 et 2010. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort par ailleurs du certificat médical du 11 janvier 2021 mentionné au point 8 que l'intéressée s'exprime en anglais, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police de Paris, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, aurait porté, eu égard aux objectifs poursuivis par la décision en litige, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 10, le moyen tiré de ce que le préfet de police de Paris aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme B... doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police de Paris n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B....
13. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le préfet de police de Paris, en obligeant Mme B... à quitter le territoire français, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 10, le moyen tiré de ce que le préfet de police de Paris aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme B... doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
15. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant fixation du pays de destination.
16. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
17. Si Mme B... soutient que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit pas davantage en appel qu'en première instance ce moyen de précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre provisoirement Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2024.
La rapporteure,
M-A... La présidente,
A. Menasseyre
Le greffier
P. Tisserand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02899 2